Le dernier rapport de la Banque mondiale est clair. Il confirme ce que nous soutenons depuis des années, à savoir qu’il n’existe pas d’alternative économique à la fin de l’occupation israélienne et qu’il nous sera impossible de réaliser pleinement notre potentiel économique sans y mettre fin.
Ce rapport recommande d’orienter stratégiquement les initiatives et les investissements étrangers vers le développement de Jérusalem-Est ainsi que de la zone C, laquelle représente 60 % de la Cisjordanie et abrite plus de 250 municipalités palestiniennes. Mais une telle politique requiert une intervention de la communauté internationale. Celle-ci doit s’opposer aux restrictions illégales imposées par Israël aux Palestiniens en zone C, qu’il s’agisse de résidence, de circulation ou de construction.
Dans les faits, toutefois, force est de constater que la communauté internationale n’a pas fait grand-chose en ce sens. Au contraire, elle continue à récompenser Israël pour ses politiques illégales en développant les échanges commerciaux avec les colonies.
Les hommes d’affaires palestiniens ont dénoncé les restrictions israéliennes dans la zone C malgré les risques encourus : risque de destruction de leurs actifs et risque d’imposition d’amendes exorbitantes. Grâce à leur fermeté, le nombre de produits palestiniens disponibles sur nos marchés a augmenté. Aujourd’hui, même si la Palestine représente un marché captif pour les produits israéliens en raison de la politique douanière d’Israël et de son contrôle sur nos frontières, nous sommes fiers de trouver des pâtes, des jus de fruits et du lait d’origine palestinienne, dans la plupart de nos foyers.
Mais il nous est toujours impossible d’utiliser notre propre eau et de développer nos exploitations agricoles, nos oliveraies et nos vergers. Dans la vallée du Jourdain occupée, on abat les palmiers appartenant aux Palestiniens sous prétexte qu’ils se trouvent en zone C. Dans le même temps, 40 % des dattes israéliennes exportées vers l’Union européenne proviennent des colonies installées dans la vallée (même si une autre origine peut être indiquée sur l’étiquette).
L’activité des colonies israéliennes de la vallée du Jourdain génère un bénéfice annuel de 550 millions d’euros. Autre donnée significative : les exportations annuelles des colonies israéliennes vers l’Union européenne représentent 230 millions d’euros contre seulement 15 millions d’euros pour les exportations palestiniennes. La solution ne peut se limiter à acheter plus de produits palestiniens et à interdire l’entrée des produits des colonies israéliennes. Pour pouvoir importer et exporter librement, sans être soumise aux restrictions israéliennes, la Palestine doit avoir le contrôle de ses frontières internationales.
A ce propos, il convient de souligner - même si la mesure va dans le bon sens - que l’étiquetage différencié des produits de colonies ne suffira pas à dissuader l’État d’Israël de poursuivre son entreprise colonisatrice illégale.
Le fait qu’un colon retire des activités exportatrices un revenu cent fois supérieur à celui d’un Palestinien montre que la communauté internationale continue de soutenir les colonies israéliennes, tout en affirmant le contraire. Récemment, le Premier ministre néerlandais et le Président tchèque ont fait des déclarations inquiétantes au sujet des lignes directrices en matière de financement européen des projets profitant aux colonies. Ils ont demandé un report de leur application, ce qui démontre une fois de plus que certains préfèrent continuer d’accorder l’impunité à Israël plutôt que de prendre les sages décisions nécessaires pour mettre fin à l’occupation de la Palestine.
Le rapport de la Banque mondiale aborde un sujet important pour le présent et pour l’avenir de la Palestine, celui de la zone C. Les politiques israéliennes d’annexion de ces territoires ont entraîné une détérioration des conditions de vie de nos concitoyens. Cela est particulièrement évident dans la vallée du Jourdain dont la population palestinienne est passée de 250 000, en 1967, à 70 000 aujourd’hui.
D’autres obstacles au développement économique de la Palestine existent. Selon nos estimations, le coût de l’occupation a représenté presque 7 milliards de dollars en 2010, soit 84,9 % de notre PIB. Ce chiffre inclut, outre les pertes liées aux restrictions de l’activité en zone C, celles générées par les restrictions d’accès à notre espace aérien et maritime, au spectre électro magnétique ainsi qu’à nos frontières terrestres internationales (alors qu’Israël y accède librement ) Autres éléments pris en considération : la hausse des coûts de transports provoqués par la ségrégation dans ce domaine ainsi que par l’usage inconsidéré et illégal par Israël et les administrations israéliennes, en particulier le ministère du Tourisme, des sites faisant partie du patrimoine historique national des Palestiniens.
Depuis quelques années, certaines instances internationales tentent de faire croire que le fait de lever un checkpoint ou d’autoriser les importations de ketchup et de mayonnaise à Gaza constituait un début de solution. Dans le même temps, le gouvernement israélien s’est employé à présenter l’octroi de quelques permis de travail à des Palestiniens, couplé à une augmentation du nombre de camions autorisés à entrer à Gaza, comme des « mesures propres à créer un climat de confiance ».
Ce dont la Palestine a besoin, c’est de la fin de l’occupation israélienne, seul moyen pour notre pays de réaliser pleinement son potentiel économique. Aucune « mesure de création d’un climat de confiance » n’arrêtera le pillage des ressources palestiniennes ou ne mettra fin aux effets sociaux désastreux de la politique d’occupation israélienne.
La libération de la Palestine constitue le seul moyen de disposer d’une économie saine, condition essentielle d’une paix juste et durable avec Israël.
Le Dr. Muhammad Shtayyeh, qui a rang de ministre, préside le Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction (PECDAR). Il siège au Comité central du Fatah et fait partie, en tant que négociateur senior, de l’équipe engagée dans les négociations actuelles avec Israël.
Traduction : groupe de travail BDS de l’AFPS