Seuls 23 % des 18 000 logements détruits ou sévèrement endommagés par l’offensive israélienne – qui causé la mort de 1492 civils palestiniens, dont 551 enfants – ont été reconstruits. Plus de 70 000 palestiniens déplacés attendent encore de retourner chez eux.
Fiona Kelling est coordinatrice du Shelter Cluster Palestine, un système qui dépend des Nations unies et travaille avec l’ensemble des partenaires impliqués dans la reconstruction à Gaza : gouvernements, agences des Nations unies, ONG et donateurs.
La reconstruction de Gaza est compliquée par le siège imposé par Israël sur terre, air et mer depuis près de dix ans. Des matériaux de construction de base comme le ciment, les barres d’acier et le bois sont par exemple l’objet de restrictions à l’entrée sur le territoire gazaoui car considérés comme pouvant faire possiblement double usage, civil et militaire. Pour Israël, ces matériaux nécessaires à la reconstruction pourraient être utilisés par le Hamas pour ses activités militaires. [La liste des matériaux dont l’importation est autorisée, restreinte ou interdite, est disponible sur le site du mécanisme de reconstruction à Gaza]
En septembre 2014, les Nations unies ont institué un "mécanisme" de reconstruction : c’est un accord temporaire entre les autorités palestiniennes et israéliennes, qui doit faciliter l’arrivée des matériaux essentiels pour les travaux de reconstruction à Gaza, notamment pour les hôpitaux et les écoles. Des familles en bénéficient également.
Pour être candidat, la procédure est la suivante. Le propriétaire d’une maison détruite doit d’abord présenter ses titres de propriété, ce qui est parfois difficile et long à prouver, car toutes les terres de Gaza ne sont pas enregistrées au cadastre, ou pas enregistrées sous le nom du propriétaire actuel. Par ailleurs, le propriétaire peut être mort dans les bombardements, ce qui pose des questions d’héritage, ou encore, les titres de propriété peuvent être introuvables dans les décombres et n’avoir pas été correctement enregistrés au cadastre.
Si le propriétaire obtient une autorisation de reconstruire, délivrée par la municipalité, il doit déposer sa candidature auprès de l’Autorité palestinienne pour obtenir les matériaux nécessaires à la reconstruction de sa maison. Les dommages ont été estimés par un comité composé d’experts de l’ONU et vérifiés par des ingénieurs du ministère des Travaux publics de l’Autorité palestinienne. Le candidat soumet ensuite sa demande au mécanisme de reconstruction de Gaza.
Sa candidature est ensuite étudiée par le ministère des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne à Ramallah. Puis par les autorités israéliennes, qui l’approuvent ou la rejettent. Enfin, un dernier avis est donné par deux ministères palestiniens compétents. Le candidat peut vérifier en ligne si sa demande a été acceptée. Il est ensuite autorisé à se rendre chez un fournisseur accrédité de ciment à Gaza. Au moment de retirer les matériaux, une caméra enregistre la transaction. C’est lui et personne d’autre qui est autorisé à se fournir en matériaux.
La large majorité des demandes aboutissent, mais elles mettent du temps. Les refus peuvent concerner des personnes dont la maison n’a pas été détruite mais qui font les démarches pour pour obtenir du ciment.
La complexité de ce processus est justifiée par Israël pour des raisons de sécurité. L’État hébreu a par ailleurs accusé à plusieurs reprises le Hamas de voler les matériaux de reconstruction pour les revendre au marché noir et reconstruire des tunnels. Israël avait notamment suspendu toute importation de ciment pendant 45 jours à Gaza en avril 2016, après avoir accusé Imad al-Baz, un haut responsable du ministère de l’Économie du Hamas, d’avoir détourné ce matériau de construction.
Une aide internationale à la traîne
La communauté internationale avait promis, à la Conférence du Caire en octobre 2014, d’octroyer 3,5 milliards de dollars (3,1 milliards d’euros ) d’aide à la bande de Gaza. Seuls 1,4 milliard (1,2 milliard d’euros) ont été versés, regrette le bureau du Coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, contacté par France 24. Selon cet organisme, ce manque de moyens compromet la reconstruction de plus de 5 000 logements parmi les 18 000 détruits ou sévéremment endommagés. Les pays du Golfe ont globalement tenu leurs promesses, mais ce n’est pas le cas des États-Unis qui n’ont donné que la moitié de leur engagement ou de certains pays européens.
Ahmed Fatouh, notre Observateur à Gaza, a pu commencer les travaux de reconstruction de sa maison. Il habite à Khuzaa, petite ville agricole du sud de Gaza qui avait notamment été l’objet d’une opération terrestre de l’armée israélienne en juillet 2014.
C’est la troisième fois que je reconstruis ma maison. La dernière fois, c’était en 2009. Elle avait été en partie détruite par un bulldozer de l’armée israélienne. Je m’étais endetté pour la reconstruire. Je n’avais pas reçu d’aide de la communauté internationale mais cette fois, j’ai obtenu une aide de 30 000 dollars (…) du Qatar. C’est ce qui a été estimé par un ingénieur du ministère palestinien des Travaux publics. Je ne pense pas que ce sera suffisant pour finir l’ensemble des travaux. J’ai néanmoins pu embaucher un maçon. Nous devrions être en mesure d’emménager dans quatre ou cinq mois. Pendant ce temps, je vis avec ma famille dans un appartement, nous payons 100 dollars par mois, sans compter l’eau et l’électricité.
Mohamed habite dans le quartier de Shujaiyeh à Gaza ville.
Après deux ans d’attente, j’ai décidé de commencer seul les travaux. Nous vivons dans une caravane où la chaleur devient très vite insupportable l’été. J’ai emprunté de l’argent autour de moi et me suis procuré du ciment sur le marché noir. Il ne s’agit pas de ciment qui provient des tunnels construits par le Hamas à Gaza. Ils ont été détruits pendant la dernière offensive. [NDLR : Des tunnels continuent d’être construits. Un tunnel a récemment été découvert à la frontière entre Israël et Gaza]
Il arrive que des propriétaires décident de construire des maisons de plus petite taille et revendent le ciment dont ils n’ont pas besoin pour avoir un peu de liquidité. Ce ciment coûte cher. Une tonne peut coûter jusqu’à 300 dollars. Mais cela me permet d’avancer sur les travaux dans l’espoir de vite retrouver ma maison.