« Jérusalem est sans doute l’une des plus fascinantes villes du monde, de même que la plus sainte, la plus belle et sans doute la plus disputée », c’est ainsi que le célèbre guide de voyage, Lonely Planet, présente la ville. Sainte la ville l’est, et même triplement puisqu’elle est la ville sainte du judaïsme (avec la présence du mur des Lamentations, vestige selon la tradition juive du Temple de Salomon, détruit par les romains), de l’islam (Al-Qods est la troisième ville sainte après La Mecque et Médine, le prophète aurait fait son ascension depuis ce qui constitue aujourd’hui l’esplanade des mosquées) et du christianisme (Jésus Christ y aurait vécu ses derniers jours, sa mort et sa résurrection). Fascinante elle l’est par son mélange de cultures, par son architecture, par les personnes que l’on peut y rencontrer. Mais plus que tout cela, et sans doute à cause même de tout cela, Jérusalem est aussi une des villes les plus disputées. Ce phénomène n’est pas nouveau puisqu’il a été à la base des Croisades européennes pour reprendre la souveraineté sur les lieux saints du christianisme. Aujourd’hui Jérusalem est encore au cœur du conflit israélo-palestinien.
Bref rappel historique
Dès 1920, sous mandat britannique, Jérusalem est déjà en proie à des conflits entre juifs et arabes. Avec la création d’Israël par une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies en novembre 1947, la question du devenir de Jérusalem est posée. Le projet onusien prévoit que la totalité de Jérusalem et de ses environs (jusqu’à Bethléem) soit placée sous autorité internationale, pour permettre le libre accès de chaque religion à ses lieux saints. Mais dans le projet sioniste, elle doit devenir la capitale de l’Etat juif. Les forces sionistes ont pris par la force l’ouest de Jérusalem et vont occuper cette partie de la ville dont ils font la capitale symbolique de l’état. Lors de la guerre de 1948 contre les pays arabe, Israël s’empare de 85% de Jérusalem (la partie ouest de la ville ainsi que les villages environnants). 4% de la ville ont été considérés comme un no man’s land, où se sont établis les bureaux des Nations Unies. Entre 64 000 et 80 000 palestiniens ont été chassés des quartiers ouest de Jérusalem, et la plupart des villages environnants ont été vidés de leur population ou totalement détruits. La zone Est (6km²) est placée sous contrôle jordanien, et l’ouest (68km²) sous occupation israélienne dans les accords de cessez-le-feu de 1949. En 1959, Israël décide unilatéralement que Jérusalem Ouest n’est plus un territoire occupé mais fait partie intégrante de l’état d’Israël et est déclaré capitale. La communauté internationale n’a jusqu’à présent jamais reconnu cette annexion. Après la guerre de 1967, Israël occupe la totalité de la bande de Gaza et de la Cisjordanie et redéfinit les frontières de Jérusalem qui comprennent à présent toute la partie est ainsi que les villages environnants ce qui correspond dès lors à 108km² (soit 28% de la Cisjordanie). La résolution 2253 des Nations Unies demandait à Israël de revenir sur toutes les dispositions pouvant altérer le statut de Jérusalem. Ce qu’Israël n’a à ce jour pas fait.
Une épuration démographique
Israël souhaitant pérenniser sa présence à Jérusalem, une politique de discrimination a été mise en place pour augmenter le nombre de juifs et diminuer le nombre de palestiniens vivant dans la ville. L’objectif étant de mettre en place une situation démographique et géographique rendant impossible toute action contre la souveraineté d’Israël sur Jérusalem. Plusieurs mesures ont été mises en place, la première étant une politique démographique discriminatoire. Pourtant cette politique est contraire à la quatrième convention de Genève, relative à la protection des populations civiles en temps de guerre, qui interdit toute modification de la composition démographique des territoires occupés par la force.
Suite à l’annexion de 1967, un recensement a été mené par Israël qui a alors accordé un statut de résident permanent aux personnes résidant dans les zones annexées. Ce statut est le même que celui accordé aux étrangers venant habiter dans le pays. Les citoyens de Jérusalem-Est sont donc traités de la même manière que les immigrants. La nationalité israélienne leur était également accessible à condition de faire allégeance à l’Etat d’Israël, de prouver qu’ils n’étaient citoyens d’aucun autre pays, et de montrer certaines connaissances en hébreu. Pour des raisons politiques évidentes, très peu de palestiniens ont fait cette demande. Ce statut de résident permanent leur donne des droits auxquels les palestiniens de la Cisjordanie n’ont pas accès. Le premier droit garanti est celui de vivre et de travailler en Israël sans avoir besoin de permis spécial. Ils jouissent aussi d’un accès à la sécurité sociale et médicale à travers l’Institut national d’assurance (NII). Ils ont aussi le droit de voter pour les élections locales, mais pas pour les élections au parlement de la Knesset. Depuis 1967, les citoyens israéliens ou résidents permanents pouvaient obtenir un statut légal de résidence pour leur époux des territoires occupés. En mai 2002, le gouvernement a mis un moratoire sur cette unification des familles, et le 31 juillet 2003, une décision du gouvernement interdisait aux personnes mariées avec des palestiniens de vivre avec eux en Israël, de la même manière la résidence permanente n’était plus accordée aux enfants résidents de Jérusalem-Est nés dans les territoires occupés. Ce statut valable un an a été prolongé jusqu’en 2005.
Au-delà d’une simple loi sur le papier, et d’un statut discriminant et raciste, cette décision constitue un véritable drame pour beaucoup de familles. Deux alternatives s’offrent à elles : vivre dans l’illégalité en Israël avec la peur constante d’être renvoyé en Palestine ou en prison, vivre dans les territoires, et perdre ainsi leur propriété et leur droit de résidence. Si l’époux est israélien, et qu’il n’a pas de permis spécial il lui est également interdit de vivre dans les Territoires. La seule solution est d’obtenir un permis spécial de la part de l’administration civile, ce qui s’avère très difficile et précaire car les permis peuvent être annulés à tous moments. Ces familles sont donc déchirées, et doivent vivent dans la peur ou le déchirement. La construction du mur dans la zone de Jérusalem vient aggraver la situation puisqu’une fois fini celui-ci viendra entériner la séparation de ces familles puisque le passage des check-point leur sera impossible. En attendant ils prennent des risques pour passer à travers les barrières temporaires.
Au-delà des raisons de sécurité invoquées par Israël, il est évident qu’il s’agit là d’une politique visant à prévenir une future augmentation de la part de la population arabe en Israël afin de préserver le caractère juif de l’état. De nombreux recours ont été déposés devant la Haute Cour contre cette situation, mais celle-ci a remis son jugement à plus tard jusqu’à ce que la Knesset établisse le statut définitif. En attendant, ces familles sont dans la souffrance, ce qui fait naître la haine, notamment chez les jeunes générations.
D’autres moyens sont utilisés pour parvenir à cette épuration. Entre décembre 1995 et Mars 1999, le statut de résident permanent a été révoqué pour tous ceux qui avaient déménagé en-dehors des limites de la ville. Les palestiniens incapables de fournir des documents prouvant qu’ils vivaient et continuaient à vivre à Jérusalem se sont vu retirer leur carte de résident et ont été expropriés de leur maison et ont perdu leurs droits sociaux. Jusqu’à 1995, nul règlement ne stipulait qu’il était interdit de résider à l’extérieur de Jérusalem, à la condition de revenir pour renouveler son statut auprès du ministère de l’intérieur. Seul un non renouvellement du permis de séjour pendant sept ans pouvait provoquer la révocation du statut de résident. Le ministère de l’intérieur a donc changé sa politique sans en aviser la population. Ce sont plus de 3000 individus qui ont ainsi été privés de leur nationalité. Depuis cette date, les habitants de Jérusalem doivent pouvoir justifier de leur résidence par un nombre important de documents. Ceci provoque de gros problèmes, car il est très difficile de construire aujourd’hui dans la zone de Jérusalem, et les familles ne peuvent pas toujours résider dans la ville compte tenu du faible espace dont elles disposent et du coût de la vie élevé. C’est alors un dilemme difficile entre la volonté de conserver son statut et la volonté d’améliorer ses conditions de vie.
Des violations récurrentes du droit à la propriété
L’article 17 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme signée par Israël stipule que « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ». La déclaration prévoit même à son article 2 qu’ « il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté ». Une fois encore Israël ne respecte pas la légalité internationale. En 1967, Israël a annexé 70ha de terres, et a pratiqué à l’expropriation des propriétaires arabes sur un tiers de ces terres (24ha). Sur ces zones vidées de leurs habitants arabes, ce sont 46 978 maisons qui ont été construites pour les résidents juifs entre 1967 et 2001. Dans le même temps le gouvernement israélien a réduit la possibilité pour les palestiniens des environs de Jérusalem de procéder à de nouvelles constructions. Les terres palestiniennes ont parfois été déclarées zones paysagères, c’est-à-dire interdites de construction (cela concerne 40% des terres de Jérusalem Est), seuls 5ha sont aujourd’hui constructibles. Cette situation de fait contribue à une concentration de la population arabe qui ne dispose que de 11,9 m² par personne contre 23,8 m² pour les juifs de Jérusalem. Ces restrictions ont également obligé les palestiniens à construire leurs maisons sans autorisation préalable.
La tragédie de Silwan, Al Bustan
En novembre 2004, Uri Shitreet envoyait une lettre au chef du département des permis de construire pour affirmer que les environs du village de Silwan, le quartier de Al Bustan serait un site culturel et historique important pour Israël. Ce quartier situé près de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem Est serait en effet le site sur lequel le roi David aurait construit son royaume. Cette lettre recommandait le « déplacement » des maisons palestiniennes. L’objectif était de construire un parc archéologique en plein cœur du quartier arabe. Mais de nombreuses organisations dénoncent au contraire la création d’une autre île juive dans Jérusalem Est s’appuyant sur les projets de nouvelles colonies dans les villages palestiniens de Tur, de Silwan, de Ras al Amud et de Jebel Mukabir, ainsi que l’extension des colonies existantes du Mont Scopus, de Wadi Joz et de Sheikh Jarrah. En effet ce projet semble entrer dans la continuité d’une politique de judaïsation de Jérusalem, à travers les implantations de colons israéliens, la confiscation des terres et la démolition des maisons palestiniennes. Ces projets vont à l’encontre de la quatrième convention de Genève, mais aussi de la feuille de route du Quartet qui demandait la fin des « actions qui minent la confiance comme la confiscation/démolition des maisons/ propriétés palestiniennes ». Le président américain Bush a pour sa part affirmé qu’Israël ne devait pas entreprendre des actions qui « porteraient préjudice au négociation du statut final de Jérusalem ».
Les maisons aujourd’hui menacées à Al Bustan ont été construites après le début de l’occupation qui a décrété cette zone, zone paysagère ouverte, ce qui interdisait la construction. En mars 2005, les premiers ordres de démolitions ont été délivrés aux résidents d’Al Bustan. Ce sont aujourd’hui 88 maisons qui abritent environ mille palestiniens qui sont menacées. Dans le même espace ce sont 50 maisons qui ont été construites par des colons israéliens, et celles-ci n’ont pas encore reçu d’ordre de démolition. Les familles se mobilisent aujourd’hui pour contrer ce qui constitue la plus grande campagne de destruction de maison dans Jérusalem depuis 1967. Sous le soleil, vêtues de longues robes et la tête couverte de l’hijab, des femmes accueillent les délégations venues soutenir leur action. Les hommes répondent aux questions des visiteurs. Abed montre la maison de sa grand-mère, construite par le grand-père de celle-ci, cette maison date de la période Turque, c’est-à-dire au XIXème siècle. Dans la plupart des pays, cette maison serait protégée comme monument historique, mais dans le conflit Israélo-palestinien, ces considérations ne semblent pas être prises en compte.
Le 7 juin 2005, face à la mobilisation locale et internationale, le maire de Jérusalem Ouest, Uri Lupolianski, a affirmé dans un communiqué qu’il avait demandé à l’équipe de planification d’évaluer la « possibilité » d’une collaboration avec les résidents. Cependant, le rapport ne vient pas annuler les ordres de démolition déjà émis et confirme que les autorités israéliennes cherchent une solution alternative pour reloger ces personnes. Quelle peut-être cette alternative : l’établissement sur des terrains d’où ont été expropriés les « absents » ou des terrains appartenant aux Palestiniens de Cisjordanie. Dans les deux cas, l’accès à leur propriété de Jérusalem est remis en cause.
Le 9 juin dernier, le Comité de défense pour la terre a affirmé qu’aucune rencontre officielle n’avait eu lieu avec les autorités légales représentant les résidents d’Al Bustan, alors que le maire se réclamait de telles rencontres.
Le ministère de l’Autorité Palestinienne pour les questions de Jérusalem a appelé tous les signataires de la quatrième convention de Genève à déclarer publiquement leur opposition aux destructions de maisons dans Jérusalem Est et ont demandé des mesures pour assurer l’annulation des ordres de démolition à Silwan et dans tous les territoires occupés, et la reconnaissance légales des maisons construites sur des terres qui sont la propriétés des Palestiniens.
Pour plus d’information sur les démolitions de maisons, consulter le site de l’association israélienne contre la destruction des maisons : http://www.icahd.org/eng/
Le mur à Jérusalem : comment le mur morcelle la ville
En Août 2002, le cabinet de sécurité a approuvé la première étape du tracé du mur qui inclut les sections nord et sud de Jérusalem. La section nord s’étend sur dix kilomètres de la base armée Ofer à l’ouest au check-point de Qalandiya à l’est. La section sud du mur également longue de dix kilomètres s’étend du tunnel routier à l’ouest de Beit Sahur (qui correspond aussi au sud de la colonie de Har Homa) à l’est. Ces deux sections ont été complétées en juillet 2003. En août 2003, deux autres sections sur la frontière est de la municipalité de Jérusalem ont été approuvées pour un total d’environ trente kilomètres. Une section de 17 kilomètres en bordure du village de Beit Sahur jusqu’au nord à Al-‘Eizariya et une autre section de 14 kilomètres qui ira des alentours de ‘Anata au check-point de Qalandiya au nord. Contrairement au reste de la Cisjordanie, le mur qui entoure Jérusalem ne prend pas uniquement la forme de barrières en fer, mais d’un vrai mur en ciment, qui atteint entre six et huit mètres de hauteur. Il correspond à une pérennisation de l’annexion de 1967 puisque les territoires alors conquis, et dont la communauté internationale continue d’exiger la restitution, sont placés dans la partie ouest, c’est-à-dire israélienne du mur. La continuité territoriale des constructions entre Jérusalem Est et les villages alentours est anéantie par le mur.
Pour de nombreux villages alentours qui vivaient grâce aux connections avec Jérusalem, le mur signifie une asphyxie économique mais aussi sociale. Ainsi de nombreux enfants se rendaient dans des écoles de Jérusalem Est et inversement les étudiants de Jérusalem Est allaient à l’université Al Qods qui est située à Abu Dis. Il n’est donc pas rare aujourd’hui de voir des enfants franchir, à grands risques les zones dans lesquelles le mur n’est pas totalement achevé. Pour les familles dont les enfants étudient à l’université, cela constitue un choix difficile : trouver et financer un logement à Abu Dis pour éviter le trajet quotidien de plusieurs heures entre Jérusalem et l’université, soumis aux bouclages des territoires, ou mettre fin aux études des jeunes. La situation sanitaire s’en trouve aussi très compromise puisque les villages alentours avaient pour habitude de se rendre dans les hôpitaux de Al-Moqassad et de Augusta Victoria, tous deux situés à Jérusalem Est et qui sont rendus inaccessibles par le mur. Il n’y a pas d’hôpitaux proches, et ces villages doivent se rendre à Jérusalem ou à Jéricho, qui, avec les différents obstacles à la liberté de mouvement, sont situés à plus d’une demi-heure de route. Des familles se trouvent également séparées et ne peuvent plus se rendre visite. Le plus tragique est la difficulté pour les palestiniens à enterrer leurs morts avec leur famille, puisqu’il est impossible de transporter les corps de l’autre côté du mur.
Une discrimination face aux droits sociaux
Les résidents permanents de Jérusalem participent par leurs cotisations aux services sociaux et à l’assurance santé israélienne, représentée par le National Insurance Insitute (Institut National d’Assurance). Pourtant le NII a décidé récemment de retirer leurs droits aux palestiniens de Jérusalem, arguant qu’ils ne seraient pas de vrais résidents, en s’appuyant notamment sur l’exemple des couples dont l’un des époux est non-résident. Le NII a donc exigé l’enquête pour chaque assuré avant de leur accorder à nouveau leurs droits. 70% des personnes ayant subi cette enquête se sont vu déclarés aptes à jouir de la couverture sociale israélienne. Mais cette enquête est longue et pendant toute sa durée, bien que payant des cotisations, les palestiniens n’ont pas accès à la protection sociale. Selon la loi, le NII n’a pas la compétence pour pratiquer de telles enquêtes, pour autant il continue à le faire. Il effectue notamment des enquêtes lorsque des parents résidents souhaitent enregistrer leurs enfants au fond de santé (Health Fund). Pourtant la loi prévoit que lorsque les parents sont résidents, les enfants le sont également et jouissent des mêmes droits. L’ONG Physicians for Human Rights a estimé que 10 000 enfants résidents à Jérusalem Est ne sont pas couverts par l’assurance maladie. Le NII, au lieu de jouer son rôle de promotion des politiques sociales et de fournir les mêmes droits à tous, est donc devenu l’instrument de la politique d’épuration ethnique qui vise à vider Jérusalem de ses habitants en leur retirant les droits pour lesquels ils cotisent.
Le scandale des services publics
Alors que les résidents de Jérusalem Est paient les mêmes impôts que tous les résidents de la ville, ils n’ont pas accès aux mêmes services. C’est là un cas flagrant de discrimination ethnique. Depuis l’annexion de 1967, il est frappant de voir le fossé entre les investissements opérés dans la partie ouest de la ville, et l’absence d’investissement à l’est.
Pas de nouvelles écoles, pas de nouveaux bâtiments publics, par de nouveaux centres de santé pour les palestiniens, pas non plus d’investissement pour la réfection des routes (mis à part dans les quartiers de colons juifs), ni pour les systèmes d’égouts et de réseau d’eau. Moins de 10% du budget de la municipalité étaient alloué aux quartiers palestiniens, alors que la population de ceux-ci regroupe un tiers de la population totale.
L’accès aux administrations est également rendu difficile pour les palestiniens. Les procédures peuvent durer des mois à cause du sous-effectif dans les bureaux de Jérusalem Est. Tous les jours des files d’attente s’agglutinent devant les administrations dès la nuit, dans l’espoir de pouvoir entrer et procéder à leurs démarches administratives. Ils attendent sans protection contre le soleil ou la pluie, souvent directement sur la route, alors que les gardes n’ouvrent la porte que deux à trois fois par jour ne laissant entrer qu’une douzaine de personnes. Dans l’attente les palestiniens subissent les humiliations et les violences des gardes. L’accès aux procédures est également rendu difficile par la rédaction de celles-ci en hébreu alors que les palestiniens parlent majoritairement l’arabe. Ils dépendent de la bonne volonté des fonctionnaires pour leur expliquer les démarches ou doivent dépenser des fortunes pour faire traduire les documents à l’extérieur, et donc faire la queue une seconde fois. L’accès pour les personnes handicapées et les poussettes n’est pas facilité puisqu’il n’y a aucun ascenseur. La possibilité, accordée aux citoyens de Jérusalem Ouest, de faire certaines démarches par courrier, est interdite aux résidents de l’est.
Le 25 septembre 2000, une pétition de l’Association pour les droits civils en Israël et du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économique a été déposée devant la Haute Cour de Justice à propos des conditions et des réglementations du ministère de l’intérieur. La Haute Cour a ordonné aux représentants de l’état de trouver une solution à ce problème. En 2003, une autre pétition a été déposée concernant l’accès aux services administratifs, et la cour a ordonné l’augmentation du nombre de fonctionnaires de 29 à 52 pour les services du ministère de l’intérieur, et d’augmenter les heures d’ouverture. La cour a également exigé du ministère qu’il déplace ses bureaux dans une nouvelle structure, plus adaptée, dans le complexe de Momoniya. Pour autant les files de personnes attendant d’être reçues par l’administration continuent de s’étendre sur le macadam.
Face à cette situation, Jérusalem se trouve souvent oubliée des grandes mobilisations en faveur de la Palestine. Le gouvernement israélien profite de cette ombre pour étendre sa colonisation et judaïser la ville. Ils profitent de la situation pour acheter des propriétés dans le cœur de la vieille ville (notamment auprès du patriarcat grec orthodoxe) et ainsi judaïser cette partie de la ville. L’accès même au lieu saint, qui fait partie des résolutions des Nations Unies, est souvent entravée, pour des prétendues raisons de sécurité. L’esplanade des mosquées a été ces derniers mois le lieu de provocation de la part des colons ultra-orthodoxes juifs qui ont violé ce lieu saint pour affirmer leur domination sur la ville. La réaction des autorités a été d’interdire aux musulmans l’entrée sur l’esplanade, le vendredi, jour de la prière.
Parce qu’informer, c’est aussi résister, il convient de développer le lobbying autour de Jérusalem afin de ne pas laisser au gouvernement israélien les coudées franches pour mettre fin à tout espoir d’accord sur la ville.