Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas en 2007, Israël a décrété que ce territoire était désormais une « entité hostile » et a traité ses habitants en conséquence, accordant avec parcimonie des permis de sortie par le terminal d’Erez. Ce blocus de fait a été complété par des restrictions aussi sévères imposées par l’Egypte au passage de Rafah, qui relie la bande de Gaza à la province du Sinaï. Douze années plus tard, un tel état de siège, loin d’affaiblir le pouvoir islamiste, a renforcé les « durs » du Hamas et leur quadrillage de la population locale. Ces sanctions collectives frappent aussi la communauté chrétienne de Gaza, déjà très affaiblie par tant d’épreuves, Israël venant de lui interdire l’accès à Bethléem pour les fêtes de Noël.
Le déclin du christianisme à Gaza
Gaza est christianisée au tout début du Ve siècle par Saint-Porphyre et l’église qui lui est dédiée demeure actuellement la plus importante du territoire. C’est autour de la tombe d’un autre saint, Hilarion, que se construit un des plus importants sites de pèlerinage du Levant byzantin, comparable par son ampleur au complexe syrien de Saint-Siméon. La conquête arabe de 637 entraîne une islamisation de la population d’abord progressive, puis massive. Durant les quatre siècles de l’ère ottomane, de 1516 à 1917, la communauté chrétienne, elle-même très minoritaire, est dominée par l’Eglise orthodoxe, malgré les tentatives tardives des missionnaires occidentaux d’y implanter le rite catholique, voire l’anglican. Les chrétiens de Gaza jouent cependant un rôle notable dans le mouvement national palestinien, déjouant les manœuvres du mandat britannique pour les monter contre leurs compatriotes musulmans.
Après l’occupation israélienne de 1967, la YMCA, sigle anglais de « l’Association de jeunes chrétiens », devient à Gaza un foyer nationaliste, allié au Croissant-Rouge palestinien. Les accords de paix israélo-palestiniens d’Oslo, en 1993, débouchent sur l’établissement d’une Autorité palestinienne dont le Parlement compte des sièges réservés à la minorité chrétienne, avec l’un pour la bande de Gaza. En 2006, le député ainsi élu, Hussam Al-Tawil, est formellement « indépendant », mais soutenu de fait par le Hamas, qui remporte ce scrutin législatif. La population chrétienne de Gaza, déjà alors réduite à quelque trois mille personnes, ne va plus cesser de décliner jusqu’à environ mille deux cents fidèles aujourd’hui, à comparer aux deux millions d’habitants de la « bande ». L’extrême dureté de la vie à Gaza a poussé en effet de nombreux chrétiens soit à l’émigration, soit à l’installation en Cisjordanie, Israël exigeant des Palestiniens le choix définitif de leur résidence dans l’un ou l’autre de ces territoires.
La suspension des permis pour la Noël 2019
Le conflit entre l’Autorité palestinienne, qui contrôle une partie de la Cisjordanie, et le Hamas, maître de la bande de Gaza, n’a pu qu’aggraver les obstacles déjà multiples mis par Israël aux déplacements entre ces deux territoires palestiniens, y compris pour des membres d’une même famille. Les permis accordés pour les fêtes de Noël aux chrétiens de Gaza n’en étaient que plus précieux et plus de 900 demandes avaient été déposées cette année. Israël, qui avait délivré quelque 700 permis en 2018, a pourtant décidé de tous les refuser cette année et de n’accorder pour Noël aux chrétiens de Gaza que cent autorisations de sortie vers la seule Jordanie, via le pont Allenby sur le Jourdain. Pour la première fois, les chrétiens de Gaza ne pourront donc pas participer aux célébrations de Noël dans l’église de la Nativité à Bethléem et seront interdits d’accès aux Lieux saints chrétiens de Jérusalem et de Nazareth.
Ce coup porté à une minorité déjà très vulnérable est d’autant plus choquant qu’Israël a sensiblement développé le « tourisme chrétien » au profit de sa propre économie. Les autorités d’occupation semblent déterminées à creuser encore plus le fossé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. L’archevêque catholique de Jérusalem a qualifié ce diktat israélien de « honte », mais l’interdiction collective, dont la levée a été un moment envisagée le 16 décembre, a été confirmée au bout de quelques heures.
Très peu de voix se sont élevées à l’étranger pour dénoncer cette interdiction, parmi lesquelles celles de l’Eglise d’Ecosse ou de l’Alliance évangélique en Afrique du Sud. En France, la sénatrice Nathalie Goulet a interpellé l’ambassadrice d’Israël au sujet de cette mesure à ses yeux « discriminatoire et incompréhensible ». Force est cependant de constater que le sort des chrétiens de Gaza intéresse peu et mobilise encore moins, y compris dans les milieux publiquement attachés à la défense de la chrétienté d’Orient.
Triste symbole en ce Noël 2019.