Au-delà de la frontière reconnue de l’État d’Israël s’étend le territoire palestinien – la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza – occupé depuis la guerre de 1967.
Alors qu’Israël refuse de reconnaître son statut de puissance occupante, il existe un consensus virtuel mais constant au sein de la communauté internationale – Nations-Unies, Union européenne, Cour internationale de Justice, Comité international de la Croix-Rouge et Canada – selon lequel le droit de l’occupation, défini notamment dans la quatrième Convention de Genève [1] de 1949, s’applique entièrement au territoire palestinien.
Je suis le rapporteur spécial au Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies pour la Palestine et je signe cette tribune avec le secrétaire général d’Amnesty International Canada. Nous savons donc que la puissance occupante se doit d’appliquer des règles strictes quant au traitement qu’elle réserve aux habitants du territoire occupé.
Une des interdictions intangibles édictée par la quatrième Convention de Genève à l’article 49(6) concerne les transferts forcés de personnes civiles à l’intérieur du territoire occupé. Cette interdiction vise à dissuader la puissance occupante de constituer des poches de communautés acquises à sa cause qui ne serait que le premier pas vers une revendication illégale d’annexion ou de souveraineté sur un territoire. Pourtant, au cours de ses 52 années de règne sur le territoire palestinien, Israël a construit 240 colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-est qui accueillent près de 630 000 colons israéliens.
Une barrière à la paix
Les Nations-Unies ont dit, et répété, que les colonies sont illégales et doivent être démantelées. En décembre 2016, le Conseil de sécurité, dans la résolution 2334, a établi que les colonies israéliennes constituaient « une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la solution à deux états tout comme à une paix juste, durable et globale. »
Les colonies ne posent pas seulement une question juridique mais les Nations-Unies, Amnesty international ainsi que de nombreuses autres organisations documentent le fait qu’elles ont un impact systématique et dévastateur pour les droits humains des Palestiniens. Le cœur de l’entreprise de colonisation israélienne consiste à établir un système discriminatoire pour réglementer les droits humains, le zonage du territoire, les ressources naturelles, la propriété, les services publics et la justice et dont le principe est l’appartenance ethnique. En fin de compte, les colonies sont le moteur de l’occupation israélienne. Elles constituent d’irréductibles « faits accomplis » pour revendiquer la souveraineté d’Israël et contrecarrer une quelconque velléité d’auto-détermination palestinienne.
Les problèmes du projet de loi C-85
Le 9 mai dernier, le Sénat canadien a voté un projet de loi dit C-85 qui prévoit la mise en application de l’accord de libre-échange entre le Canada et Israël. Ce texte amende l’accord originel de 1997. Le 27 mai, il a reçu l’assentiment royal.
Deux dispositions fondamentales sont absentes de cet accord de libre-échange révisé.
Premièrement, le nouvel accord ne contient aucune disposition relative aux droits humains, ce qui engagerait les parties signataires à respecter le droit humanitaire international. Deuxièmement, l’accord permet aux biens et services produits dans les colonies d’entrer au Canada sur la même base tarifaire que les biens et services provenant d’Israël. Étendre cet accord aux colonies illégales d’Israël installées sur le territoire palestinien est non seulement contraire au devoir du Canada de faire respecter le droit international mais viole expressément la loi canadienne ainsi que le droit international, sans parler des directives du Conseil de sécurité de l’ONU.
La politique étrangère du Canada, tout comme notre propre législation, a depuis longtemps désigné les colonies israéliennes comme illégales, au nom de la quatrième Convention de Genève. La loi de 1957 sur les Conventions de Genève engage le Canada à respecter ces obligations, dont l’interdiction des colonies de peuplement civil sur le territoire palestinien. La loi de 2000 sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre définissent les colonies de peuplement en territoire occupé comme un crime de guerre.
‘Droit international’
En 2016, le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies exhortaient tous les pays à ne prendre :
« ... aucune disposition qui puisse mener à la reconnaissance ou à l’extension des colonies (israéliennes) … dans les territoires palestiniens occupés, dont Jérusalem-Est, y compris en matière de commerce avec ces colonies et conformément à leurs engagements en matière de droit international. »
C’est pourtant ce que l’accord de libre-échange institue. Il ne fait aucune distinction entre Israël et les colonies et il encourage le développement économique de ces enclaves en exonérant leurs biens et services de droits au moment de leur entrée sur le territoire canadien. Cela revient à considérer les colonies comme faisant partie de l’État d’Israël : en étendant les clauses de l’accord de libre-échange aux biens et services venus des colonies, le Canada se retrouve confronté à de sérieuses violations du droit humanitaire international qui font partie intégrante de l’occupation israélienne.
Les yeux grands ouverts, le gouvernement canadien dispense des avantages économiques à une entreprise illégale à un moment où ces colonies compromettent les chances de paix et nourrissent un système de violation des droits humains.
Traduction : EM pour l’AFPS