Les Palestiniens, surtout à Gaza, entament cette nouvelle année engagés dans une sorte de guerre civile dont on peut dater le début à l’assassinat de trois enfants d’un responsable de la Sécurité, membre du Fatah, le 11 décembre dans la ville de Gaza. Cet incident a fait monter la tension en cours entre le Fatah et le Hamas et l’a amenée à un niveau d’affrontements directs, sanglants et qui durent, ce qui n’augure rien de bon. Ceci est le résultat inévitable d’une série d’erreurs des principaux acteurs dans la manière de gérer le conflit israélo-palestinien et la situation interne.
Il n’est pas rare de voir un Etat s’écrouler au profit de joueurs non étatiques, qu’ils soient des milices, des tribus ou des seigneurs de guerre, quand l’Etat n’est plus capable de remplir ses obligations ou de fonctionner ne serait-ce qu’un peu. Et à Gaza, l’ « Etat » a atteint un point où il ne peut plus gérer ni les difficultés économiques grandissantes, dont la grande pauvreté et le chômage élevé, ni la situation sécuritaire délétère. Cette situation est le résultat direct des pressions israéliennes de plus en plus fortes à tous les niveaux de la vie des Gazaouis, qu’elles soient économiques, en raison des bouclages de la Bande de Gaza, ou directes, avec les opérations militaires, les assassinats et les incursions.
Les perspectives ne sont pas lugubres à Gaza seulement. La faiblesse des dirigeants des deux côtés, palestinien et israélien, réduit énormément la possibilité de sortir de l’impasse politique. Du côté israélien, la faiblesse de la direction a rendu le gouvernement otage de l’opposition. L’exemple le plus récent est la piètre prestation israélienne au premier sommet entre le Président Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ehud Olmert en décembre. Les deux côtés ont été incapables de parler politique et même les gestes mineurs sur lesquels ils s’étaient accordés n’ont pas été à terme. En outre, quelques jours à peine après cette réunion, Israël a officiellement approuvé la construction d’une autre colonie juive illégale dans la vallée du Jourdain.
Cet épisode désastreux a réduit à néant les maigres espoirs que certains Palestiniens et Israéliens avaient retirés du sommet.
Des Israéliens -espérons que ce n’est pas la majorité- semblent contents de ce qui se passe côté palestinien. Israël a grandement contribué au changement dans l’équilibre du pouvoir au détriment du président palestinien et de ce qui reste du camp de la paix, résultat de nombreuses décisions politiques à courte vue prises par une direction arrogante.
La détérioration en Palestine -Israël se produit à un moment de grands bouleversements dans le monde arabe. Jamais dans l’histoire récente les Etats arabes n’ont été aussi inefficaces ou aussi démunis qu’aujourd’hui.
Et même les Etats-Unis, la principale super puissance impliquée dans la région, sont confrontés à une crise majeure de leur politique moyen- orientale. Cela apparaît non seulement en Irak , mais aussi dans la contradiction apparente entre leur position affichée de promouvoir la démocratisation et des élections d’un côté, et de l’autre leur attitude hostile envers les mouvements politiques islamiques qui semblent devoir être les premiers bénéficiaires d’un tel processus.
Il n’est pas difficile de constater à quel point la politique internationale au sujet des questions politiques, économiques et sociales au Moyen- Orient, a lourdement contribué à la crise actuelle.
Pendant des décennies les Etats-Unis et l’Europe ont encouragé la "stabilité" au dépends du progrès économique et social, y compris la démocratisation. Ceci a mené à un mélange de l’échec des ces régimes "stable" à arriver au progrès économique et social avec l’augmentation des frustrations et de la colère de leurs peuples, ce qui a à son tour renforcé l’opposition islamique.
Pour compliquer les choses, les Etats-Unis et l’Europe s’efforcent de ne pas faire porter à Israël la responsabilité de l’occupation illégale [de la Palestine] et de la politique qui en découle, en violation directe du droit international, ce qui a éloigné encore davantage les masses arabes de la communauté internationale et qui les a encouragées à s’isoler et à se replier sur elles-mêmes.
Ce serait une erreur fatale de tenter de traiter ces maux par des politiques qui ne feraient que renforcer ces problèmes. Cette année, une année qui devrait être l’une des pires pour le conflit, pour la région et la politique américaine au Moyen-Orient, peut être aussi l’occasion de réfléchir sur ce qui a entraîné cette situation catastrophique. Pour y remédier, il va falloir penser avec audace et courage. Mais on ne peut pas raisonnablement attendre cela des mêmes joueurs fatigués. Au niveau international c’est au tour d’autres puissances influentes de jouer un rôle accru.
Malgré ses antécédents l’Europe semble la partie qui dispose du plus fort potentiel, non seulement à cause des relations spéciales qu’elle entretient avec le Moyen-Orient, mais aussi à cause de son influence en la matière sur les Etats-Unis. D’autres pays, dont la Chine, le Japon et la Russie peuvent être utiles eux aussi. On devrait s’attendre à la même chose de la part des acteurs locaux. Il faut de nouvelles initiatives qui ne viennent pas nécessairement de l’opposition islamiste ou d’Etats qui ont perdu leur crédibilité.
Voici les trois caractéristiques essentielles des efforts qu’il faudra faire pour inverser la détérioration actuelle :
1) réintroduire l’approche légale pour gérer à la fois les conflits régionaux et les frictions internes, particulièrement dans le contexte israélo-palestinien ;
2) comprendre que les différents conflits régionaux sont nécessairement liés ;
3) reconnaître les racines sociales et économiques de la radicalisation.