« Roland, tu viens de réaliser ton premier film, qui est sorti début novembre 2019
Peux-tu rappeler d’abord l’origine de ce projet ?
- Mon premier voyage en Palestine date de 2014. J’en suis rentré profondément marqué avec l’envie de raconter, de témoigner !
Cela fait plus de 30 ans que je m’intéresse à la géopolitique et particulièrement à cet endroit du monde car je suis un citoyen engagé … J’ai lu un grand nombre d’ouvrages sur la Palestine et Israël, j’ai vu beaucoup de films documentaires ou de fictions sur cette thématique.
Je suis par ailleurs membre d’une association de cinéma d’art et d’essai, et impliqué dans le festival de cinéma ERAP de la région Rhône Alpes.
Je connais les codes du cinéma car je baigne dedans depuis l’adolescence (mon fils est dans le cinéma) donc faire un premier film sur le thème de la Palestine s’est presque imposé naturellement.
L’ élément déclencheur a été ma rencontre avec la réalisatrice Mai Masri qui m’a fortement encouragé à me lancer et à témoigner avec mon regard et ma sensibilité.
Où en est-on de la diffusion et des projections ?
- En 5ème semaine, 27 salles en France programmaient encore le film, c’est-à-dire plus que la semaine de sortie du 6 novembre 2019. On va probablement vers les 20 000 entrées
Cela signifie que les critiques et le bouche-à-oreille fonctionnent efficacement, que le public répond encore présent.
Quel bilan en tires-tu d’ores et déjà ?
- Un bilan tout à fait positif : le film a bénéficié d’une bonne critique dans les médias. Il touche nos concitoyens et je constate dans les débats qui s’engagent après la projection que la pédagogie est jugée efficace. Les spectateurs apprécient la rigueur intellectuelle que j’ai tenté d’apporter.
Il semble que beaucoup de gens ne connaissant pas bien la situation, non convaincus par avance, ont mieux compris l’histoire de ce qu’on appelle « le conflit israelo-palestinien » qui revient bien souvent à renvoyer les protagonistes dos à dos et à gommer l’aspect colonial de la situation. La cause palestinienne bénéficie d’une sympathie certaine mais la situation apparaît encore souvent compliquée. Les médias jouent d’ailleurs un rôle souvent très néfaste dans ce sens.
Tu as aussi accompagné le film dans de nombreuses villes en France, plus qu’une tournée, un vrai périple ?
- C’est un pur bonheur (même si c’est fatigant) que d’échanger avec le public surtout lorsque celui-ci m’avoue être venu par curiosité et pour « enfin tenter de comprendre la situation en Palestine/Israël. »
Tout cela est donc passé sans opposition ?
- Au niveau du public certainement, avec des échanges riches et intéressants, peu de gens contestent les propos du film. Je constate une empathie très forte à l’égard du peuple palestinien et un rejet massif de la politique française de soutien à Israël .
Malgré tout, force est de constater que la Palestine reste un sujet polémique. Par exemple, je n’ai pas été invité par les « grands médias » et on a vu aussi quelques contestations virulentes et manifestement organisées sur le site Allociné.
Quelles questions sont posées généralement ?
- Beaucoup plus de questions sur le fond, sur la situation actuelle, que sur la forme. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? », « Pourquoi cet abandon de la communauté internationale ? », « Pourquoi ce soutien éhonté à la politique israélienne ? », « Ah bon, je croyais que la création de l’Etat d’Israël était la conséquence du génocide juif de 1940/45 !! »
Quels moments marquants ?
- Des salles archi pleines dans certaines grandes villes, beaucoup de personnes sont invitées à revenir voir le film plus tard (au « 400 coups » à Angers, à la « Commedia » à Lyon…). Mais aussi des salles de villages, souvent bien garnies, avec un public ravi d’être présent et particulièrement attentif.
Un témoignage m’a marqué, après le débat lors d’une séance dans le sud où une vieille dame est venue me voir discrètement et m’a dit : « Je suis juive, je ne suis pas militante mais je suis d’accord avec tout ce qui est dit dans le film, le sionisme est une honte pour ma judaïté ! »
Quelles suites aux projections du film en salles ?
- Les projections en salles devraient continuer jusqu’à l’été 2020 ; de nombreuses dates sont déjà planifiées pour janvier et février. Le film pourra également être projeté de façon militante, aussi longtemps que possible, à la demande de groupes locaux par exemple.
Un DVD devrait sortir probablement au dernier trimestre 2020. Il pourra ainsi se retrouver chez chacun mais aussi dans des bibliothèques. Par contre, il paraît très peu probable que le film se retrouve à la télévision.
Tes projets désormais ?
- Je vais travailler à un documentaire sur les Canuts de Lyon, un sujet très peu traité au cinéma et peut-être sur un docu-fiction d’animation sur la Palestine, toujours autour d’un moment d’histoire (mais cela dépendra des financements potentiels).
Pour finir, je voudrais remercier le distributeur du film Destiny Films, les associations partenaires, au premier rang desquelles l’AFPS et ses groupes locaux, et tous les militants de cause palestinienne, connus ou inconnus, qui ont participé au succès du film. »
Interview réalisée par Michel BASILEO du GT Culture de l’AFPS