Hanin Zoabi à Jerusalem, en décembre 2012.
La commission électorale israélienne a disqualifié, ce jeudi, la députée arabe Hanin Zoabi, figure controversée de la classe politique israélienne, pour les prochaines législatives du 17 mars. Explications.
La commission avait été saisie par le Likoud (droite) et Israel Beitenou (droite ultra-nationaliste). Ils reprochent à la députée de défendre "la lutte armée contre Israël". Ce n’est pas la première fois que cette native de Nazareth, principale ville arabe d’Israël, est dans le viseur des membres de la Knesset. En 2013 et en 2010, déjà, elle avait été menacée d’être mise hors-jeu.
"Ennemie de l’intérieur"
Agée de 45 ans, la pasionaria arabe israélienne est l’une des personnalités les plus attaquées de son pays. Députée depuis 2009, elle est vilipendée par ses adversaires qui la considèrent comme une ennemie de l’intérieur.
Hanin Zoabi, du parti Balad, est en 7ème position sur la liste que présentent les quatre principaux partis arabes israéliens. Ces derniers font pour la première fois liste commune aux législatives, ce qui pourrait dynamiser la participation au vote de la population arabe. Représentant 20% de la population israélienne, les Arabes israéliens, musulmans et chrétiens, sont les descendants des Palestiniens restés sur leur terre après la création d’Israël en 1948. Les partis arabes israéliens totalisent 12 sièges sur 120 dans la Knesset sortante.
Pour un Etat partagé où juifs et Palestiniens auraient les mêmes droits
Hanin Zoabi rejette l’idée d’Israël comme Etat juif et juge irréaliste la création de deux Etats palestinien et israélien, au regard de l’étendue de la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Elle défend l’idée d’un seul Etat partagé où juifs et Palestiniens auraient les mêmes droits. "Je ne crois pas à une pureté ethnique au nom de laquelle les Juifs doivent vivre dans un Etat séparé des Palestiniens qui eux-mêmes doivent avoir un "état sans Juifs", déclarait-elle au Monde en 2012.
Les détracteurs d’Hanin Zoabi ont fait valoir qu’elle avait été suspendue de la Knesset pour six mois en juillet 2014 pour avoir déclaré que les assassins palestiniens de trois adolescents juifs en Cisjordanie - avant que l’on n’apprenne qu’ils avaient été assassinés, précise le Washington Post- n’étaient pas des "terroristes".
Particulièrement pugnace, Hanin Zoabi, parfois qualifiée de la "femme la plus détestée des Israéliens", traite régulièrement ses adversaires, dont le Premier ministre Benyamin Netanyahu, de racistes et de fascistes, et dénonce le "régime d’apartheid" auquel les Palestiniens sont soumis par Israël. Elle est souvent accusée d’outrances, mais celles-ci sont légion dans la vie politique israélienne, rappelle le chroniqueur du Haaretz Oudeh Basharat qui évoque le ministre de l’économie, Naftali Bennett, se vantant d’avoir "tué beaucoup d’Arabes dans (sa) vie. Et il n’y a aucun problème avec ça", disait-il. Ou la députée Ayelet Shaked, qui souhaitait la disparition des Palestiniens, tous des "ennemis combattants" et dont les maisons, où ils élèvent leurs "serpents" devraient être détruites, pour ne pas y voir grandir d’autres petits serpents". "Le péché de Zoabi est de lier la violence palestinienne à l’occupation", plaide Oudeh Basharat.
Une décision susceptible d’être cassée par la Haute cour de justice
La décision de la commission électorale israélienne est cependant susceptible d’être cassée par la Haute cour de justice qui se prononcera à une date inconnue. La Cour avait déjà invalidé une semblable décision de la commission quand celle-ci avait disqualifié Hanin Zoabi avant les législatives de 2013 pour avoir "pris le parti des ennemis d’Israël" en participant à une tentative de briser le blocus de Gaza à bord du ferry turc Mavi Marmara en 2010.
Le conseiller juridique du gouvernement, Yehuda Weinstein, s’était déclaré, mercredi, opposé à la disqualification de la députée, selon Haaretz : "Un examen global des activités de la députée Zoabi montre que ses commentaires acerbes et déconcertants ne constituent pas la partie dominante ou centrale de ses activités de législateur", a expliqué Yehuda Weinstein.
"Si Hanin Zoabi n’existait pas, conclut Oudeh Basharat, la droite devrait l’inventer. Sinon, comment pourrait-on canaliser toute la haine qui sévit au Parlement israélien ?"
Baruch Marzel, député d’extrême droite, également disqualifié
La commission a également disqualifié ce jeudi un candidat de l’extrême droite radicale israélienne, Baruch Marzel. Il est l’un des héritiers idéologiques les plus médiatisés de Meir Kahane, un rabbin assassiné en 1990 et fondateur du mouvement raciste anti-arabe Kach, interdit en Israël.