Un an après une première tentative ratée, 1500 militants propalestinens projettent d’atterrir dimanche à Tel Aviv pour se rendre en Cisjordanie.
Le conflit israélo-palestinien va-t-il s’inviter dans une campagne présidentielle française jusque-là hermétique aux questions internationales ? Dimanche 15 avril, 1 500 militants propalestiniens venus de pays européens, des Etats-Unis et du Canada, dont environ 500 Français, tenteront de rejoindre la Cisjordanie, via l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, où des centaines de policiers seront déployés pour refouler ce qu’Israël voit comme des " agitateurs ".
Faisant fi des mises en garde du Quai d’Orsay, qui redoute des " incidents " et " déconseille " aux ressortissants français de prendre part à ce voyage, les organisateurs de cette mission, baptisée " Bienvenue en Palestine ", espèrent interpeller les candidats sur les difficultés de circulation dont pâtissent les Palestiniens et les sympathisants de leur cause.
En 2011, la première édition de cette opération avait suscité un gros battage médiatique. Sous la pression d’Israël et des autorités françaises, la plupart des compagnies aériennes sur lesquelles les militants avaient prévu de voyager, s’étaient opposées à leur embarquement, à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Quelques dizaines d’autres participants avaient néanmoins réussi à s’envoler pour Tel Aviv. Ils avaient été arrêtés à leur atterrissage puis expulsés, au motif que leur seule intention était de réaliser un coup médiatique et de troubler l’ordre public.
" Bienvenue en Palestine n’est pas une opération coup-de-poing, prévient Olivia Zémor, présidente de l’association CAPJPO-Europalestine et coordinatrice, côté français, de cette initiative internationale. Une fois arrivés à Ben Gourion, nous ferons la queue comme tout le monde devant le guichet des passeports. Des bus nous attendront à la sortie de l’aéroport pour nous conduire directement en Cisjordanie. En revanche, nous ne mentirons pas sur l’objet de notre visite, comme doivent le faire la plupart des militants qui débarquent à Tel Aviv. Nous dirons haut et fort que la Palestine existe et que nous y allons. C’est cela qui gêne Israël. "
Pour les étrangers désireux de se rendre en Cisjordanie, l’aéroport de Tel Aviv est un passage quasi obligé. L’autre solution, beaucoup moins pratique, consiste à atterrir en Jordanie et à traverser le poste-frontière d’Allenby, sur le Jourdain, qui est sous le contrôle d’Israël.
Aéroports inutilisables
Deux aéroports sont implantés dans les territoires occupés, à Rafah, dans la bande de Gaza, et à Kalandya, en lisière de Jérusalem. Mais le premier, mis en service en 1998, a été rendu inutilisable par l’armée israélienne, au début de la seconde Intifada, en 2001.
Quant au second, bâti à l’époque du mandat britannique en Palestine, il a été occupé en même temps que la Cisjordanie, durant la guerre de 1967, et ne fonctionne plus depuis la fin des années 1990. Faute d’être autorisé par Israël à remettre en état l’aéroport de Rafah, désormais sous la tutelle du Hamas, maître de la bande de Gaza, l’Autorité palestinienne ambitionne d’en construire un nouveau dans la région de Jéricho. Mais là encore, la bureaucratie militaire israélienne s’oppose à ce projet.
Une fois sur place, les membres de la mission sont censés participer à la pose de la première pierre d’une école internationale, à Beit Jala, près de Bethléem. Le maire de cette ville et le gouverneur de la région ont envoyé des lettres de bienvenue aux participants.
Jusqu’à présent, sur l’ensemble des candidats à la présidentielle sollicités par " Bienvenue en Palestine ", seule Nathalie Arthaud, de Lutte Ouvrière, a manifesté officiellement son soutien. Un membre de la campagne de François Bayrou, avait initialement salué cette " belle initiative ", dans un mail envoyé aux organisateurs. Il écrivait qu’" il est intolérable que des projets pacifiques soient bloqués de la sorte, avec l’accord du gouvernement français ". Mais Jean-François Martins, le responsable de la communication du candidat MoDem a désavoué son geste, le qualifiant d’" excès de zèle ".
En Israël, où la tension monte à l’approche de l’arrivée des propalestiniens, les avis divergent sur la réaction à apporter à cette mission et sur l’opportunité d’un refoulement musclé sous l’oeil des caméras. Le mouvement Gush Shalom, dirigé par Uri Avnery, vétéran du camp de la paix et ancien député à la Knesset, a qualifié le déploiement sécuritaire à Ben Gourion de " gaspillage de l’argent des contribuables ".