Bo Schack, directeur des opérations de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à Gaza, participe vendredi 18 mars à Paris à une conférence consacrée au territoire palestinien, organisée par l’Institut du monde arabe. L’UNRWA joue un rôle essentiel dans le long processus de reconstruction de la bande de Gaza. Cette langue de terre a été une nouvelle fois ravagée, à l’été 2014, par une opération militaire israélienne, « Bordure protectrice », qui a fait 2 251 morts, dont 1 462 classés civils, côté palestinien, et 71 côté israélien, dont 66 soldats. Dans la bande de Gaza, près de 12 000 logements ont été totalement détruits, et près de 150 000 endommagés. Dans un entretien au Monde, Bo Schack fait un point sur l’évolution de la reconstruction et les besoins immédiats de la population.
La bande de Gaza compte 1,3 million de réfugiés sur une population de 1,8 million. Mais l’UNRWA a une rare bonne nouvelle à annoncer : la réparation des logements endommagés a bien avancé…
Oui, c’est une très bonne nouvelle. Près de 70 000 familles ont reçu des fonds et acquis le ciment et les matériaux pour la réparation de leur domicile. Il y a aussi une autre information très positive, et peu relevée dans les médias : toutes les écoles de l’UNRWA, qui avaient été transformées pendant la guerre en centres d’accueil pour les réfugiés, ont été rénovées et réhabilitées, depuis le départ de ces réfugiés l’été dernier.
Mais un problème aigu demeure, celui des logements totalement détruits.
C’est là en effet que nous connaissons les plus grands soucis. A ce jour, nous n’avons reconstruit qu’une cinquantaine de maisons. Pourtant, nous disposons de financements pour environ 2 000 logements, sur les 7 000 nécessaires. Les fonds ne manquent donc qu’à long terme. Mais nous n’avons réellement commencé le processus de reconstruction qu’à l’été 2015, lorsque a été conclu l’accord sur l’entrée des matières premières et du ciment dans la bande de Gaza, négocié par nos ingénieurs avec les Israéliens. Aujourd’hui, les quantités de ciment sont suffisantes. Si les importations s’arrêtaient demain, on aurait dix jours de réserve. Le prix du ciment a d’ailleurs chuté d’environ 50 % en un an.
Alors, où se situent les difficultés ?
A nos yeux, le problème réside au niveau des dossiers, de la documentation précédant la reconstruction. Les familles doivent en principe se présenter avec les plans du logement et les accords des autorités locales avant d’avoir accès aux matériaux. Seize ingénieurs sillonnent Gaza pour les aider dans leurs démarches. Mais il y a aussi, semble-t-il, des problèmes juridiques, avec les droits de propriété, qui ne sont pas toujours clairement documentés et établis.
Les Israéliens dénoncent le détournement d’une partie du ciment et des matières premières par le Hamas pour la construction de tunnels d’attaque.
D’énormes quantités entrent dans la bande de Gaza. L’UNRWA n’est pas chargé de la supervision globale des importations et de leur utilisation. Il y a différentes façons d’acheminer ces matériaux, par des sociétés privées, mais aussi par les tunnels.
L’un des problèmes les plus criants dans la vie quotidienne des Gazaouis est l’électricité. Quelles perspectives d’amélioration voyez-vous ?
Tout le monde parle effectivement de la mauvaise qualité de l’eau et des coupures d’électricité, des problèmes qui ne seront pas résolus très rapidement. On évoque différentes initiatives, comme un gazoduc qui passerait d’Egypte vers Gaza, par la mer ou les terres, pour arriver jusqu’à la grande centrale électrique. Les Israéliens sont aussi d’accord pour démarrer les travaux de l’usine de dessalage des eaux. Mais ce sont des projets qui prendront des années. Il faut des améliorations immédiates, qui demandent des investissements mineurs, mais des messages clairs des autorités israéliennes et palestiniennes. Il faut par exemple améliorer la situation dans la centrale électrique : les transformateurs sont en mauvais état, les cuves de fuel doivent être remplacées, pour passer de 50-80 mégawatts à 120-130, ce qui serait un grand progrès.
Etes-vous inquiet d’un éventuel désintérêt des donateurs internationaux, vu les besoins humanitaires inouïs ailleurs au Moyen-Orient, à commencer par la Syrie ?
Il y a toujours une compréhension forte de la question des réfugiés palestiniens. Mais il est clair qu’on a l’obligation d’utiliser les fonds de la façon la plus efficace. Il y a plus de compétition pour leur attribution. C’est un débat, non pas de principe sur l’engagement, mais d’efficacité et de visibilité. On voit par exemple qu’en Europe des fonds très importants sont utilisés sur ces mêmes lignes budgétaires pour s’occuper des migrants. C’est trop tôt pour dire si l’UNRWA sera confronté, pour cette raison, à un gros manque à gagner. Mais nous espérons éviter la crise de l’été dernier avec la menace de fermeture de nos écoles.