De quoi s’agit-il ? De faire en sorte que citoyens, associations et élus forment une chaîne solidaire pour qu’il soit mis enfin un terme à l’impunité insupportable dont bénéficie l’Etat d’Israël. Contre vents et marées, cet Etat continue de manière inlassable autant que systématique à violer le droit international en poursuivant sa politique d’occupation, d’annexion et de colonisation sans limite des territoires palestiniens. Cette politique ruine tout espoir de paix dans cette région du monde particulièrement instable.
Cette impunité est la cause principale du prolongement du conflit israélo-palestinien qui dure depuis plus de quarante ans sans que le droit international - défini par l’ONU dans sa Charte et sans lequel il n’y aurait que loi de la jungle - ne soit activé pour y mettre fin. Elle en constitue une violation grave. Cela pousse à une fuite en avant des politiques israéliennes, on le voit aujourd’hui, vers des positions et des actions de plus en plus extrêmes.
De deux choses l’une : ou on veut la paix sur la base du droit connu et reconnu dans les résolutions des Nations unies ou bien on cherche par toutes sortes de subterfuges à en repousser l’avènement.
Un exemple récent confirme ce propos. Le rapport du juge Goldstone, au nom de l’ONU, sur l’offensive contre Gaza constitue à une mise en cause sévère de l’attitude des dirigeants israéliens durant l’opération « Plomb durci », menée en fin d’année dernière. Or voilà que les recommandations qu’il préconise sont reportées, pour examen, à dans plusieurs mois. Pis : Israël exerce un véritable chantage sur l’Autorité palestinienne pour que celle-ci renonce à mettre le rapport Goldstone à l’ordre du jour. Il y est pourtant question de crimes de guerre. Par quelques basses manœuvres diplomatiques, lamentablement acceptées par l’Autorité, la question de la pénalisation de ces actes est reportée. Le crédit de l’ONU en sort de nouveau atteint, et les partisans de la guerre revigorés.
Peut-on laisser les choses se poursuivent de la sorte ? Il en va des droits de tout un peuple et, au-delà, d’une conception des relations internationales qui ne peut avoir le moindre agrément de quiconque est responsable. Un pays, quelque qu’il soit, ne peut pas faire ce que bon semble en violation constante de la justice et du droit.
C’est l’objectif de la campagne BDS dans laquelle l’AFPS a pris et prend toute sa place : ce que les Etats ne veulent pas faire, il convient que les peuples les y contraignent. Ils ont le doit pour eux, à l’inverse des dirigeants qui le violent.
Prenons deux exemples :
1. Tout d’abord, la construction du tramway à Jérusalem – qui relie Jérusalem-Ouest aux colonies juives de Jérusalem-Est - et qui constitue une violation patente et grave aux Conventions de Genève. Deux grandes entreprises françaises en sont partie prenante : Alstom et Veolia. L’AFPS a entrepris un procès contre ces firmes, car le droit international surplombe le droit des affaires. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’est jointe à cette procédure. Ce procès qui a été engagé en février 2007 se poursuit non sans une défense farouche des entreprises concernées. Parallèlement, nous avons informé et mobilisé l’opinion. Tant et si bien que Veolia s’apprête à se retirer du tramway, sinon s’est déjà retiré…
2. Second exemple : les produits des colonies. L’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël, entré en vigueur en 2000, prévoit expressément en maints articles que les produits israéliens introduits en Europe, libres de droit de douane, ne peuvent en aucun cas provenir des colonies, installées illégalement sur des terres palestiniennes volées et annexées. Il ne s’agit en aucun cas de territoires israéliens. Pourtant à flot continu, et sans que rien ne se passe du côté des autorités pourtant garantes du respect des accords, des fruits, des légumes, des fleurs et autres denrées pénètrent le marché européen. C’est du vol pur et simple en même temps qu’une reconnaissance de facto de la colonisation dont on demande par ailleurs l’arrêt.
Est-il acceptable d’encourager pareille politique qui s’apparente à un viol, qui tue dans l’œuf tout espoir de paix et qui spolie les Palestiniens ? Les gouvernants européens se refusant à faire respecter le droit, il est légitime que les peuples s’en mêlent et disent : « Stop ! ». Il est donc légitime d’appeler à boycotter les produits soi disant « made in Israël » dont on ne peut vérifier la provenance, mais qui sont en réalité pour beaucoup « made in Palestine ». De même il est conforme au droit et à la paix de refuser, dans le même esprit, que l’énorme société israélienne Agrexco, importatrice de ces produits palestiniens sous label israélien, s’installe à Sète ni nulle part ailleurs en France et en Europe.
Ou bien encore, comme récemment, de nous opposer à la présence, aux « Fêtes des Vendanges » organisées par la Ville de Paris, de la société « Soda Club » installée dans la plus grande colonie israélienne. Notre action multiforme et rassembleuse a permis que la Ville renonce à cette présence ! Ce n’est pas rien, comme n’est pas rien d’avoir obtenu de la société « Nouvelles Frontières » qu’elle modifie son catalogue qui, dans des séjours étiquetés « Israël », propose les visites de Bethléem, de Jérusalem-Est, de la Vallée du Jourdain colonisée, etc. tout en ignorant la Palestine.
La campagne BDS n’est donc « rien d’autre » que le droit mis en action par l’action citoyenne. Elle est concrète et accessible à tous, à condition de bien expliquer les choses - en particulier que ce n’est pas Israël et son peuple en tant que tels qui sont en cause, mais les politiques israéliennes. Elle vise à interpeller aussi les élus et les pouvoirs publics afin que les uns et les autres agissent enfin et qu’un terme soit mis à l’impunité dont bénéficie cet Etat, seul au monde à être en ce cas.
Sans être « la » solution unique au problème israélo-palestinien, la campagne BDS en constitue un aspect majeur. Et désormais incontournable. Elle doit trouver un débouché politique aussi. Car ceux qui gouvernent nous mentent. A cause d’eux, toujours pas de paix au Proche-Orient et toujours plus de sang et de larmes.
La campagne BDS, à laquelle souscrit un grand nombre d’associations et d’organisations nationales, n’est la propriété de personne. Elle vise à rassembler. Elle est donc à la disposition de tous celles et ceux qui se demandent comment agir pour la paix. Car nous avons besoin du plus grand nombre pour gagner. C’est une « offre d’action » concrète face à l’inertie constatée des « puissants ». A tous de s’en saisir en faisant valoir l’efficacité et donc l’esprit de rassemblement : c’est une condition absolue de son succès.
Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS
Le 10 octobre 2009