« Je meurs d’impatience de revenir » dit-il. « Je parie que ça a beaucoup changé depuis mon départ il y a 40 ans ».
Pour beaucoup de personnes dans ce sordide camp de réfugiés [1], le retrait israélien de la Bande de Gaza, commencé lundi, a ravivé les espoirs d’un retour dans leurs foyers qu’ils ont fuis pendant la guerre de 1957 au Moyen Orient. Mais il est peu probable que cela puisse se passer bientôt.
Le sort des réfugiés (beaucoup d’entre eux ont aussi fui la terre qui a fait partie de l’état d’Israël avant la guerre) doit encore être négocié entre Israël et les Palestiniens lors de pourparlers sur le soi-disant statut final.
Et un autre sujet sensible au sein de ces pourparlers épineux sera le statut de Jérusalem, que les Palestiniens revendiquent comme leur capitale mais qui est sous contrôle israélien depuis 1967.
Entre temps, même après le retrait de Gaza, Israël continue à commander tous les points d’entrée dans la Bande et en Cisjordanie, ce qui signifie qu’il peut empêcher les réfugiés de revenir.
Israël n’a pas reconnu un « droit au retour » général palestinien et va probablement empêcher la masse des réfugiés de retourner à Gaza ou en Cisjordanie, lieu où Israël a également promis de retirer 4 colonies. Jusqu’à présent, Israël a indiqué qu’il était prêt à permettre à un nombre limité d’Arabes de rejoindre des parents dans le cadre d’un plan de réunification familiale dans le pays, antérieur à 1967.
Dans le seul café du camp ‘Gaza’, on a servi aux habitués des boissons fraîches pour fêter le retrait israélien.
Dans un coin enfumé, Mohammad al-Ghazawi (67 ans) coiffé du keffieh traditionnel à carreaux blancs et noirs, questionne ses amis :
« Pensez-vous que les Israéliens nous laisserons revenir à Gaza ? » demande-t-il en sirotant son café ‘turc’.
« Non » a répondu rapidement Ismail Abu-Taha, en tirant sur son narghilé.
« Les Israéliens ne font que manœuvrer pour montrer au monde qu’ils redonnent des terres aux Palestiniens mais nous ne sommes pas dans leurs registres. Nous avons été oubliés depuis longtemps » dit-il.
A deux blocs de là, Umm Mohammad (72 ans) n’est pas d’accord.
« Pourquoi rendraient-ils la terre s’ils ne permettent pas à leurs propriétaires d’y vivre ? N’écoute pas ces bêtises » dit-elle sur le pas de porte de son petit magasin miteux en distribuant des bonbons aux enfants du voisinage.
« La Palestine est arabe » et « Gaza est libérée » chantent les enfants, certains pas plus âgés que 5 ans. Des détritus coulent le long de la rue à partir d’un égout ouvert devant un groupe de maisons en briques délabrées.
- Gaza camp 17 8 2005
- Une jeune Palestinienne, réfugiée à Gaza camp
Des passants font des signes de victoire, pouce levé, aux enfants qui étaient en train de quitter une école dirigée par l’UNRWA. L’organisation gère les services (y compris les soins médicaux et l’éducation) pour quelques 13 camps de réfugiés en Jordanie.
Le camp ‘Gaza’ situé à l’Ouest de Jerash, la célèbre cité de ruines romaines, à environ 48 kilomètres de la capitale Amman, est le foyer de 27.000 Palestiniens.
- Gaza camp, 17 août 2005
- une Palestinienne âgée réfugiée à Gaza camp
L’UNRWA estime que 122.000 personnes originaires de Gaza vivent en Jordanie, le pays d’accueil arabe le plus important pour un total de 1.8 millions de réfugiés palestiniens. La plupart des Gazaouis vivent dans le camp ‘Gaza’.
Dans le camp Ein al-Hilweh au Liban, le plus grand du pays avec 75.000 Palestiniens, le retrait de Gaza génère de la joie et de l’espoir. Le Liban est le troisième pays après la Jordanie et la Syrie pour le nombre de réfugiés palestiniens.
Des combattants palestiniens de différentes factions ont rejoint les civils et les vieilles femmes, la tête recouverte de foulards blancs, pour une danse arabe qu’accompagnent des cornemuses dans le camp grouillant [2].
« Quand l’Intifada a commencé, nous avons senti que quelque chose allait se réaliser. Aujourd’hui, nous sommes sûrs que cette Intifada a réalisé ses premiers buts avec l’indépendance de Gaza » dit le Lieutenant Colonel Maher Shabaitah qui dirige le bureau du mouvement de la guérilla du Fatah du camp.
Ramzi Qabalawi (55 ans) réfugié au Liban depuis 1948 (date de la création d’Israël) a dit que le retrait de Gaza était « une grande victoire » pour les Palestiniens.
« Sans la résistance et les attaques croissantes contre Israël, les Israéliens n’auraient jamais envisagé le retrait » dit-il.
Mais la jubilation dans le camp ‘Gaza’ a été ternie par les soupçons que le retrait de Gaza n’était qu’une tactique en vue de renforcer la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie.
« Tout centimètre de terre palestinienne qui nous est rendue est bon » dit Ibrahim Jallad (35 ans) un travailleur sanitaire. « Mais il semble que Gaza soit le premier et le dernier ».
Mais Abu-Hashish, l’homme de 65 ans au bord des larmes, lui ne pouvait pas penser à autre chose qu’au retour à Gaza : « J’ai un bout de terrain et une maison à deux étages là-bas, que j’offre gratuitement à mes frères jordaniens »
« Je veux rentrer chez moi, même si je dois marcher tout le chemin ».