Le décret sur l’antisémitisme signé par le président Trump a suscité des réactions mitigées de la communauté juive. Un sénateur démocrate et juif a réagi en yiddish « Oy gevalt » (Quelle violence) et des associations juives de gauche voit dans ce décret une tentative pour limiter la liberté d’expression ; la Coalition juive républicaine, elle, en a fait l’éloge.
Ce décret invoque le chapitre VI de la Loi sur les Droits Civiques qui inclut l’antisémitisme, fondé sur la notion qu’être juif est une nationalité et pas seulement une religion ; en outre, le décret recommandera aux organismes fédéraux de « prendre en considération » une définition de l’antisémitisme adoptée en 2016 par la Coalition Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste (IHRA), laquelle associe les critiques de l’Etat d’Israël à des exemples d’antisémitisme.
Le décret présidentiel s’inspire d’un projet de loi initialement présenté par les représentants démocrates et républicains au Congrès, qui fut critiqué à l’époque par l’American Civil Liberties Union parce qu’il constituait une limite à la liberté d’expression.
Les universités et les collèges qui reçoivent des subventions fédérales sont les premiers visés par ce texte s’ils n’agissent pas contre le militantisme relatif au conflit israélo-palestinien, ce qui pourrait convaincre le Département de l’Education de ne plus les financer.
La Fondation pour les Droits Individuels dans l’Education, une organisation qui se consacre à la protection de la liberté d’expression sur les campus universitaires, a publié un communiqué contre le décret voulu par le président, en avertissant qu’il porterait atteinte aux droits affirmés par le Premier Amendement :
La montée apparente de l’antisémitisme sur les campus est un vrai problème. Mais si bien intentionné qu’il soit, si le décret du président s’appuie vraiment sur la définition (de l’IHRA), il menacera d’une manière inacceptable les droits à l’expression des étudiants et du corps enseignant dans les institutions du pays.
Trump signera le décret quelques heures avant d’organiser une réception pour ceux de la communauté juive qui le soutiennent à l’occasion de Hanoucca.
Le Sénateur Brian Schatz, démocrate de Hawaï, a écrit en réponse à la nouvelle du décret : « Hé les politiciens républicains ! S’il vous plaît ? Laissez les Juifs parler eux-mêmes. Merci beaucoup. » Avant d’ajouter : « Nous, les Juifs, aimons nous disputer. Même à propos d’Israël. En fait, SURTOUT à propos d’Israël. Ainsi l’idée qu’un campus universitaire puisse voir ses opinions sur Israël réglementées par le Département fédéral de l’Education ? Quelle violence. »
De son côté, Halie Soifer, directrice exécutive du Conseil Démocrate Juif d’Amérique, a déclaré :
Ceci est le summum de l’hypocrisie. Si Trump voulait faire face au fléau de l’antisémitisme qu’il a contribué à créer, il aurait assumé sa responsabilité dans l’encouragement du nationalisme blanc, dans la perpétuation des théories du complot et dans la répétition des stéréotypes qui ont conduit à la violence prenant les Juifs pour cible.
Elle a ajouté que « le président Trump est plus intéressé par les gestes symboliques qui politisent Israël et qui utilisent les Juifs comme pions politiques plutôt que de faire réellement quelque chose pour assurer notre sécurité et celle d’Israël. Le timing de cette signature démontre que ceci est purement et simplement, un coup de relations publiques. »
Une déclaration écrite de J Street a aussi dénoncé la démarche présidentielle. « Ce décret, comme la législation bloquée du Congrès sur laquelle il est fondé, semble moins destiné à combattre l’antisémitisme qu’à dissuader la liberté d’expression et réprimer les critiques d’Israël sur les campus », estime l’association juive de gauche.
J Street s’engage à combattre toutes les formes d’antisémitisme mais nous avons l’impression qu’il est mal avisé et néfaste pour la Maison Blanche de déclarer unilatéralement qu’un large éventail de critiques non-violentes d’Israël sur les campus est antisémite, particulièrement à un moment où le principal vecteur de l’antisémitisme dans ce pays est l’extrême droite xénophobe et nationaliste blanche.
Il est particulièrement scandaleux et absurde pour le président Trump de faire semblant de se préoccuper de l’antisémitisme la semaine où il a une fois encore débité publiquement des métaphores antisémites sur les Juifs et l’argent. Les mêmes groupes de droite, qui ferment les yeux devant la rhétorique haineuse du président, ont cyniquement favorisé ce décret en faisant de la lutte contre l’antisémitisme une arme politique plutôt que de le combattre réellement.
La Coalition Juive Républicaine loue l’intention de Trump de marquer « un moment véritablement historique et important pour les Juifs américains. » Dans un communiqué, elle ajoute que « le président Trump a étendu aux étudiants juifs une protection juridique très forte et significative contre la discrimination antisémite. »
La CJR estime que Trump est déjà « le président le plus favorable à Israël » et qu’il est ainsi devenu « le président le plus favorable aux Juifs. »
Matt Brooks, directeur exécutif de l’organisation, prédit qu’« il sera passionnant d’observer comment tous ceux qui, dans la communauté juive, ont qualifié le président d’antisémite, essaieront d’expliquer cette décision historique et en quoi celle-ci sera mauvaise pour les Juifs. »
Traduit de l’anglais (original) par Yves Jardin, du GT Prisonniers de l’AFPS.