Samedi, 07 janvier 2006
Pour le cinquième jour consécutif, des dizaines d’élèves du camp de Jénine ne peuvent se rendre à leurs écoles, et participer aux examens de fin de trimestre, parce que les forces de l’occupation sioniste ont occupé leurs maisons, pris en otages des familles, expulsé de leurs maisons d’autres familles, sous prétexte de rechercher ceux qu’ils appellent "terroristes" dans le camp.
"Quel est le lien entre ma famille et la sécurité" ? demande Raja Abu Sbaa, "pour qu’ils viennent nous imposer l’exil, qu’ils nous privent de nos droits les plus simples, comme le fait d’aller à l’école, pour nos enfants ?" Ils mentent, et leurs pratiques indiquent le peu d’intérêt qu’ils ont pour les droits de l’homme.
Ils ont occupé notre maison, située dans le quartier Jabriyat, qui donne sur le camp, dès dimanche matin, et c’est la deuxième fois en mois de 24 heures. Ils ne se sont pas contentés de le fouiller, d’y semer la panique parmi les enfants, mais nous avons été surpris de les entendre nous dire de quitter la maison, et de ne pas y revenir avant la fin de l’opération.
Abul Hayja se tient, stupéfait, face aux soldats, encore étonné de cette décision, et dit à l’officier qu’il s’agit d’une grande injustice : "Où vais-je aller ? Où vais-je mettre les membres de la famille ? Nous n’avons pas d’autre maison, ni d’autre refuge." L’officier dirige son fusil sur sa poitrine et lui répond : "Nous ne sommes pas les affaires sociales, je n’ai pas pour rôle de vous trouver une maison, il y a un ordre militaire de prendre votre maison et il faut que vous sortiez immédiatement, avec la famille, et ne revenez pas avant huit jours".
Les discussions n’ont servi à rien, ni même les tentatives d’Abul Haja’ d’influer sur la décision des soldats, en mettant en avant la situation difficile de cette famille composée de 11 personnes. "Les soldats étaient plus de 30, ils se sont répartis dans la maison, et je n’avais plus rien à faire qu’à m’en aller, en pleine nuit, laissant les soldats aller et venir dans ma maison. Les soldats nous ont interdit de prendre avec nous des affaires, je n’ai ni des vêtements, ni les cartables des enfants, et les enfants ne peuvent aller à l’école, alors que se déroulent actuellement les examens de fin de trimestre.
Zuhair Mas’ad, secrétaire du mouvement Fateh dans le camp de Jénine, rapporte que les maisons occupées dans le camp à l’heure actuelle dépassent la vingtaine. Les soldats de l’occupation s’y sont installés, chassant les habitants, jusqu’à nouvel ordre, ce qui suscite de nombreux problèmes, surtout que la période des fêtes est bientôt là, comment ces familles passeront-elles ces jours, dans ces conditions inhumaines ?
Une petite prison
La souffrance culmine chez la famille du prisonnier Mahmoud Istiti, les soldats ayant envahi sa maison, comme le raconte son frère Uthman, à l’aube du mardi. "Les soldats ont fermé toutes les portes, ont occupé les fenêtres et ont pris en otage ma belle-soeur et ses enfants, à l’intérieur de la maison."
"Nous sommes très inquiets, parce qu’il y a des petits enfants, seuls avec leur mère, et les soldats ont transformé leur maison en une petite prison. Nous ne pouvons pas leur envoyer de nourriture, malgré l’intervention de plusieurs institutions.
Si les forces de l’occupation prennent pour prétexte la sécurité, quelle est la faute de ces petits pour [qu’on les contraigne à ]vivre des conditions pareilles ? Cela ne suffit-il pas qu’ils ont emprisonné leur père ? Ils leur font subir des conditions pires que la prison."
Une autre famille a également été prise en otage, il s’agit de la famille Abu Khalife, les soldats emprisonnent les sept membres de la famille dans la maison, en total isolement. Les enfants pris en otage ne peuvent se rendre à leurs écoles.
En résidence surveillée
Des dizaines de familles subissent cette politique menée par les forces sionistes. L’avocat Tharwat Nazzal, qui vit dans un immeuble donnant sur le camp de Jénine explique : "les soldats nous ont imposé la résidence surveillée, à l’intérieur de nos maisons. Ils ont investi l’immeuble, occupé un appartement, et le second jour, ils ont pris un autre appartement. L’immeuble a huit appartements, et les gens craignent que les soldats n’occupent les leurs, à tout moment. Nous sommes ainsi obligés de rester chez nous. Ces pratiques ont de lourdes conséquences pour nous, sur nos enfants d’abord, il est vrai que les soldats ne sont pas rentrés chez moi, mais leur présence dans la maison à côté a des répercussions sur mes enfants. Ils sont en train de passer leurs examens scolaires, ils sont sous tension et vivent des moments très pénibles et angoissants. Nous essayons de leur remonter le moral, mais nous ne pouvons pas bouger de cette maison."
Les habitants du camp de Jénine, les associations et institutions du camp, ont lancé un appel à toutes les organisations humanitaires et internationales, pour leur demander de protester et de faire pression sur les autorités sionistes, d’abord pour libérer les familles prises en otage, ensuite pour quitter les lieux. Muawiya Ali Kamel est furieux : "Depuis plusieurs jours, ils nous imposent l’isolement, les soldats nous empêchent de bouger, ils dirigent notre vie, sans aucune raison. Nous appelons la communauté internationale à agir pour mettre fin à ces pratiques".
Quant au préfet de la ville de Jénine, Qadoura Musa, il a contacté les ambassades et les consulats, les représentants des pays arabes et étrangers, qui sont accrédités auprès de l’Autorité palestinienne. Il a également contacté les représentants des membres du Conseil de Sécurité, leur demandant de faire pression sur l’Etat sioniste, pour qu’il arrête ses opérations militaires contre le camp de Jénine.
Il a décrit les opérations israéliennes comme étant des violations de toutes les valeurs humaines : les soldats ont investi les maisons du camp de Jénine ou aux alentours, ont occupé certaines et ont pris en otages des familles entières. Les familles expulsées de leurs maisons vivent des conditions très dures, avec le froid, le début des examens scolaires et l’approche des fêtes.