L’Ecole en Pneus – qui a fonctionné dans la communauté bédouine de Khan al-Ahmar pendant huit ans – et l’école plus récente et moins connue de Al Muntar traduisent les changements qui se produisent dans la société bédouine. Les parents veulent que leurs enfants fassent des études autant qu’il est possible, et qu’ils apprennent davantage qu’ils ne l’ont fait dans leur propre enfance. En particulier ils veulent que leurs filles fassent des études et achèvent leurs études secondaires.
Les Bédouins, comme tous les habitants palestiniens de la Cisjordanie, relèvent de la juridiction civile de l’Autorité Palestinienne, dont fait partie la loi de celle-ci sur l’enseignement obligatoire. Toutefois, les communautés qui se situent dans la Zone C sont soumises au contrôle administratif et sécuritaire d’Israël. Cette division artificielle et aberrante de la Cisjordanie en catégories A, B et C était censée prendre fin en 1999. Ceci ne s’est pourtant pas produit, et Israël s’est obstiné à interdire toute construction par les Palestiniens dans la Zone C, y compris la construction d’écoles. Les enfants bédouins ont quitté l’école à Jéricho, à Al-Azariya et à Abu Dis, soit parce que leurs parents ne pouvaient pas se permettre de payer les frais de transport, soit parce qu’il est difficile de marcher pendant plusieurs heures chaque jour pour arriver à l’école, sous la pluie ou la chaleur torride, en traversant des vallées ou en gravissant des collines escarpées. N’ayant pas le choix, ces communautés et d’autres ont décidé de construire des bâtiments sans avoir de permis.
Le groupe de pression de plus en plus puissant des colons, dont les fers de lance sont l’ONG des Regavim [1] ) et la sous-commission pour la Judée et la Samarie [2] de la Commission des Affaires Etrangères et de la Défense de la Knesset, exerce une pression plus importante sur l’Administration Civile [3] pour que soient mis en oeuvre les ordres de démolition. Il n’y a que ceci qui le contente, et il exige aussi l’évacuation totale des communautés bédouines (ainsi que les autres de la région Sud des Collines d’Hébron, telles que Susya) des endroits où elles ont habité avant même que la Cisjordanie n’ait été occupée en 1967 par Israël.
Les requêtes devant la Haute Cour déposées par les Bédouins et par d’autres communautés ont retardé les évacuations, mais leurs habitants vivent dans des conditions de plus en plus restreintes. Les juges de la Haute Cour discutent de l’« illégalité » des constructions palestiniennes, mais ne tiennent pas du tout compte du contexte historique et du droit international qui interdit les expulsions forcées. Ces juges n’ont jamais exigé que l’état mette fin à ses politiques discriminatoires, qui donnent aux Juifs le droit de construire en Cisjordanie tout en refusant ce même droit aux Palestiniens. A la fin de décembre, les juges ont ordonné la démolition de l’école d’Al Muntar, bien qu’une nouvelle requête ait retardé sa mise en oeuvre. Les juges doivent encore décidé le sort de l’Ecole en Pneus et de la communauté de Khan al-Ahmar.
Il n’est pas trop tard pour la Haute Cour de faire preuve de courage civique et démocratique en empêchant ces démolitions et ces expulsions forcées. Les juges peuvent être inspirés et encouragés par les efforts d’une poignée de colons de Kfar Adumim qui – contrairement à la position officielle de leur colonie – ont décidé d’agir contre la démolition de Khan al-Ahmar et de son école.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS