Ce n’est pas un changement de cap, mais c’est un acte symboliquement fort. Le Vatican a ajouté son poids religieux et politique dans le processus de reconnaissance de la Palestine en annonçant, mercredi 13 mai, qu’il signerait « dans un avenir proche » un accord avec l’« Etat de Palestine ». Ce document était en négociation depuis février 2000. A l’origine, il mentionnait l’Organisation de libération de la Palestine, avant que cette désignation soit remplacée par « Etat de Palestine ». Le document permettra de préciser les activités de l’Eglise catholique dans les territoires palestiniens. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, sera à Rome vendredi, mais l’accord ne sera signé qu’à une date ultérieure. Il assistera dimanche à la cérémonie de canonisation de deux nonnes palestiniennes, qui ont vécu à l’époque de l’empire ottoman, au XIXe siècle.
« Le Vatican a reconnu à la fois notre Etat et notre histoire, qui avait été volée et écrite par d’autres, s’enthousiasme Husam Zomlot, haut responsable palestinien pour les relations internationales. Nous sommes les chrétiens originels. Or, depuis soixante-dix ans, on a essayé de dépeindre le conflit comme étant entre juifs et musulmans. C’est totalement mensonger. Notre problème n’est pas le judaïsme, mais la judéisation de la Palestine, une idéologie politique. »
Du côté israélien, la réaction a été mesurée, en raison des relations importantes avec le Vatican. « Dans le contexte général des reconnaissances de la Palestine, cette décision participe à l’érosion de la position israélienne, reconnaît Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère des affaires étrangères. Cela conforte aussi les Palestiniens dans l’idée qu’ils n’ont pas à négocier avec nous, qu’ils obtiendront plus par la pression internationale. »
Poursuite de la colonisation
La nouveauté, du côté du Saint-Siège, n’est pas dans l’emploi des termes « Etat de Palestine ». Le Vatican les utilise en effet déjà depuis l’admission de la Palestine comme Etat observateur par l’Assemblée générale des Nations unies, en novembre 2012. « L’Etat de Palestine » a un ambassadeur auprès du Saint-Siège. Lors de son voyage en Terre sainte, en juin 2014, le pape avait évoqué devant Mahmoud Abbas les « bonnes relations existantes entre le Saint-Siège et l’Etat de Palestine ». « Il est très clair que le Saint-Siège considère la Palestine comme Etat de Palestine, a expliqué le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, à l’Agence France-Presse. Ce qui est nouveau, c’est que, pour la première fois, cela est exprimé à l’occasion d’un accord. »
La pression internationale sur Israël risque de grandir dans les prochaines semaines. Tandis que les Etats-Unis sont focalisés sur la conclusion des négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire, d’ici le 30 juin, le débat en Europe sur d’éventuelles sanctions contre Israël s’intensifie. La poursuite de la colonisation et le profil du quatrième gouvernement de Benyamin Nétanyahou indiquent que l’Etat hébreu n’est guère décidé à transiger.
La veille de l’élection législative du 17 mars, M. Nétanyahou était revenu sur son engagement de principe en faveur d’un Etat palestinien. Puis, une fois le scrutin passé, il avait affirmé que rien n’avait changé. Aujourd’hui, une courte majorité de 61 sièges émerge à la Knesset, le Parlement israélien. Elle est marquée par le retour au gouvernement des ultra-orthodoxes et la promesse de postes très importants offerts à l’extrême droite de Naftali Bennett (Foyer juif).
Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, doit effectuer une visite en Israël le 20 mai. La pression diplomatique va s’intensifier, dès que le gouvernement israélien sera opérationnel. La France a entamé des contacts informels en vue d’une nouvelle résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, qui définirait les paramètres d’un règlement du conflit. Il s’agirait de fixer un calendrier contraignant pour de nouvelles négociations, avant la fin de l’occupation. Pour l’heure, la France échange avec les pays de la Ligue arabe. Paris veut ensuite convaincre l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne de soutenir la résolution. C’est alors que se posera la grande inconnue : l’attitude de l’administration Obama. Serait-elle prête à lever son veto, bouclier traditionnel d’Israël à l’ONU ?