Lundi 14 mai, la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem a été inaugurée en grande pompe par les Etats-Unis, déclenchant la colère des Palestiniens et les critiques de la communauté internationale. Mais dans les faits, les diplomates américains sont encore loin d’emménager à Jérusalem.
"La semaine prochaine, l’ambassade américaine en Israël va être déménagée à Jérusalem. Félicitations à tous !" déclarait Donald Trump le 12 mai. Ce lundi 14 mai, avec des centaines d’invités, Ivanka Trump et Jared Kushner en maîtres de cérémonie, les États-Unis ont inauguré leur ambassade avec faste dans la Ville sainte. Mais cette célébration s’avère être surtout symbolique.
Big week next week when the American Embassy in Israel will be moved to Jerusalem. Congratulations to all !
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 11 mai 2018
"Il faut savoir que les États-Unis n’ont pas déménagé leur ambassade de Tel Aviv", explique Vincent Lemire, maître de conférence en histoire contemporaine et spécialiste de l’histoire de Jérusalem. "Ils ont juste vissé une plaque ’Ambassade des États-Unis’ sur l’antenne du consulat américain à Jérusalem pour le renouvellement des passeports et des visas". Sur le site de l’ambassade américaine pourtant, les changements ont été faits, et le bureau de Tel-Aviv apparaît désormais comme une "annexe" du consulat. "Il faut savoir que 850 fonctionnaires américains travaillent encore à Tel-Aviv, y compris l’ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman" rappelle Vincent Lemire.
Le déménagement est bien prévu, mais ne sera effectif que d’ici plusieurs années, et certainement dans un autre bâtiment, car à Jérusalem le consulat est mal situé, sur un territoire limitrophe. Le bâtiment américain se situe en effet dans une zone entre la frontière de Jérusalem Ouest et de Jérusalem Est. Si l’ouest de la Ville sainte est officiellement reconnu comme faisant partie de l’État hébreu, l’ONU ne considère pas le côté est comme israélien, mais comme un territoire palestinien occupé illégalement par Israël. "L’ambassade est peut-être à Jérusalem, mais pas complètement en Israël" écrit le New-York Times.
Alors pourquoi déménager son ambassade à Jérusalem ?
"Il n’y a aucun intérêt économique particulier" à déménager son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem", précise d’abord Vincent Lemire, notamment parce que "la capitale économique d’Israël, c’est Tel-Aviv". Il s’agirait donc d’un mouvement purement symbolique de la part des États-Unis. Pour Donald Trump, c’est surtout une promesse de campagne réalisée et une alliance forte créée avec Israël.
Ce premier déménagement, même symbolique, a entraîné celui du Guatemala, et prochainement du Paraguay. Pour Vincent Lemire, ces petits pays, peu influents sur la scène internationale, "font partie de la clientèle des États-Unis, ce sont des pays satellites qui surjouent la proximité avec les États-Unis" en déplaçant à leur tour leur consulat.
En Europe, la République tchèque, la Roumanie et la Hongrie ont également exprimé leur envie de déménager leur ambassade dans la Ville sainte. Mais là encore pour Vincent Lemire, ces annonces sont avant tout politiques : "il s’agit de trois gouvernements d’extrême droite qui se signalent sur tous les sujets pouvant briser le consensus diplomatique européen", lequel s’est prononcé contre la décision de Donald Trump de s’installer à Jérusalem.
Que vont changer ces déplacements d’ambassades ?
"Concrètement ça ne change rien, mais sur le plan géopolitique ça change tout" rappelle toutefois Vincent Lemire. Ce déménagement symbolique ne va en effet pas beaucoup transformer l’organisation américaine en Israël, mais bouleverse complètement l’équilibre déjà branlant de la région. "Les USA étaient la clef de voûte du processus de paix, ils abandonnent ce rôle" explique le chercheur.
Au niveau international, les critiques pleuvent sur ce déménagement. Des 193 pays composant l’Assemblée générale de l’ONU, 128 ont déploré la décision du président Donald Trump, dont la France. Mais c’est au niveau régional que les répercussions seront les plus violentes. Lundi 14 mai, des affrontements entre des manifestants palestiniens et des militaires israéliens ont déjà fait 59 morts côté palestinien. Et la situation politique devrait continuer à se dégrader entre les deux territoires. Selon Vincent Lemire, en déménageant son ambassade à Israël, Donald Trump a créé "un boulevard pour la droite et l’extrême droite israélienne qui n’a plus de frein".