Lorsque l’Egypte s’est soulevée début 2011, les Israéliens savaient ce qu’ils risquaient de perdre : un traité de paix signé il y a 3 décennies avec un géant du monde arabe. Avec la Syrie, la situation est plus compliquée. Les deux pays sont toujours techniquement en état de guerre. Et, même si la frontière est calme, la confrontation est indirecte, puisque Damas soutient des organisations radicales, hostiles à Israël : Hamas et Jihad islamique palestiniens et Hezbollah libanais. Et puis la Syrie est aussi un solide allié de l’Iran, autre ennemi d’Israël.
« C’est comme chevaucher un tigre, explique le général Amos Gilad, directeur des affaires politico-militaires au ministère de la Défense, c’est agréable quand ils vous emmènent à toute vitesse… Mais les tigres peuvent vous surprendre et vous dévorer ou vous mordre au moment où vous vous y attendez le moins ». Traduction, le régime syrien joue un jeu dangereux et il pourrait le payer, dans le contexte actuel de contestation. « Cette dictature repose sur l’usage de la force et sur l’isolement, poursuit Amos Gilad. L’isolement n’est plus possible. Alors maintenant, ils doivent prendre des décisions importantes. Pas les décisions du passé ».
Le Hamas espère la continuité
Le Hamas, lui affiche sa sérénité face aux évènements en Syrie. Le mouvement islamiste contrôle la bande de Gaza depuis 2007, mais sa direction politique se trouve à Damas, en Syrie, ce qui ne devrait pas changer, selon Tayseen Moahsen, diplomate du Hamas à Gaza : « La présence du Hamas en Syrie ne sera pas tellement affectée par la disparition du régime, car c’est une position de la nation syrienne et pas une position du régime syrien ». Le Hamas a salué la chute d’Hosni Moubarak en Egypte et aujourd’hui, il affirme qu’il n’interfèrera pas dans les affaires internes de la Syrie. « Nous traiterons avec n’importe quel nouveau dirigeant voulu par le peuple syrien, quel qu’il soit… », promet Tayseen Moahsen.
Si la contestation devait ébranler le pouvoir syrien, le Hamas aurait à jouer une partie délicate : le mouvement palestinien est issu de la mouvance des Frères musulmans, une confrérie sévèrement réprimée en Syrie. Aujourd’hui le Hamas est allié avec le pouvoir syrien alaouite de Bachar el-Assad (issu de la minorité chiite alaouite) mais il espère conserver le soutien de la Syrie si le pouvoir venait à changer de main dans ce pays.
Ce soutien syrien aux organisations armées palestiniennes et libanaises est l’un des obstacles à une paix avec Israël. Même si le principal contentieux est territorial, il concerne le plateau du Golan, conquis par Israël pendant la guerre des Six-Jours en 1967 et annexé ensuite par l’Etat hébreu. Dans le passé les deux pays se sont approchés à plusieurs reprises d’un accord de paix, sans jamais conclure. « Pour l’instant, le gouvernement israélien attend de voir comment les choses évoluent, analyse le professeur Moshe Maoz, de l’Université hébraïque de Jérusalem, mais je dirais qu’Israël doit se saisir de ces changements pour montrer à la Syrie et aux autres pays arabes qu’Israël est prêt pour la paix avec n’importe quel régime en place en Syrie. Je pense que ce serait très habile pour améliorer nos relations avec le monde musulman et avec le monde arabe ».