Ramallah-Jaffa, 1er avril 2012 – En tant qu’organisations vouées à la promotion et à la protection des Droits de l’Homme et liées de prés au cas de Hana Shalabi, Addameer(= conscience) et les Médecins pour les Droits de l’Homme-Israël (PHR-Israel) s’alarment à l’annonce que Hana Shalabi sera expulsée aujourd’hui vers la Bande de Gaza, seulement trois jours après qu’elle ait soi-disant mis un terme à sa grève de la faim de 43 jours. Addameer et PHR-Israel condamnent le refus du Service des Prisons Israélien (SPI) aux deux parties de pouvoir procéder à une visite auprès de Mlle Shalabi dans les jours qui ont conduit au marché pour sa libération et son expulsion vers la Bande de Gaza et depuis que le marché ait été, à ce que l’on dit, finalisé le 29 mars. Addameer et PHR-Israel craignent que, étant donnée la gravité de son état de santé, la limitation d’accès faite au médecin et aux avocats de Mlle Shalabi , en plus de l’empêchement des visites de sa famille, aient été utilisées comme méthodes de coercition. De plus il y a de sérieuses inquiétudes concernant la disponibilité et l’aménagement de soins médicaux suffisants répondant aux besoins urgents de Mlle Shalabi dans l’optique de son rapide transfert.
Mlle Shalabi mérite un extrême respect pour sa tenacité dans sa grève de la faim. Bien que sa libération de la détention administrative doive être bien accueillie, Addameer et PHR-Israel sont obligés de mettre en évidence leurs inquiétudes quant aux aspects du marché qui sont fondamentalement en contradiction avec la loi internationale. La libération de Mlle Shalabi est liée à son expulsion pour une durée de trois ans vers la bande de Gaza, qui, bien qu’étant une partie des territoires palestiniens occupés (TPO), a été hermétiquement maintenue fermée par Israël du reste des TPO. Par conséquent, sans aucune garantie que elle ou sa famille seront autorisées à voyager, son expulsion pourrait au premier chef devenir une extension de son isolement antérieur par rapport à son foyer et à sa famille, pendant qu’elle était en prison.
Il y a de nombreux exemples de semblables accords conclus par Israël concernant le transfert forcé ou la déportation de prisonniers politiques palestiniens ou de personnes “recherchées”. Plus récemment, lors du marché sur l’échange de prisonniers en octobre 2011, 18 prisonniers de Cisjordanie, y compris ceux de Jérusalem-est, ont été expulsés vers la Bande de Gaza pour une durée de trois ans tandis que 146 de plus étaient réétablis là bas, sur une base permanente, comme conditions de leur libération. 41 prisonniers supplémentaires ont été déportés à l’extérieur des TPO. Lors des marchés antérieurs, des personnes qui avaient été expulsées vers la Bande Gaza pour de courtes durées n’ont pas nécessairement été autorisées à rentrer chez elles après avoir achevé la période convenue.
Les termes de cette expulsion sont une violation de l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit les transferts forcés et les déportations des personnes protégées, une interdiction qui fait partie des lois humanitaires internationales habituelles. La déportation illégale ou le transfert constitue aussi une grave infraction à la Quatrième Convention de Genève (CGIV) et constitue un des plus graves crimes de guerre. Etant donnée la forte asymétrie de pouvoir, résultant de l’occupation militaire, entre les parties palestinienne et israélienne impliquées, ni le “consentement” éventuel des prisonniers, ni le fait que ces marchés aient été négociés par un service palestinien ne peut servir de justification pour les déportations telles qu’allant à l’encontre de l’esprit des articles 7, 8 et 47 de la CGIV relatifs à l’inviolabilité des protections offertes par la Convention.
Dans le cas de Mlle Shalabi, des inquiétudes supplémentaires se font jour quant à son état de santé fragile, après une telle grève grève de la faim prolongée. Le transfert de Mlle Shalabi de l’Hôpital Meir vers le centre médical du SPI à la Prison de Ramleh le 28 mars jette le doute sur le fait que la prise en compte de ses soins médicaux ait eu une importance appropriée. Une grève de la faim de 43 jours met clairement en danger la vie du/de la gréviste de la faim, et rend nécessaire une surveillance médicale rapprochée et professionnelle, qui n’est pas apportée par le centre médical du SPI. Suivre de près attentivement une telle longue grève de la faim est essentiel aussi pour la santé durable de la personne. Le fait que Mlle Shalabi ait été transférée au centre médical du SPI pendant sa grève de la faim sans en informer le médecin indépendant qui la suivait, et qu’elle ait commencé à manger sans être suivie par un hôpital jette un doute supplémentaire sur le processus de prise de décision du SPI et sur les considérations non-médicales qui pourraient avoir influencé la décision de la renvoyer de l’hôpital. Et qui plus est, le SPI a mis des obstacles qui ont rendu presque impossible de donner une adhésion aux instructions prévues dans la Déclaration de Malte relatives aux soins médicaux envers les grévistes de la faim, surtout en refusant l’accès d’un médecin indépendant auprès des grévistes de la faim. Dans les cas à la fois de Khader Adnan et Mlle Shalabi, la première visite par un médecin indépendant n’a été rendue possible qu’après l’intervention d’un tribunal.
Le médecin indépendant de Mlle Shalabi n’a à nouveau pas été consulté sur l’annonce de son expulsion aujourd’hui vers la Bande de Gaza. Addameer et PHR-Israel craignent que le fait de la transférer, tandis qu’elle se rétablit de sa grève de la faim, vers le réseau médical déstabilisé de Gaza, pourrait mettre davantage en danger son état de santé.
Addameer et PHR-Israel réaffirment que le transfert forcé et la libération conditionnelle ne constitue pas une alternative à la mise d’un terme par Israël à sa pratique de la détention administrative. Il est impératif d’exiger une résolution permanente de l’usage par Israël de la détention arbitraire, conformément aux lois humanitaires internationales. Addameer et PHR-Israel appellent la communauté internationale à intervenir et à exiger qu’Israël se conforme immédiatement à ses obligations juridiques, mette fin à sa politique de détention administrative et apporte des soins médicaux appropriés et dignes de confiance à tous les prisonniers faisant la grève de la faim.
Traduction de l’Anglais : Yves Jardin, groupe de travail prisonniers