Il y eut d’abord une furieuse tempête lors de la publication du rapport Goldstone originel.
Quel monstre ! Un Juif qui se prétend sioniste et amoureux d’Israël et qui publie les calomnies les plus abominables contre nos valeureux soldats, se faisant le collaborateur et le complice des pires antisémites du monde ! Le prototype même du Juif honteux ! Pire encore, un “mosser” – un Juif qui livre un autre Juif aux Goyim malveillants, le personnage le plus détestable du folklore juif.
Et maintenant le revirement. Goldstone, le Juif qui s’est rétracté. Goldstone qui a reconnu publiquement qu’il avait tort sur toute la ligne. Que l’armée israélienne n’avait commis aucun crime au cours de l’opération “Plomb durci” à Gaza en 2009-2010. Au contraire, alors que l’armée israélienne a mené des enquêtes honnêtes et approfondies sur toutes les accusations, le Hamas n’a enquêté sur aucun des crimes effroyables qu’il a commis.
Goldstone, l’Homme de pierre, est devenu Goldstone, l’Homme en or. Un homme de conscience ! Un homme qu’il faut admirer !
C’est, naturellement, Benjamin Nétanyahou qui a eu le dernier mot. La rétractation de Goldstone, a-t-il résumé, a confirmé encore une fois que les Forces israéliennes de défense sont l’armée la plus morale du monde.
MON COEUR saigne pour le juge Goldstone. Il était placé dès le départ dans une situation intenable.
La commission des Nations unies qui l’avait nommé pour conduire l’enquête sur les accusations de crimes de guerre commis au cours de l’opération agissait selon un calcul apparemment logique mais ridicule en réalité. La désignation pour cette tâche d’un bon Juif, et qui plus est un sioniste déclaré, désarmerait, pensait-on, toute accusation de parti-pris anti-israélien.
Goldstone et ses collègues ont indubitablement fourni un travail honnête et consciencieux. Ils ont passé au crible les preuves et témoignages qui leur ont été présentés et en sont venu à des conclusions raisonnables sur cette base. Cependant, presque tous les témoignages venaient de sources palestiniennes ou des Nations unies. La commission n’a pas eu la possibilité d’interroger les officiers et les soldats des forces israéliennes parce que notre gouvernement, dans un acte de bêtise typique et presque de routine, a refusé de coopérer.
Pourquoi ? Le point de vue de base est que le monde entier cherche à nous accuser, non en raison d’un acte quelconque que nous aurions commis, mais parce que nous sommes des Juifs. Nous savons que nous avons raison et nous savons qu’ils cherchent à prouver que nous avons tort. Alors pourquoi collaborer avec ces foutus antisémites et avec ces Juifs qui se haïssent eux-mêmes ?
Aujourd’hui, presque tous les Israéliens influents admettent que ce fut une attitude stupide. Mais rien ne garantit que nos dirigeants se conduiront de façon différente la prochaine fois, en particulier parce que l’armée est obstinément opposée au fait de permettre à tout soldat de comparaître devant une tribune non israélienne, ou, pour ce sujet, devant une tribune israélienne non-militaire.
REVENONS à ce pauvre Goldstone. Après la publication du rapport de sa commission, sa vie est devenue un enfer.
Toute la fureur du ghetto juif contre les traîtres en son sein s’est tournée contre lui. Des Juifs se sont opposés à ce qu’il soit présent à la Bar Mitzvah de son petit-fils. Ses amis se sont détournés de lui, il a été mis en quarantaine par tous les gens qui comptaient pour lui.
C’est ainsi qu’il s’est remis en question pour découvrir qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Ses découvertes étaient partiales. Il aurait fait des découvertes différentes s’il avait entendu la version israélienne de l’histoire. L’armée israélienne a mené des enquêtes honnêtes sur les accusations, tandis que le Hamas n’a mené aucune enquête sur ses crimes de guerre évidents.
Alors, quand Goldstone s’est-il trompé ? La première ou la deuxième fois ?
La réponse est, hélas, qu’il s’est trompé les deux fois.
LE TERME MÊME de “crimes de guerre” pose problème. La guerre elle-même est un crime, qu’on ne saurait jamais justifier sauf quand c’est le seul moyen de prévenir un crime plus grand – comme dans le cas de la guerre contre Adolf Hitler, et maintenant – à une échelle incomparablement plus petite – contre Mouammar Kadhafi.
Le concept de crimes de guerre est apparu après les atrocités horribles de la guerre de 30 ans qui dévasta l’Europe centrale. L’idée était qu’il est impossible d’empêcher des actions brutales si elles sont nécessaires pour gagner une guerre, mais que de telles actions ne sont pas légitimes si elles ne sont pas nécessaires pour atteindre cet objectif. Le principe n’est pas moral mais pragmatique. Tuer des prisonniers et des civils est un crime de guerre, parce que cela ne sert aucun objectif militaire, puisque les deux parties peuvent le faire. Il en va de même pour la destruction gratuite de biens.
En Israël ce principe prit corps dans le jugement qui fit date de Benjamin Halévy après le massacre à Kafr Kasim en 1956 de paysans innocents, hommes, femmes et enfants. Le juge déclara qu’un “pavillon noir” flotte “manifestement” sur des ordres illégaux – des ordres qui peuvent apparaître comme illégaux même à des personnes ordinaires, sans qu’il leur soit besoin de consulter un juriste. Depuis lors, l’obéissance à de tels ordres est devenue un crime au regard du droit israélien.
LA VRAIE question au sujet de Plomb Durci n’est pas de savoir si des soldats ont individuellement commis de tels crimes. Il est certain que cela a été le cas – n’importe quelle armée comprend tous les types d’êtres humains, des jeunes gens honnêtes doté d’une conscience morale à côté de sadiques, d’imbéciles et d’autres dont le sens moral est altéré. Dans une guerre vous leur donnez à tous des armes avec l’autorisation de tuer, et le résultat est prévisible. C’est une raison pour laquelle “la guerre c’est l’enfer”.
Le problème avec la deuxième guerre du Liban et l’opération Plomb Durci tient à ce que l’approche fondamentale – la même dans les deux cas – rend les crimes de guerre inévitables. Leurs concepteurs n’étaient pas des monstres – ils ont simplement fait leur travail. Ils ont additionné deux éléments. Le résultat était inévitable.
L’un des éléments pris en compte était l’exigence qu’il n’y ait pas de pertes de notre côté. Nous avons une armée du peuple, composée de conscrits de toutes les conditions sociales (comme l’armée américaine au Vietnam, mais pas en Afghanistan.) Notre opinion publique juge les guerres en fonction du nombre de (nos) soldats tués et blessés. La directive donnée aux organisateurs militaires est : faites tout ce qui est possible pour que le nombre de nos pertes soit proche de zéro.
L’autre élément est le mépris complet de l’humanité de l’autre partie. Des années et des années d’occupation ont créé une armée pour laquelle des Palestiniens et les Arabes en général sont de simples objets. Pas des ennemis humains, pas mêmes des monstres humains, seulement des objets.
Ces deux postures intellectuelles conduisent nécessairement à une doctrine stratégique et tactique qui impose de mettre en œuvre une force meurtrière contre toute personne et toute chose susceptible de constituer une menace pour les soldats progressant en territoire ennemi – en les éliminant en avant des soldats, de préférence à distance par l’artillerie et la force aérienne.
Lorsque l’opposition est un mouvement de résistance opérant dans une zone à forte densité de population, les résultats peuvent presque se calculer mathématiquement. Dans l’opération Plomb Durci, au moins 350 civils palestiniens, et parmi eux des centaines de femmes et d’enfants, ont été tués, en même temps qu’environ 750 combattants ennemis. Du côté israélien : en tout 5 (cinq !) soldats israéliens ont été tué par des tirs ennemis (quelques six de plus par des “tirs amis”).
Ce résultat n’était pas en contradiction avec l’objectif politique non déclaré de l’opération. Il s’agissait d’exercer une pression sur la population de la Bande de Gaza pour qu’elle renverse le gouvernement du Hamas. Le résultat, évidemment, ne fut pas atteint. Ce serait plutôt le contraire.
La logique – et le rapport des pertes – de la deuxième guerre du Liban avaient été à peu près les mêmes, avec en plus une énorme destruction matérielle de cibles civiles.
À LA SUITE DU rapport Goldstone, notre armée a effectivement procédé à des enquêtes étendues concernant des incidents individuels. Le nombre en est impressionnant, mais pas les résultats. Quelques 150 cas ont fait l’objet d’enquêtes, deux soldats ont été reconnus coupables (un de vol), un officier a été mis en accusation pour le meurtre – par erreur – d’une famille dans sa totalité.
Cela semble donner satisfaction à Goldstone, qui a accepté avec reconnaissance cette semaine une invitation du ministre Israélien de l’Intérieur – peut-être le raciste le plus enragé de tout le gouvernement, dans lequel les racistes abondent – à visiter Israël. (Lorsque la conversation fut divulguée, Goldstone a annulé la chose et déclaré que le rapport ne serait pas retiré.)
D’un autre côté, Goldstone s’enflamme d’indignation contre le Hamas pour avoir lancé des roquettes et des obus de mortier contre des civils en Israël sans avoir mené aucune enquête. N’est-ce pas plutôt ridicule : faire appel aux mêmes critères pour l’une des cinq armées les plus puissantes du monde et une bande d’irréguliers et de combattants de la résistance mal équipés (alias terroristes) ?
Le terrorisme est l’arme des faibles. (“Donnez-moi des chars et des avions, et je vous promets de ne plus poser de bombes” a dit un jour un Palestinien.) Puisque toute la stratégie militaire du Hamas vise à terroriser les communautés israéliennes à proximité de la frontière afin de convaincre Israël de mettre un terme à l’occupation (et, dans le cas de Gaza, au blocus), l’indignation de Goldstone semble quelque peu surprenante.
Finalement, Goldstone a ouvert la voie à une nouvelle opération Plomb Durci qui serait bien pire.
Je prévois, cependant, qu’il lui sera maintenant possible de prier dans n’importe quelle synagogue de son choix.