Leïla Chahid : le retrait de Gaza "n’est pas la fin de l’occupation militaire" israélienne.
La déléguée générale de la Palestine en France Leïla Chahid a estimé mercredi que l’évacuation des colonies israéliennes de la Bande de Gaza était "une étape très importante" mais que "ce n’est pas la fin de l’occupation militaire".
"Il est évident que c’est une étape très importante. Mais pour qu’elle soit un retour au processus de paix il faut qu’on parle maintenant d’un retrait de la Cisjordanie", a déclaré Leïla Chahid sur France-2 en duplex depuis Beyrouth. "Ce qui compte maintenant le plus, c’est qui va détenir les frontières de Gaza", a-t-elle toutefois ajouté.
"Aujourd’hui pour nous la priorité c’est maintenant d’avoir la souveraineté sur ces frontières parce qu’il est évident que si nous ne l’avons pas, Gaza deviendra une immense prison qui est libre à l’intérieur mais dont le geôlier à la clé, et ce serait l’armée israélienne", a-t-elle expliqué. "Et là, je pense que ça mènera tout de suite à un retour de la violence".
"Ne nous trompons pas, le retrait de Gaza ce n’est pas la fin de l’occupation militaire", insiste la déléguée générale de la Palestine en France : "Nous sommes sur le plan de nos frontières à Gaza et de la Cisjordanie, encore dans un statut d’occupation militaire", a-t-elle jugé. "Et là, la communauté internationale a des responsabilités".
"Il y a une responsabilité internationale de la poursuite de la mise en oeuvre de la ’Feuille de route’ (du Quartet, NDLR) sinon le retrait de Gaza ne sera pas un pas vers la paix mais un retour vers la violence", a-t-elle ainsi prévenu. "Les gens ont peur que cet écran de fumée de Gaza signifie automatiquement l’annexion du territoire le plus important, qui est celui de la Cisjordanie", a-t-elle expliqué.
Annonçant une prochaine rencontre entre le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ariel Sharon, Leïla Chahid a souligné qu’il fallait désormais "s’arrêter de parler de mesure unilatérale, parce qu’on ne fait pas de paix avec de l’unilatéralisme. Il faut revenir à la table des négociations et en particulier à la ’Feuille de route"’.
Mustafa Barghouti, secrétaire général de Mubadara (Initiative nationale palestinienne :
"Alors que les factions palestiniennes ont rivalisé pour s’attribuer le mérite du désengagement israélien de Gaza, beaucoup oublient que ce succès, en réalité, appartient à tous ces hommes, toutes ces femmes et enfants de Palestine qui sont restés dans leur patrie pendant 38 années d’une occupation dévastatrice, et se sont accrochés à leur foi dans la justesse de leur cause. "
Le désengagement est un résultat direct de leur ténacité et de leur faculté à résister, et maintenant il ne reste qu’une issue à l’occupation, le recul.
Cependant, des dangers et des défis graves nous attendent. Le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a appris qu’il y a un prix à payer à l’oppression et l’expropriation du peuple palestinien. Mais au lieu de s’engager dans une paix négociée basée sur le droit international, il s’est limité à des mesures tactiques unilatérales pour détourner l’attention dans d’autres directions.
Ses tactiques ont dressé trois obstacles devant le peuple palestinien.
Premièrement, la mauvaise gestion palestinienne de la Bande de Gaza incite nos détracteurs à prétendre que les Palestiniens sont incapables d’être autonomes.
Nous pouvons éviter ceci par la tenue d’élections démocratiques justes au Conseil législatif, aux municipales et à toute institution, garantissant une compétition entre les factions qui s’exprimerait seulement à travers les urnes, de façon pacifique et pluraliste. Les pressions par la violence sur l’opinion populaire, l’intimidation, le favoritisme et le copinage doivent être écartés à tout prix.
Les rumeurs selon lesquelles les terres libérées pourraient être monopolisées au profit de membres influents de l’establishment politique palestinien peuvent facilement êtres démenties si l’Autorité palestinienne respecte la loi, en toute transparence, lors de l’attribution des terres. Les terres sous propriété privée doivent être rendues à leurs propriétaires légitimes, et les terres publiques doivent retourner dans le domaine public pour être utilisées pour l’intérêt public.
Deuxièmement, beaucoup ont peur que le « désengagement » d’Israël ne soit rien de plus qu’un redéploiement qui rendrait impossible toute souveraineté palestinienne à Gaza. Si Israël retire ses colons et ses soldats mais maintient son contrôle sur tous les accès à Gaza, terrestres, maritimes et aériens, la Bande restera une prison pauvre et isolée. Les Palestiniens doivent insister pour un contrôle total du littoral et de la frontière avec l’Egypte, sans ingérence ou surveillance israélienne.
Troisièmement, les tentatives de Sharon d’utiliser le désengagement pour couper Gaza de la Cisjordanie et geler le processus de paix indéfiniment posent le plus grand défi.
Tout retard donne à Sharon le temps de créer les faits sur le terrain, compromettant les négociations pour un accord final. Par la poursuite de la construction du Mur, l’expansion des colonies et l’exclusion de Jérusalem-Est du champ politique, Sharon est en train d’essayer d’imposer une résolution finale unilatérale, ce qui serait inacceptable pour le peuple palestinien et incompatible avec la loi internationale.
Les intentions de Sharon de troquer Gaza contre Jérusalem-Est et des secteurs très importants et primordiaux de la Cisjordanie détruiraient le rêve d’un Etat palestinien structuré et le réduirait en un nouveau cauchemar de cantons appauvris, isolés, tels les bantoustans que le peuple noir d’Afrique du Sud a rejetés sous l’apartheid.
Après le désengagement, Sharon va faire face à une situation politique intérieure précaire. Ceux qui recherchent la paix doivent immédiatement agir pour s’assurer que le redéploiement de Gaza conduise à un retrait total de toutes les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. La loi internationale établit sans équivoque que les colonies de Gaza n’avaient aucune légitimité. Les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est relèvent d’une même occupation agressive et illégale et doivent de la même manière être démantelées et évacuées.
Pour devenir les acteurs de notre propre destinée, nous, les Palestiniens devons suivre trois étapes.
La première est d’appeler à une conférence internationale pour la paix, identique à celle de Madrid en 1991. Cela mettra fin au blocage politique que Sharon est en train d’imposer. Des discussions décisives s’ouvriront sur des questions comme les colonies de Jérusalem-Est, les frontières définitives et les droits des réfugiés. Cela permettra encore d’engager la communauté internationale dans des négociations auxquelles Israël a longtemps fait obstacle. Et, plus important, la loi internationale redeviendra la base sur laquelle le conflit palestino-israélien doit être résolu.
La seconde étape est de se saisir de la décision de la Cour internationale de Justice déclarant le mur d’Israël contraire à la loi internationale auprès des Nations-Unies, et d’exiger son application par des moyens non-violents, telles des sanctions, jusqu’à exécution par Israël.
Enfin, le combat non-violent contre le Mur et les colonies doit se poursuivre en Palestine et dans le monde afin de maintenir fortement la pression de la société civile et des peuples contre la politique illégale d’Israël.
Aujourd’hui, nous, et tous ceux qui nous ont soutenus dans notre combat pour la paix et la liberté, célébrons le retrait des colonies illégales de Gaza. Mais nous devons rester vigilants afin d’exploiter ce moment du processus et de l’amener à sa conclusion logique : un Etat palestinien souverain en Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est.