[2] voir aussi dans Libération, par un groupe de professeurs de l’Ecole normale supérieure :
Pourquoi a-t-on annulé la conférence de Hessel ?
Le 8 janvier, le site Mediapart annonçait une conférence-débat de Stéphane Hessel, aujourd’hui, à l’ENS, autour de l’appel remis au ministre de la Justice, Michel Mercier, défendant la légalité du boycott des produits israéliens. Le 13 janvier, Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) saluait la décision de Monique Canto-Sperber, directrice de l’ENS, d’annuler la conférence (texte mis en ligne sur crif.org). A l’appel d’un collectif de normaliens, un rassemblement « contre la censure et pour la défense de la liberté d’expression » est prévu ce soir à 18 h 30, place du Panthéon.
Nous apprenons avec stupeur et indignation par un communiqué du Conseil représentatif des institutions juives de France que la rencontre prévue le 18 janvier à l’Ecole normale supérieure avec Stéphane Hessel a été annulée à la demande du Crif. Un homme qui a dédié toute sa vie au combat pour la liberté se voit ainsi interdit de parole pour avoir rappelé les droits du peuple palestinien.
Cette intervention n’est pas un fait isolé. Il y a longtemps déjà que le Crif et des personnalités qui lui sont liées exercent la calomnie et l’intimidation à l’égard des militants, artistes ou universitaires juifs et israéliens coupables de s’opposer aux violations du droit international perpétrées par l’Etat israélien. Ils ont notamment réussi à faire partir de France un cinéaste israélien dont les films ne leur plaisaient pas. Aujourd’hui cette institution affirme sans ambages son droit de décider qui a, en France, le droit ou non de parler d’Israël et de la Palestine. Elle n’a pas sans intention choisi de le faire en un lieu symboliquement associé à l’idée de la libre recherche. Si la directrice de l’Ecole normale supérieure a accepté son diktat, elle a déshonoré sa fonction. Il en va de même pour la ministre de l’Enseignement supérieur s’il est avéré qu’elle est personnellement intervenue pour faire annuler la rencontre prévue.
Ces faits sont inadmissibles. Le droit de critiquer les actes du gouvernement israélien comme de tout autre gouvernement doit être respecté sur notre territoire. Aucune institution n’a le droit de nous prescrire, en fonction des intérêts particuliers qu’elle représente, ce que nous devons dire, écrire, voir et entendre.
Signataires : Alain Badiou (ENS 1956, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure), Etienne Balibar (ENS 1960, professeur émérite à l’université de Paris-ouest), Ivar Ekeland (ENS 1963, professeur à l’University of British Columbia, Vancouver), Jean-Marc Lévy-Leblond (ENS 1958, professeur émérite à l’université de Nice), Marie-José Mondzain (ENS 1962, directrice de recherches au CNRS), Jacques Rancière (ENS 1960, professeur émérite à l’université Paris-VIII) et Emmanuel Terray (ENS 1956, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales).
http://www.liberation.fr/politiques...
Voir aussi le blog de jean Daniel sur le NouvelObs
Et bien, moi aussi, je "m’indigne"
Il apparaît stupéfiant et même scandaleux qu’un groupement ethnico-religieux puisse se flatter d’avoir arraché à Mme Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Mme Canto-Sperber, directrice de l’Ecole normale supérieure, l’interdiction d’un débat sur un sujet quelconque, en l’occurrence la Palestine. A vrai dire, j’ai mis un certain temps à croire à la vérité de cette information. L’Ecole normale supérieure est un des lieux publics les plus prestigieux de l’Education nationale et de la République. Il est bien entendu ouvert à tous. La liberté d’y débattre d’un quelconque sujet que ce soit n’est pas discutable et ne devrait pas être discutée. Comme il s’agit d’un sujet brûlant qui concerne Israël, le sionisme et la Palestine, je me suis inquiété de savoir qui refusait le débat. Ce ne pouvait être les organisateurs, en majorité pro-palestiniens et plutôt décidés à défendre les positions de Stéphane Hessel. J’ai donc appelé au téléphone le philosophe Alain Finkielkraut, normalien et qui a fait déjà plusieurs conférences à Normal supérieure. Il m’a assuré qu’il n’avait quant à lui jamais refusé un débat, qu’il devait d’ailleurs prochainement dialoguer avec Régis Debray et qu’il se réjouissait à l’idée de débattre avec quelqu’un comme moi dont il connaît l’amitié pour Stéphane Hessel. Il y a donc eu un véritable coup de force, plus exactement un coup bas contre la liberté de débattre. Le président du Crif ne devrait pas en tirer fierté. Ce n’est pas ainsi qu’il convaincra les normaliens du bien-fondé de sa cause.
Jean Daniel
http://jean-daniel.blogs.nouvelobs....
et le Monde :
L’ENS annule un débat avec Stéphane Hessel sur le Proche-Orient
Un débat sur le Proche-Orient, prévu mardi 18 janvier à l’Ecole normale supérieure (ENS), a été annulé par la direction de l’école. Au menu : une conférence de Stéphane Hessel sur la répression de la campagne de boycott des produits israéliens ("Boycott, désinvestissement, sanctions", aussi appelée BDS). L’auteur d’Indignez-vous ! devait faire tribune commune avec Leïla Shahid, représentante de la Palestine à Bruxelles, les pacifistes israéliens Michel Warschawski et Nurit Peled ou encore la députée socialiste Elisabeth Guigou. Le secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature, Benoist Hurel, devait également participer à la conférence.
L’annonce de ce débat a provoqué le malaise du Conseil représentatif des associations juives de France (CRIF) et de plusieurs associations juives. "Il s’agissait de défendre le collectif BDS et ses membres, autrement dit les partisans du boycott anti-israélien, ce qui est illégal", a assuré Richard Prasquier, le président du CRIF, à l’AFP. Sur le site Internet du CRIF, M. Prasquier avait dénoncé "un crime contre l’esprit", commis par "quelques élèves de l’école convertis au terrorisme intellectuel". M. Prasquier s’est félicité de l’annulation de la conférence et a salué le rôle joué par Valérie Pécresse "ainsi que le rectorat de l’Université de Paris que nous avons contactés en urgence [et qui] ont réagi sans ambiguïté".
La direction de l’ENS assure, dans un communiqué, que "la réservation [de la salle] n’avait pas été faite en mentionnant la nature exacte de la réunion [réunion publique]". Une version contestée par les organisateurs du débat. Selon une source interne à l’ENS, la direction connaissait les noms de certains des invités, dont Stéphane Hessel et Leila Shahid, et s’était félicitée d’accueillir un tel débat, avant que la polémique n’éclate. Avant d’opérer un revirement, la semaine dernière, sous la pression du rectorat et du ministère.
Le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, qui a déjà porté plainte contre M. Hessel, avait également demandé l’interdiction de ce colloque. L’ancien résistant est connu pour ses prises de position pro-palestiniennes. Toute une partie de l’ouvrage Indignez-vous ! est d’ailleurs consacrée à Gaza et à la Cisjordanie et à un appel à l’"insurrection pacifique". (Lire sur le blog Guerre ou Paix, des extraits des propos de Hessel sur la question palestinienne). "Dans cette conférence, il ne s’agissait pas de soutenir le boycott mais de débattre de la liberté d’expression, en particulier autour de la question israélo-palestinienne", s’est défendu l’un des organisateurs, Florian Alix, en soulignant que les invités n’étaient "pas nécessairement partisans du boycott".
RASSEMBLEMENT DE PROTESTATION
La campagne pour le boycott des produits israéliens, lancée par la société civile palestinienne, entend faire pression sur Israël à la manière des initiatives qui ont combattu l’apartheid en Afrique du Sud. Le gouvernement estime que cette campagne est "illégale". En octobre, une sénatrice écologiste et un militant du NPA, poursuivis pour avoir appelé au boycott d’Israël, ont été relaxés par la justice. Deux militants ont été récemment condamnés à des amendes de 1 000 euros, à Bordeaux puis à Créteil.
Mais d’autres procès pourraient avoir lieu en 2011. Environ 80 personnes sont poursuivies en France pour avoir appelé à boycotter des produits israéliens. Les partisans du boycott font circuler un appel de "soutien à Stéphane Hessel et autres victimes de la répression", qui a recueilli les signatures d’Oliver Besancenot, Noël Mamère, Pierre Joxe, Eva Joly ou le député UMP Etienne Pinte.
Les organisateurs de cette conférence dénoncent un acte de censure et appellent à un rassemblement, mardi en fin de journée, près du Panthéon, "pour défendre la liberté d’expression". Stéphane Hessel et plusieurs des intervenants devraient s’exprimer lors de ce rassemblement. Plusieurs étudiants de l’ENS ont également écrit à la direction de l’école pour demander des explications sur cette annulation.
Le groupe PCF-Parti de gauche au conseil de Paris et un groupe d’étudiants normaliens "indignés d’une ENS indigne" ont également protesté. Plusieurs intellectuels se sont émus de cette annulation. Dans une tribune sur Rue89, l’historienne Esther Benbassa, "opposée à cette campagne de boycott telle qu’elle est menée", estime que "le CRIF bafoue la liberté d’expression". Dans un texte commun, Alain Badiou, Jacques Rancière, Etienne Balibar et plusieurs chercheurs dénoncent un acte de censure.
http://www.lemonde.fr/societe/artic...