Chemise noire, ton dépourvu du moindre effet, Moshe Yaalon lit son discours en levant rarement les yeux sur l’auditoire. Mais ses mots, qui se bousculent, sont tranchants comme des silex. L’ancien ministre de la défense israélien, qui a démissionné du gouvernement de Benyamin Nétanyahou le 20 mai, a profité de la 16e conférence annuelle d’Herzliya, jeudi 16 juin, pour signer un retour fracassant sur la scène politique. « J’ai l’intention de postuler à la direction du pays lors des prochaines élections », a-t-il déclaré. Sans jamais citer le nom du chef du gouvernement, il a étrillé la pratique du pouvoir par M. Nétanyahou, en réclamant une « alternative » et « un nouvel horizon », qu’il prétend pouvoir incarner.
Moshe Yaalon a commencé son discours en évoquant la guerre du Kippour (1973), pour établir un contraste avec la situation sécuritaire dans laquelle se trouve Israël aujourd’hui. Selon l’ancien ministre, « il n’existe pas de menace existentielle au-dessus de l’Etat d’Israël aujourd’hui et dans un futur proche. C’est l’Etat le plus fort de la région et il y a un écart énorme entre lui et chaque pays ou organisation autour de lui. Dès lors, il serait juste que les dirigeants d’Israël cessent d’intimider et d’effrayer les citoyens en leur disant que nous sommes au bord d’un nouvel Holocauste ». Moshe Yaalon ne classe même pas le programme nucléaire iranien, « gelé » depuis la signature de l’accord entre Téhéran et les Occidentaux en juillet 2015, parmi les menaces existentielles. Ce fut pourtant un mantra de M. Nétanyahou pendant toute la durée des négociations.
M. Yaalon estime que l’évocation continue d’une menace existentielle relève d’une « tentative cynique pour détourner [les citoyens] des problèmes du quotidien comme la corruption, les écarts sociaux, le haut coût du logement ». Il a appelé de ses vœux un leadership qui « arrêterait de zigzaguer de façon cynique », et affirmé que les dirigeants ne devaient pas jouer à opposer les juifs et les Arabes, la gauche et la droite, pour simplement prolonger leur durée de vie au pouvoir. Il a aussi fustigé les atteintes à l’indépendance de la justice et à la liberté de la presse, dont il n’a pourtant pas été, en tant que ministre, un promoteur acharné.
Il y avait quelque chose d’un peu vertigineux, comme l’ont souligné sur le champ de nombreux commentaires sur Twitter, dans cette charge de Moshe Yaalon contre un gouvernement dont il a été un membre solidaire et actif pendant des années. Pour l’heure, l’ancien ministre n’a livré aucun détail sur la façon dont il comptait partir à la conquête du pouvoir. La constitution d’une coalition de centre-droit, pour présenter une alternative crédible à Benyamin Nétanyahou et à l’alliance entre le Likoud et l’extrême droite nationaliste, fait l’objet d’infinies spéculations depuis des mois, sans la moindre concrétisation.