Nikki Haley, l’ambassadrice américaine, sur le point de quitter ses fonctions à la fin du mois, avait rêvé de conclure son passage aux Nations unies par un vote historique : une condamnation inédite du Hamas, maître de la bande de Gaza depuis 2007, pour ses attaques contre Israël. Elle partira sur une défaite d’extrême justesse, après l’échec, jeudi 6 décembre, de son projet de résolution contre le mouvement islamiste armé. L’actuelle porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, serait pressentie pour lui succéder à l’ONU.
Les Palestiniens, soutenus par le groupe des pays arabes, ont fait échouer Washington, grâce à un jeu de procédures transformant un vote à la majorité simple en vote à la majorité des deux tiers, mathématiquement défavorable aux Américains. Ces derniers ont toutefois obtenu 87 voix pour, 58 contre et 32 abstentions, un score très honorable mais inférieur à la majorité des deux tiers requise.
L’ambassadeur israélien, Danny Danon, a immédiatement regretté « un vote pris en otage par la procédure » et un résultat qui ne reflète pas la réalité. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a, lui, qualifié le vote de « réussite très importante pour les Etats-Unis et Israël », en soulignant que « pour la première fois, une majorité de pays ont voté contre le Hamas » au sein de l’Assemblée générale. Sur Twitter, un porte-parole du Hamas, Sami Abou Zahri, avait une autre lecture : « L’échec de l’entreprise américaine aux Nations unies constitue une gifle pour l’administration des Etats-Unis et une confirmation de la légitimité de la résistance. »
Washington avait abordé ce vote, politiquement très sensible, en prenant soin d’engager le dialogue avec ses partenaires et avait ainsi obtenu le soutien des 28 Etats européens qui reconnaissent, tout comme les Etats-Unis, le Hamas comme entité terroriste. « Nous sommes pragmatiques, assure un diplomate occidental. Le langage nous convenait, il n’était pas question de tomber dans la démagogie. » De fait, Washington avait accepté de limiter le langage de la résolution à une condamnation simple des actes de violences du Hamas et de ses récents tirs de roquettes vers Israël.
Ce vote était particulièrement important pour Mme Haley qui « en avait fait une affaire personnelle », selon un expert du dossier. Elle avait promis, dès ses premiers jours aux Nations unies, de renverser la tendance à critiquer de manière disproportionnée l’Etat hébreu. « En un an, Israël a été condamné plus d’une vingtaine de fois. Le Hamas, jamais », a t-elle rappelé alors qu’il s’agit, selon elle, « d’un des cas les plus grotesques et évident de terrorisme dans le monde ». Juste avant le vote, elle en avait fait une question morale : « Le terrorisme est-il plus acceptable, si et seulement si, il est dirigé contre Israël ? », leur a-t-elle lancé, sans référence au bilan de la « marche du retour » à Gaza, près de 200 morts et 5500 blessés par balles depuis fin mars.
Ramallah a dénoncé la réduction de la question palestinienne à « un groupe terroriste et à la violence », alors que son coeur est l’occupation. L’Irlande, au nom des Palestiniens, et soutenue une nouvelle fois par les 28 Européens, a proposé un deuxième texte qui rappelle les précédentes résolutions et les paramètres agréés et énoncés de longue date mais dont « les Américains souhaitent s’affranchir », selon un ambassadeur occidental : une solution à deux Etats, vivant côte à côte et en paix dans les frontières d’avant 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale. Le texte a été adopté à une très grande majorité en recueillant 156 voix pour, 6 contre (Etats-Unis, Israël, Australie, Liberia, Iles Marshall, Nauru) et 12 abstentions.
Les Européens ont fait entendre « une voix singulière », selon l’ambassadeur français François Delattre, en se montrant « sans complaisance vis-à-vis du Hamas, tout en restant attachés aux paramètres » traditionnels d’un règlement du conflit. Plus largement, de nombreux pays ont lancé une sorte d’avertissement à l’administration Trump, toujours affairée à préparer un plan de paix que les Palestiniens rejettent par avance. L’approche américaine du conflit, jugée unilatérale, est ainsi mise en cause.