Silwan est une cuvette aux remugles puissants. Les détritus n’y sont pas ramassés ; on dirait qu’ils se sont fondus dans le paysage. La vallée surpeuplée (30 000 habitants) cuit à l’étouffée au pied de la vieille ville de Jérusalem. Les cars de touristes traversent deux de ses artères, pour parvenir au sommet du quartier. Là se dresse la Cité de David, site archéologique en plein essor, chéri par la droite messianique israélienne.
Les écoliers en uniforme remontent les ruelles sinueuses, entre les murs couverts d’inscriptions contre l’occupation. Leurs grands-parents, leurs parents et eux-mêmes n’ont connu qu’une vie d’abandon. Lorsqu’ils lèvent la tête, ils voient les drapeaux israéliens ornant les maisons isolées et barricadées des colons, puis le dôme noir de la mosquée Al-Aqsa sur l’esplanade des Mosquées, et enfin le soleil indifférent.
Un projet de téléphérique devrait voir le jour dans trois ans pour relier l’ancienne gare ottomane, située à Jérusalem-Ouest, à la vieille ville. Les touristes, qui éviteront ainsi les embouteillages, passeront juste au-dessus des habitants de Silwan. De leur cocon métallique, ils verront la pauvreté s’étendre sous leurs pieds.
Un air de favela
Tel est le sort de Jérusalem-Est et de ses quartiers arabes. Conquis et annexés par Israël après la guerre de 1967, ils sont restés une sorte de trou noir sans rattachement véritable. Leurs habitants n’ont partagé ni le développement de Jérusalem-Ouest ni le destin cahoteux de la Cisjordanie. Silwan pourrit sur pied. Ses maisons empilées de façon anarchique, souvent bâties sans autorisations ni plan urbain, lui donnent un air de favela.
Teddy Kollek, maire de Jérusalem de 1965 à 1993, était opposé à l’installation de familles juives au milieu des quartiers palestiniens, anticipant les frictions. Depuis, tout a changé. Un grignotage, lent et méthodique, a été organisé par les colons, avec le soutien des autorités. >>Lire la suite