La clé d’un futur accord de paix israélo-palestinien est la question de Jérusalem : si la Ville sainte n’est pas reconnue comme la capitale de deux Etats, il n’y aura pas de paix. Ce rappel figure en exergue du rapport sur Jérusalem-Est rédigé par les consuls généraux des vingt-sept Etats européens, dont Le Monde a obtenu une copie. Or, " si la tendance actuelle se poursuit, la perspective de Jérusalem capitale de deux Etats devient de plus en plus improbable et impraticable, affaiblissant la solution de deux Etats ", insiste le texte.
Le paradoxe de ce rapport annuel, qui souligne une très nette détérioration de la situation des Palestiniens à Jérusalem en 2011, est qu’il bénéficie d’un accord unanime des chefs de mission européens en poste à Jérusalem. Pourtant, une fois arrivé à Bruxelles, il provoque inévitablement des dissensions entre représentants des capitales européennes, ce qui explique qu’il n’est jamais publié officiellement !
Cet exercice communautaire n’engendre pas l’optimisme : un règlement de paix est d’autant plus improbable que le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ne cesse de répéter que Jérusalem est et restera la " capitale indivisible et éternelle " d’Israël.
Le constat des Européens est sans appel : " Israël perpétue de façon active l’annexion - de Jérusalem-Est - en affaiblissant systématiquement la présence palestinienne dans la ville, par l’expansion des colonies, une planification restrictive, la poursuite des évictions et démolitions, une politique inéquitable en matière d’éducation, un accès difficile aux soins médicaux, des prestations et des investissements insuffisants, et la précarité du statut de résident - de Jérusalem-Est - . "
L’autre volet de cette politique, estiment les Européens, ce sont les efforts pour " souligner l’identité juive de la ville, au détriment de ses habitants musulmans et chrétiens - qui - menacent sa diversité religieuse et fournissent des arguments à ceux qui veulent radicaliser davantage le conflit, avec des répercussions potentielles à la fois régionales et globales ". L’axe primordial de cette stratégie, c’est la colonisation : l’objectif constant des autorités israéliennes est de faire en sorte que les Palestiniens ne dépassent pas 30 % de la population de Jérusalem.
Expulsions et démolitions
Comme ils représentent aujourd’hui 37 % de ses 790 000 habitants, les gouvernements israéliens successifs ont fait en sorte de favoriser la colonisation israélienne. Ainsi, à Jérusalem-Est, 35 % des terrains appartenant aux Palestiniens ont été expropriés. Le rapport dresse un constat minutieux de l’avancée des colons, tant dans la Vieille ville de Jérusalem (où vivent 3 500 colons), sur le mont des Oliviers, les quartiers palestiniens intra-muros et les abords de Jérusalem, le but étant d’isoler la Ville sainte de la Cisjordanie.
Cette politique gouvernementale dispose de la logistique financière de deux organisations, Ateret Cohanim et Elad, qui rachètent les propriétés palestiniennes et favorisent l’expulsion de leurs occupants. Le rapport insiste sur " l’utilisation de l’archéologie comme outil politique et idéologique " (les fouilles permettent une justification historique des expulsions), et rappelle que, faute d’un nombre suffisant de permis de construire, les Palestiniens sont contraints de bâtir de façon illégale. Résultat : 1 500 maisons palestiniennes sont aujourd’hui menacées par un ordre de démolition.