La déclaration maintes fois répétée des Palestiniens disant que les Israéliens négocient entre eux est largement démontrée quand il s’agit de débattre des colonies en terre palestinienne. Le mouvement de colonies qui, pour beaucoup d’Israéliens est le cœur même du sionisme, est aujourd’hui devenu une réflexion sur ce qui va mal avec cette idéologie. Comment pourrait-on autrement expliquer le débat discordant en Israël autour des plans pour inverser l’expansion de la colonisation à Gaza et dans certaines parties Nord de la Cisjordanie ?
Ce débat en grande partie israélien est le point principal du programme centré sur les « colonies » et représente le premier épisode d’un documentaire en quatre parties dont le titre est : « The Shape of the Future » produit par John Marks, le président de « Search for Common Ground ». Ce programme est passé simultanément samedi dernier en arabe sur le « Maan Network », sur le « Palestinian Broadcasting Corporation (PCB ), sur la télévision satellitaire d’Abu Dhabi ainsi qu’en hébreu sur la chaîne ‘Channel 8 » israélienne.
La discussion la plus forte du programme prend place entre deux frères. L’un des frères, l’ancien ministre israélien d’ultra droite, Benny Elon, déclare clairement que si les Palestiniens veulent un état indépendant, alors ils doivent aller en Jordanie qu’il dit être le vrai état palestinien. L’Elon barbu parle de la Palestine en termes religieux, faisant du Dieu Tout-puissant un agent immobilier qui l’aurait donnée aux juifs. Comme dans tout débat avec des personnes profondément religieuses, le débat se termine avec une interprétation de la bible. Aucun autre point de vue n’est toléré. De l’autre côté, le frère de Benny, Ari, un professeur de religion, est en faveur du retrait des colonies et parle de l’éventualité que les Israéliens réalisent qu’il n’y a pas d’autre choix que celui de trouver un accord avec les Palestiniens.
Alors que les Israéliens dans le documentaire discutent entre eux, les Palestiniens mettent en avant quelques points forts. Aicha Farah et sa famille, du village de Durat al-Kara près de Ramallah, raconte qu’elle n’a pas pu voir ses filles mariées ces dernières années à cause des colons juifs qui entourent sa maison. Elle pleure sur ses oliviers et poiriers que les Israéliens ont déracinés pour faire place aux colonies et à leur sécurité. On questionne alors Benny Elon qui répond qu’il n’a pas de regrets au sujet des arbres. Il masque sa défense sous le voile de la sécurité : « Si, pour des raisons de sécurité, je devais détruire même des centaines d’oliviers, alors je le ferais - et pas seulement les oliviers- et ce sans aucune pitié ».
Salah Tamari, un ancien combattant du Fatah aujourd’hui membre du Parlement Palestinien, a une position claire : « Nous ne voulons pas de check-points. Nous ne voulons pas que des soldats israéliens nous contrôlent nous et portent atteinte à notre dignité...Nous ne voulons pas vivre dans des cantons. Nous ne voulons pas vivre dans des camps de concentration ».
Un ancien administrateur israélien des territoires occupés, Dov Sedaka, montre des points de vue étonnamment similaires à ceux de certains des Palestiniens dans le programme. Il explique comment les colonies et les check-points qui les accompagnent sèment les graines de la haine dont il sera très difficile de se débarrasser. Le correspondant des affaires militaires, Ze’ev Schiff, qui utilise le mot « cancer » pour décrire les colonies, se fait l’écho des mêmes déclarations anti-colons. Le Mur de Séparation est attaqué de la même façon par beaucoup d’Israéliens et de Palestiniens interviewés. Sedaka et Tamari sont unis dans leur opposition aux 590 kilomètres du mur qui sont actuellement en train d’être construit. Si ce Mur avait été construit sur la Ligne verte, les Palestiniens, y compris Tamari, disent qu’ils n’auraient pas été si opposés à celui-ci.
Contrairement à beaucoup de films sur le conflit israélo-palestinien, ce documentaire ne s’arrête pas à une analyse du problème. Il essaye de donner des suggestions pour montrer quelle forme pourrait prendre la solution. Pour illustrer comment la vie peut reprendre après l’abandon des colonies juives, Marks rend visite à certains colons juifs évacués du Sinaï en 1982, suite aux accords de paix israélo-égyptiens.
Les anciens colons du Sinaï décrivent le traumatisme qu’ils ont ressenti, principalement parce qu’ils avaient perdu leurs maisons et que personne ne leur a dit ce qui se passait. Mais ils racontent et montrent comment la vie s’est de beaucoup améliorée depuis lors. Zohar Sadeh et Nahum Schefer par exemple, ont donné un témoignage convaincant sur la façon de survivre. On voit ce dernier s‘en sortir très bien dans une grande ferme. Les personnes interviewées ont également donné d’autres formes de conseils post-colonisation.
En ce qui concerne les colonies de Cisjordanie, Schiff parle du besoin pour le gouvernement israélien de retirer certaines colonies, tout en suggérant un échange de territoire. Les Palestiniens semblent être d’accord à condition que cela soit fait symétriquement en termes de taille et de qualité.
Dans l’ensemble, le documentaire donne une bonne idée des problèmes des colonies et quelques idées sur les moyens pour arriver à une solution future. Néanmoins, dans ce programme, les Palestiniens, le parti faible dans ce conflit, sont dépeints comme rien de plus que des observateurs au milieu d’un dialogue inter-israélien. Cela ne reflète-t-il pas la réalité ?