Il faut dire que cette expression implique une certaine vérité. Cependant, il serait erroné de croire que l’échec du système arabe revient à des raisons non-arabes, ou de supposer que les pays arabes et leurs peuples sont prédestinés à ce sort, ou que la relation du système est rompue avec les politiques ou les positions des membres qui le forment.
Dans toutes les recherches sur les systèmes régionaux, un principe inhérent est omniprésent, selon lequel la force et l’immunité d’un quelconque système ou sa faiblesse et son désespoir sont le résultat de l’ampleur de la volonté politique qui est déterminée par les membres œuvrant sous la même ombrelle, qui est le système. Ce principe indique également que, selon l’ampleur de la souveraineté à laquelle les membres renoncent au profit de l’institution qui représente le système régional, ce dernier est capable ou incapable de gérer les affaires communes. Donc, toute l’affaire se rapporte à la volonté politique dans sa totalité. Dans tous les cas, il doit y avoir un prix que paye l’Etat membre et un prix que paye le système afin de réaliser ses objectifs et ses aspirations qui s’avèrent être les objectifs des membres eux-mêmes.
Pour parler franc et direct, je dirai que l’absence de la volonté arabe commune est le facteur le plus influent sur la régression des Arabes et la détérioration de leur prestige, surtout à l’ombre du rôle peu influent de la Ligue arabe qui est le porte-parole de leur identité, de leur culture et de leur rôle sur les plans régional et mondial. Ainsi, n’importe quelle tentative de rendre plus efficace le rôle de la Ligue arabe ou de l’action arabe commune sans qu’elle ne soit accompagnée d’un traitement efficace à ce déséquilibre inhérent, représenté dans l’absence de la volonté arabe commune, serait vaine.
Le parcours de la Ligue arabe est jalonné de nombreuses tentatives consistant à rendre plus efficaces son rôle et son prestige arabe et mondial. Mais ces tentatives se sont heurtées à l’obstacle de l’absence de la volonté commune. Nous espérons cependant qu’un effort arabe sera conscient de la nécessité d’aplanir l’obstacle de la volonté arabe commune qui serait unanime au niveau des décisions et de leur exécution. Il est indispensable de s’accorder sur une stratégie ambitieuse de travail qui non seulement sauverait la Ligue arabe et le système arabe, mais qui prendrait aussi en considération l’état de toute la région, ainsi que l’équilibre des forces qui sont en phase de constitution et qui dans une partie portent préjudice aux Arabes.
Si l’élément de la volonté arabe commune se cristallise, il serait aisé plus tard de mettre en place une stratégie à l’action arabe commune, quel que soit son nom. Il est important que ce plan repose sur des fondements qui ont fait l’objet d’étude, d’analyse et d’approbation arabe.
Dans ce même ordre d’idées, j’évoquerai l’idée de la modernisation de la Ligue arabe qui n’est pas nouvelle et qui remonte aux années 1960. Une idée qui resurgit et disparaît très rapidement. Mais cet appel, depuis l’occupation américaine de l’Iraq en 2003, a pris un nouveau tournant, voire plus sérieux relativement qu’auparavant. Certains à cette époque avaient accusé la Ligue arabe d’être responsable des événements dans ce pays et d’avoir affirmé qu’il s’agit d’un système régional des plus défectueux dans le monde. D’autres avaient avancé qu’il était temps de signer l’acte de décès de la Ligue et qu’il a fallu amorcer immédiatement la mise en place d’une nouvelle action régionale prenant en compte les nouvelles mutations régionales et mondiales engendrées par l’occupation de l’Iraq. Un avis qui semblait pertinent d’apparence, mais qui n’avait aucune consistance pratiquement parlant. D’autant plus qu’il s’est avéré qu’il n’existait aucune garantie pour la mise en place d’un système de travail plus efficace une fois la Ligue arabe et les organisations qui lui sont dépendantes auraient disparu. Il n’y avait également aucune garantie que le nouveau-né serait dans un état meilleur, à l’heure où les Arabes étaient vaincus à cause de la défaite et de l’occupation de l’Iraq.
Après une étape critique, une nouvelle vision raisonnable a surgi : elle indiquait que la Ligue arabe n’était pas l’unique organisation régionale ou mondiale ayant prouvé son échec à prévenir l’occupation de l’Iraq et que tout le monde était perdant d’une manière ou d’une autre. Pour les tenants de cet avis, la sagesse exige de préserver l’entité déjà existante et de considérer avec sérieux sa restructuration pour pallier ses lacunes et failles. Ainsi apparut l’idée de la réforme de la Ligue arabe en l’injectant d’un sang nouveau, en réexaminant sa méthode de travail et la relation entre les Etats-membres.
Ainsi, deux visions se sont concrétisées. La première appelant à une réforme globale par la modification des articles de la charte, ou la création de nouveaux mécanismes pour l’action arabe. La seconde vision appelle à une réforme graduelle, en entreprenant des mesures traitant selon un calendrier un défaut ou une faille bien déterminée. Cette vision a en quelque sorte dominé et appelle à introduire certains changements dans le mode de vote, la fondation d’un Parlement arabe ainsi qu’un mécanisme de suivi relatif à l’application des résolutions, la création d’un autre assurant un lien avec la société civile arabe.
Dans cet esprit, nous avons vu de nouvelles formules émerger, telles que l’Union des Etats arabes ou des peuples arabes. La première proposée par le Yémen se présente comme une bouée de sauvetage. Le projet au niveau de la forme semble avoir remplacé le mot ligue par union, sans pour autant rien changer à Etats arabes, comme pour sauvegarder leur souveraineté totale. Un regard plus profond aux articles viendrait prouver que dans sa globalité, il n’a rien présenté de nouveau pour déchaîner les énergies du système arabe ou pour activer son dynamisme. Par exemple, ses objectifs se cantonnent à consolider l’intégrité arabe économique et le secteur privé, la réforme économique et la coordination des efforts arabes dans les forums mondiaux. Cette panoplie d’objectifs ne présente en effet rien de nouveau. Le fait de limiter les objectifs à ceux de l’intégrité économique, malgré son importance majeure, est un recul de tous les acquis déjà réalisés à tous les autres niveaux de coopération scientifique, culturelle, politique, sociale et sécuritaire. L’absence d’une quelconque mention de l’ambition arabe et de l’unité arabe réalisable sur un calendrier lointain démontre en fait une régression des objectifs devant être accomplis.