Le GL de Versailles résiste à la mairie mais reste la cible de sites identitaires
L’AFPS Versailles Yvelines sera-t-elle un jour interdite de toute vie publique ? La très forte pression que nous avons subie de la mairie pour ne pas participer au Forum des associations du samedi 9 septembre indique qu’un pas de plus a été franchi dans cette direction. Durant l’été, le maire François de Mazières et certains de ses adjoints ont été l’objet de pressions et de "conseils amicaux" (sms, mails, textes dans des blogs et rencontres directes) leur réclamant de nous écarter définitivement. Le maire fut aussi le destinataire d’une lettre ouverte, lisible sur hakeshet.wordpress.com, un texte nauséeux parsemé d’outrances et d’erreurs factuelles (nous recevrions des subventions directes de la mairie, ce qui bien sûr est faux – dommage pour nos finances). Nous y sommes aussi taxés (accusation de principe) d’antisémitisme et d’incitation à la haine raciale.
Les dix jours précédant le Forum furent assez intenses, le maire de Versailles dépêchant sa responsable des associations au domicile de notre présidente Martine Millet, puis lui téléphonant personnellement, et déléguant les échanges épistolaires à son directeur adjoint. Deux lettres nous confirmèrent que notre présence « n’était pas souhaitable » car porteuse « de troubles potentiels à l’ordre public », « surtout, comme vous le revendiquez, avec votre intention de choquer ou de provoquer ». Surpris de ce procès d’intention – revendiquerions-nous des choses sans le savoir ?-, nous avons donc décidé que notre présente était de fait « souhaitable », d’autant plus sans interdiction franche et officielle de la mairie. Le rôle du premier magistrat de la ville ne consisterait-il pas à assurer notre sécurité, plutôt que de tenter de nous mettre à l’écart ? Pourquoi l’AFPS serait-elle considérée comme fauteur de troubles, au contraire des quelques-uns qui nous menacent directement – et dont nous refusons de croire qu’ils sont la voix de toute une communauté ?
Nous avons donc refusé l’offre de la mairie de nous rembourser la location de notre stand, et ce sont les poches remplies de 500 tracts que nous nous sommes installés à l’emplacement initialement prévu dans les allées du Forum. Aucune affichette à notre nom, et suppression de l’AFPS du programme distribué au public, nous avons à peine eu le temps de comprendre que toute trace de notre existence avait été effacée qu’un responsable de la mairie – poli mais très nerveux – nous demandait de ne pas rester sur les lieux. Mais entouré par près de dix personnes, il comprit que nous faisions corps, et que ce corps ne bougerait pas. Certain que nous serions agressés tôt ou tard, il espérait même ne pas avoir à appeler la police dans la journée. Il fallut pourtant attendre la fin de la matinée pour mesurer la réalité de la « menace » qui faisait autant trembler la municipalité. Six à sept personnes tenant conciliabule restèrent à bonne distance de notre stand pendant un long moment, nous mitraillant avec leurs téléphones portables. Personne n’osa pourtant venir nous accoster, et pour cause : nous étions une bonne vingtaine devant le stand, présidente, adhérents, sympathisants et ami(e)s. Un joli moment d’union qui a peut-être désamorcé toute velléité vindicative. À noter aussi la présence d’Emmeline Fagot, de l’Union juive française pour la paix (UJFP), venue spécialement pour nous soutenir. Qu’elle en soit ici remerciée.
Exceptée un intrigante petite dame, qui durant de longues heures passa, repassa et tourna autour du stand pour nous surveiller, ce fut à peu près tout de la guerre civile qui déchira Versailles ce samedi. Un événement vraiment notable, pourtant : le passage du maire, François de Mazières, qui dura… entre une et deux secondes. Il s’approcha, serra la main à deux personnes sur les trois présentes devant la table, demanda « Ça se passe bien ? » et tourna aussitôt les talons, sans écouter la réponse. Une tentative de fuite… parfaitement manœuvrée. La journée, heureusement, nous offrit son lot de belles rencontres, contacts, remerciements et perspectives réjouissantes.
Elle allait pourtant connaître un ultime rebondissement. En soirée, certains d’entre nous jetèrent un œil sur le site déjà cité hakeshet.wordpress.com, pour voir si des réactions instantanées à notre présence avaient été postées. Sous le texte évoquant la lettre ouverte au maire, un autre est apparu : "AFPS Versailles : silence radio de M. de Mazières" », mis en ligne quelques jours avant le Forum et pointant le silence du maire de Versailles sur le résultat final de son intervention en notre défaveur. Nous apprenons en le lisant qu’une des signataires de la lettre ouverte a été interviewée sur Radio J et s’est indignée de notre existence à Versailles. Elle assure qu’elle s’adressera au tribunal administratif et ira jusqu’au procès si nous ne disparaissons pas de la vie locale. Des propos assez gratinés en soi, mais vite surpassée par l’animateur de la radio assurant que "Le maire de Versailles prend une sacrée responsabilité de maintenir un tel stand qui est un appel à la haine des Juifs en pensant que cela ne provoquera pas de réactions d’un certain nombre de groupes indépendants et dont on ne peut pas mesurer les réactions. Indépendamment du côté immoral et politiquement illégitime de son silence, je pense qu’il prend une responsabilité sur la sécurité des participants à ce Forum. (…) Il y a des groupes dans cette communauté qui ne sont pas contrôlés et contrôlables et la présence d’un tel stand est susceptible de provoquer des incidents et de la violence." Voilà exactement comment on met la pression sur une mairie, quitte à s’autoriser un peu de chantage.
Mais il y a pire (ou plus ridicule, c’est selon). Dans ce même article, un lien renvoie sur le site Dreuz. Info, qui se présente lui-même comme "américain francophone, chrétien, pro-israélien et néo-conservateur" mais considéré par nombre d’observateurs, tels l’Express ou Le monde, comme proche de l’extrême droite. Le site se contente de reprendre la lettre ouverte au maire mais la chapeaute d’un titre de son cru : "Les Versaillais financent à leur insu des associations aux activités illégales". En dessous, une photo de trois enfants en keffieh et armés de kalachnikovs, défilant dans la rue. Elle est légendée ainsi : « Enfants de Gaza endoctrinés – soutenus par l’AFPS qui est financée par Versailles. »
Voilà comment nous avons appris posséder une caisse noire alimentée par François de Mazières pour aider le Hamas à s’armer. Il est intéressant de voir comment ces sites d"infaux" et de fake news se nourrissent mutuellement et se confortent les uns les autres pour se donner une consistance… et du contenu, fût-il le plus délirant possible. Quant au maire de Versailles, il risque de devenir la cible privilégiée de ceux auprès de qui il s’était engagé à nous exclure – un article post-Forum sur hakeshet.wordpress.com atteste de sa promesse – ces conspirationnistes qui usent, par goût du paradoxe, sans doute, de la liberté et de la puissance d’Internet pour appeler à la censure… Un des commentaires de la lettre ouverte ne réclame-t-il pas, tout simplement, de jeter le maire de Versailles en prison ?
Pour mémoire, depuis sa création en 2012, notre GL est en butte à un certain nombre de mesures coercitives prises par la municipalité : demandes d’enlèvement d’éléments de photos ou d’affiches lors d’expositions, salles refusées dans certains quartiers, annulation d’une soirée par refus au dernier moment de nous accorder la salle, affiches décollées des panneaux municipaux ou recouvertes, interdiction de réunion à la Maison des associations (une fois), etc. Etroitement surveillés nous avons quand même pu ouvrir ces derniers mois un dialogue direct avec le maire, François de Mazières (rencontre à son bureau), que nous pensions (visiblement à tort) constructif. Assurant ne pas nous juger sur le fond mais sur la forme de notre action, François De Mazières semble avant tout soucieux d’éviter le moindre trouble quitte à n’écouter que les angoisses identitaires de ceux qui ne supportent pas notre existence même, et à arbitrer systématiquement en notre défaveur.