Entre deux guerres avec Israël, que faire, à part se réarmer ? Tel est le dilemme du Hamas. Le mouvement nationaliste et islamiste, qui dirige la bande de Gaza depuis 2007, a accepté de transmettre le pouvoir dans le territoire à un gouvernement d’union, sous l’égide de l’Autorité palestinienne, qui aura autorité sur les points de passage de Rafah et Erez, avec l’Egypte et Israël. Près de 3 000 membres de la garde présidentielle, relevant de l’autorité de Mahmoud Abbas, doivent y être déployés.
Ce compromis ne règle pas une discorde majeure : le sort des quelque 40 000 personnes employées par le Hamas, notamment dans les forces de sécurité. Le mouvement voulait que l’Autorité palestinienne prenne leurs salaires à sa charge. Mais les pays occidentaux refusent de financer indirectement le Hamas. Un comité juridique devrait voir le jour pour examiner ces emplois au cas par cas. « C’est le test majeur pour la réconciliation nationale, estime Mkhaimar Abousada, professeur de sciences politiques à l’université Al-Azhar. Jusqu’à présent, ils étaient payés grâce aux taxes du Hamas sur les tunnels entre Gaza et l’Egypte, surtout l’essence et les cigarettes. »
Au-delà des questions matérielles, un débat intense traverse le Hamas sur son avenir. Comment préserver sa popularité ? Faut-il demeurer dans le champ balisé de la lutte armée, poursuivre les activités sociales, assumer le passage dans le champ politique ? Loin d’être un bloc monolithe, le mouvement est traversé par des courants divers. « Le Hamas révise une partie de ses références, dit l’analyste Omar Chaaban, directeur du centre d’études politiques Pal-Think. L’idée dominante est : on rend le pouvoir, on restera silencieux sans relancer une guerre, on n’intervient pas dans la reconstruction de Gaza, mais hors de question de désarmer. » Le mouvement a même accepté la présence d’observateurs des Nations unies pour surveiller les chargements de matériaux bruts et de ciments, une exigence israélienne.
Conseiller de l’ancien premier ministre du Hamas Ismaïl Haniyeh (au pouvoir entre 2006 et juin 2014), Ahmed Youssef représente l’aile modérée du mouvement. Son discours est très conciliant. « Il faut donner une chance à la politique et à une approche non violente, dit-il. Les Israéliens ne pourront jamais vaincre les gens de Gaza. Et nous, nous comprenons que la seule force militaire ne peut changer la politique israélienne. » Ahmed Youssef se dit favorable à la création d’un parti politique distinct du Hamas, avec un autre nom. « Parmi les intellectuels du mouvement, de plus en plus penchent pour cette idée. »
Ces « intellectuels » du mouvement n’en constituent pas le centre nerveux. Le professeur Mkhaimar Abousada reste donc prudent sur le tournant affiché. L’aile militaire, dans l’ombre portée de ses « martyrs », domine l’appareil. « Le Hamas choisit la résistance. Ils pourraient suivre le modèle du Hezbollah au Liban : participer aux législatives, figurer au Parlement palestinien, mais rester dans l’opposition. Cette orientation tactique est due à l’hostilité des pays arabes et occidentaux. Mais ce sont les Brigades Al-Qassam [la branche armée du Hamas] qui prennent aujourd’hui les décisions. Et elles croient dans la loi du talion. »