Le Canada a voté en faveur d’une résolution de l’ONU pour soutenir le droit à l’auto-détermination du peuple palestinien. Ce vote se distingue clairement de la position habituelle du Canada qui avait refusé de soutenir cette résolution, à 14 reprises, depuis l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper en 2006.
La résolution présentée le 19 novembre a été rejetée par Israël, les Etats-Unis et trois îles du Pacifique soutenues financièrement par Washington : les îles Marshall, Nauru et la Micronésie.
Evoquant le contexte, un responsable canadien a expliqué que ce vote exprime le désaccord de son pays avec la déclaration de Mike Pompeo selon laquelle les colonies des Territoires occupés « ne sont pas, en soi, incompatibles avec le droit international ».
Il rappelle également que le Canada s’est récemment opposé à des motions conformes à ses propres positions politiques – pour envoyer un message à l’ONU où il pense que les péchés d’Israël sont traités de façon unilatérale et inconsistante par rapport aux autres nations. Il ajoute que le vote de mardi reflète les principes fondamentaux auquel estt attaché le Canada sur le conflit israélo-palestinien, dont l’adoption d’une solution à deux Etats qui implique des frontières viables pour les deux peuples.
Un revirement significatif
Ce vote marque un virage inattendu de la politique canadienne au Moyen-Orient, qui a commencé à dériver vers une position plus pro-israélienne sous l’ancien Premier ministre libéral Paul Martin, tendance qui s’est confirmée et accélérée sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Seize résolutions sur le conflit israélo-palestinien sont étudiées chaque année à l’ONU, mettant sur la table des notions comme la souveraineté, les réfugiés, Jérusalem-est, les droits de l’homme, les colonies et les lieux de culte. Toutes sont votées par une majorité écrasante mais repoussées par les Etats-Unis et Israël souvent rejoints par une poignée d’autres pays - généralement les îles du Pacifique et le Canada.
Pourtant, le Canada ne fait pas systématiquement partie du petit groupe qui vote en faveur d’Israël. En 2003, il a approuvé 13 des 16 résolutions sur Israël et s’est abstenu sur les 3 autres. En 2004, c’est l’année des deux premiers "Non" canadiens, aux cotés des Etats-Unis et d’Israël, pour 12 résolutions votées. Après l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir en 2006, les votes contre et les abstentions ont augmenté.
Après la victoire de la majorité Harper au gouvernement en 2011, le Canada a voté 14 fois "Non" sur les 16 résolutions, pour une abstention. Le seul vote favorable concernait une motion non controversée appelant à l’aide aux Palestiniens déplacés par le conflit.
Le gouvernement libéral de Trudeau avait emboîté le pas à cette tradition héritée du gouvernement Harper ... Jusqu’à aujourd’hui. Même si cela porte atteinte à un autre objectif de la politique étrangère du Canada : obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Une résolution qui condamne l’occupation et le mur
La résolution que le Canada soutient aujourd’hui n’emploie pas de mots durs qui condamnent Israël – un langage contre lequel le Canada s’est élevé par le passé. Elle emploie cependant des termes qui critiquent le mur construit tout près de (mais pas toujours sur) la ligne de 1949 que beaucoup de pays considèrent comme la vraie frontière d’Israël.
La résolution met aussi l’accent sur « l’urgence d’en finir avec l’occupation d’Israël commencée en 1967 » et appelle tous les Etats « à continuer de soutenir et d’assister le peuple palestinien dans la réalisation rapide de son droit à l’auto-détermination. »
Un responsable canadien a expliqué à CBC que de toutes les résolutions, celle-ci a été la plus facile à adopter. Il a ajouté que son pays pourrait voter différemment à l’avenir, notamment sur les résolutions concernant Israël, à l’agenda pour novembre et décembre, même si rien ne le prévoit actuellement.
Des réactions fortes
Il est inhabituel qu’un pays passe d’un « Oui » à un « Non » à l’ONU, sur le même sujet . Habituellement, les pays qui veulent signaler leur changement de position sur un sujet s’abstiennent.
En inversant son vote, la délégation canadienne a clairement voulu envoyer un message fort qui n’a pas tardé à provoquer des réactions fortes, notamment au Canada.
Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a condamné le vote : « Cet après-midi, le Canada a rejoint le choeur anti-israélien à l’ONU en votant pour une résolution de l’Assemblée générale soutenue par la Corée du nord, le Zimbabwe et l’Autorité palestinienne qui condamnent la présence d’Israël à Jérusalem considéré comme un Territoire Occupé. L’appui du Canada à la résolution représente une rupture radicale par rapport aux 10 années d’opposition de principe aux résolutions de l’ONU qui condamnent Israël et ignorent l’intransigeance et les provocations palestiniennes visant à saboter les efforts pour faire progresser la paix et la réconciliation. »
Le co-président du CIJA Joel Reitman a ajouté qu’« alors que la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a assuré qu’aucun autre changement de vote n’était envisagé, nous sommes très déçus que le gouvernement du Canada n’ait pas résisté au rituel annuel de dénigrement d’Israël à l’Assemblée générale des Nations Unies. Le fait que ni cette résolution ni aucune autre ne reconnaissent le barrage obscène de roquettes et de missiles lancés par les Palestiniens sur la population civile israélienne témoigne de la déformation et de la partialité de ces résolutions. »
« Une gifle à Trump »
Ce changement a été, au contraire, bien accueilli par les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient, un groupe qui se bat pour une approche plus juste du conflit.
Nous sommes extrêmement satisfaits du vote du gouvernement libéral en faveur de l’auto-détermination du peuple palestinien. C’est une étape attendue depuis longtemps, tout à fait compatible avec le soutien du gouvernement à une solution à deux États en Israël-Palestine. Le Canada ne pourrait pas appuyer cette alternative s’il ne soutenait pas la création d’un État palestinien.
Soulignant que « le gouvernement libéral a changé de position par rapport aux années précédentes », Miranda Gallo, du CIJA, a ajouté :
C’est peut-être une gifle au gouvernement Trump pour lui faire comprendre que, compte tenu de la déclaration insensée de Pompeo en faveur des colonies israéliennes illégales, le Canada estime que les États-Unis ne parviennent pas à assurer un leadership équitable sur le conflit israélo-palestinien. Le gouvernement libéral a peut-être également réalisé qu’il ne pouvait plus singer les positions déséquilibrées d’Israël et des États-Unis sur ces résolutions qui bénéficient d’un soutien écrasant à l’ONU et parmi de nombreux Canadiens.
Traduction de l’original par l’AFPS