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Sommaire
Titre | page |
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Solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens | 3 |
Les droits humains ne sont pas négociables | 7 |
Une situation où règne l’arbitraire | 11 |
Carte des prisons israéliennes | 12 |
Statistiques sur les prisonniers | 16 |
Un arsenal juridique sur mesure | 20 |
Ordre militaire 1500 | 21 |
Les motifs invoqués pour les arrestations | 23 |
La détention administrative | 24 |
Les instances judiciaires | 27 |
Tortures & mauvais traitements | 30 |
Un droit de visite restreint, voire impossible | 34 |
Le droit à une assistance juridique remis en cause | 35 |
Les conditions de détention des femmes | 37 |
Des enfants prisonniers politiques | 38 |
Marwan Barghouti, deux ans de détention, deux ans de déni du droit |
43 |
Déclaration de Marwan Barghouti | 45 |
Entretien avec Gisèle Halimi | 46 |
Entretien avec Saïd Nimer | 49 |
Entretien avec Daniel Voguet | 54 |
Hussam Khader, député et prisonnier politique | 56 |
Déclaration de Hussam Khader | 64 |
Pour participer à la campagne de solidarité | 65 |
Appel du Comité des familles de prisonniers | 66 |
INTRODUCTION
« En ce qui me concerne, ils peuvent mener une grève d’un jour, d’une semaine, d’un mois, ou même mourir de faim. » Le gouvernement israélien ne cédera pas.Telle est la réponse de Tsahi Hanegbi, ministre israélien de la Sécurité publique, aux quelque 1 600 prisonniers politiques palestiniens sur les plus de 7 400 qu’Israël retient dans ses geôles, qui ont entamé dimanche 15 août une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention et qui exigent le respect de leurs droits élémentaires.
La déshumanisation de l’autre ne cherche pas même ici à se masquer. Elle se fait non pas seulement aveu, mais profession de foi. Il ne s’agit pas seulement de l’arrogance du puissant, du cynisme du conquérant. C’est pire.
C’est absolu. Pour les dirigeants israéliens, les Palestiniens peuvent bien mourir. Ils ne sauraient avoir d’humanité reconnue, de citoyenneté à défendre, de droit à faire valoir ; il ne saurait être question qu’ils aient de choix, juste une alternative en guise d’avenir : la soumission ou la mort.
Tsahi Hanegbi exprime la négation de l’autre comme seul mode de relation. Conforme à l’histoire et à sa dénégation constante de cet autre, le Palestinien, de son existence humaine comme de son appartenance nationale ; dans les actes comme dans les discours officiels et les représentations autorisées. Conforme aux pratiques quotidiennes en Palestine occupée.
Conforme au projet politique des dirigeants israéliens, celui d’une colonisation spécifique où les terres s’annexent, débarrassées de ceux qui les peuplent, qui y vivent, qui y résistent, que l’on emmure jusqu’à l’étouffement faute de pouvoir tous les chasser.
Conforme à une politique d’enfermement de masse des Palestiniens dans des prisons et dans des camps, au détriment de tout le droit humanitaire international et des obligations de toute puissance occupante. Conforme à la velléité meurtrière, et non moins suicidaire, de rendre tout espoir de paix caduc.
Le droit à la vie, qui est au fondement le plus élémentaire de toute civilisation humaine, est rayé d’un trait de banal discours public. La barbarie du racisme assassin s’affiche avec la morgue tranquille de celui qui se croit protégé par l’impunité éternelle.
Les demandes des prisonniers palestiniens, pourtant, se situent sur le terrain humanitaire. Ils réclament que les gardiens arrêtent de les battre, de balancer des gaz lacrymogènes dans leurs cellules surpeuplées et infestées, la fin des fouilles au corps systématiques, dévêtus et au vu de tous, lors de tout déplacement, la fin des isolements durant de longues périodes parfois des mois voire des années, le droit à des visites de leurs familles et de leurs proches et ce dans des conditions respectant la dignité de chacun, l’accès à des téléphones publics, des visites normales de leurs avocats, l’accès aux soins et des régimes adaptés pour les malades et l’amélioration des conditions sanitaires, que les enfants soient séparés des adultes alors qu’ils sont emprisonnés aujourd’hui avec des droits communs, la séparation des prisonniers [politiques] d’avec les droits communs.
Plus de 3 000 Palestiniens ont été assassinés depuis le début du soulèvement. [ Septembre 2000]
Des dizaines de milliers ont été blessés, des milliers resteront handicapés à vie.
Sept mille quatre cents Palestiniens croupissent aujourd’hui dans les geôles israéliennes. À l’échelle d’un pays comme la France, proportionnellement, cela représenterait…
Plus de 120 000 prisonniers politiques. Plus de 2 500 enfants ont été arrêtés depuis le début de l’Intifada. Plus de 300 sont toujours dans des prisons israéliennes, dont plusieurs dizaines sous « détention administrative », c’est-à-dire sans charge ni procès, de façon « préventive » : une guerre « préventive » qui prend des enfants pour cibles, qui s’appuie sur des ordonnances du mandat britannique et sur une somme impressionnante de décisions militaires élaborées depuis le début de l’occupation. Voici plusieurs décennies. Plusieurs générations.
Près de 200 autres de ces enfants n’ont pas eu de procès. Les autres ont été lourdement condamnés après des aveux signés dans une langue qui n’est pas la leur, après des passages à tabac et des « interrogatoires » usant de « pressions physiques et psychologiques », formule qui signifie usage de la torture.
De nombreux enfants ont été condamnés à plusieurs mois pour jets de pierre contre des soldats d’occupation.
Des enfants privés de scolarité et de soins, parfois de nourriture et de sommeil, enfermés avec des adultes. Plusieurs centaines de femmes et de jeunes filles ont aussi été arrêtées. Deux naissances ont eu lieu en prison, dans ces conditions.
Guerre à tout un peuple, à toute une société, à sa résistance à l’occupation militaire et à la colonisation. L’avenir entre les murs. Les murs comme horizon. Le gouvernement israélien et l’administration pénitentiaire ont déclaré une guerre, notamment psychologique, aux grévistes de la faim.
Au programme d’Ofer Lefler, l’un des porte-parole des prisons israéliennes : des parties de barbecue pour les gardiens devant les barreaux des cellules. Obscène. « Nous étudions des moyens psychologiques pour traiter des problèmes comme celui-ci », annonce-t-il.
Avec un modèle : celui de la Grande-Bretagne de Margareth Thatcher qui, en 1981, n’a pas hésité à laisser mourir dix grévistes de la faim irlandais dans ses geôles avant de reconnaître enfin aux détenus irlandais le statut de prisonniers politiques. Ils avaient cinq revendications : pas d’uniforme carcéral, pas de travail obligatoire, droit de recevoir des colis, des visites, droit d’association.
Comment ne pas penser au courage et à la détermination d’un prisonnier irlandais, embastillé, décédé le 5 mai 1981 après soixante-six jours de grève de la faim. Il venait d’être élu député à Westminster. Il s’appelait Bobby Sands. Ni lui ni ses neuf camarades n’auront connu leur victoire posthume, tardive, la reconnaissance de leur statut politique.
En avril 2002, lors de l’offensive « Remparts » visant à réoccuper toute la Cisjordanie, bombardée, assiégée, l’armée israélienne a kidnappé à Ramallah un député palestinien : Marwan Barghouti. Secrétaire général du Fatah en Cisjordanie, respecté de tous pour sa probité et son engagement, Marwan Barghouti est homme de résistance et de dialogue. De respect de la vie humaine. Défendant dans le même mouvement le droit à la résistance dont il est un dirigeant reconnu et le principe de négociations de paix fondées sur le respect réciproque et la reconnaissance des droits de chacun. Fondées sur le droit international.
C’est précisément pour toutes ces raisons que le gouvernement israélien a décidé de le kidnapper, de l’emprisonner, en Israël, en violation de toutes les conventions internationales, à commencer par la Quatrième Convention de Genève, et avait projeté de lui faire un procès hautement médiatisé. Peine perdue !
c’est Marwan Barghouti qui a fait le procès de l’occupation au tribunal qui le condamnait, le 6 juin 2004, à plusieurs fois la perpétuité. Il sera libre, a-t-il proclamé, lorsque son pays le sera.
Un autre député palestinien est lui aussi retenu prisonnier par Israël. Lui aussi militant de l’indépendance, d’une paix fondée sur la justice. Il s’appelle Hussam Khader.
Nous ne devons pas laisser des Tzahi Hanegbi et autres dirigeants israéliens les condamner à mort. Ni eux, ni les milliers d’autres détenus politiques palestiniens.
Le mouvement de solidarité le plus vaste possible doit se créer autour des prisonniers politiques palestiniens en grève de la faim, un mouvement de soutien à leurs revendications.
Chaque jour compte. Chaque jour. Déjà, dans toute la Palestine occupée ont eu lieu des manifestations de solidarité, malgré la répression sauvage.
C’est aussi le cas en Israël, où plusieurs associations de défense des droits humains, de même que le « Bloc de la paix », appellent les autorités de Tel-Aviv à respecter les exigences des prisonniers.
Un engagement ferme des parlements et des gouvernements nationaux de l’Union européenne et des instances européennes doit prévaloir d’urgence.
Aucun prétexte ne saurait être avancé pour négliger des pressions efficaces pour contraindre le gouvernement israélien à respecter les revendications des grévistes de la faim. À respecter la Quatrième Convention de Genève. À respecter le droit humanitaire international.
Au-delà, la paix suppose la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. À commencer par les enfants.
Les droits humains ne sont pas négociables. Pour le respect de la vie, le respect du droit, doit s’engager une mobilisation la plus vaste possible de solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens. Sans tarder.
AFPS
Paris, le 19 août 2004.