La Direction de la Population, de l’Immigration et des Frontières du Ministère de l’Intérieur refuse de publier toute soi-disante « liste noire » des militants du BDS qui ne seront pas autorisés à entrer en Israël à cause de leur soutien au mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions à l’encontre d’Israël. La direction déclare qu’elle ne peut pas publier une telle liste parce que cela violerait le droit à la vie privée de toutes ces personnes.
La direction, avec le Ministère des Affaires Statégiques, a dressé une liste des militants sur les instructions du Ministre de l’Intérieur, Arye Dery, et du Ministre des Affaires Stratégiques et de la Sécurité Publique, Gilad Erdan.
En réponse à une demande, concernant la Liberté de l’Information, de la part de militants des droits de l’homme, la direction de la population a initialement déclaré qu’elle ne possédait pas de telles listes. A la suite d’une autre demande, la réponse a changé et elle a répondu qu’elle ne pouvait pas fournir une telle liste “parce que c’est une information privée dont la publication est une violation du droit à la vie privée » et est interdite par la Loi sur la Liberté de l’Information.
En mars, la Knesset a amendé la Loi sur l’Entrée pour empêcher que soient délivrées des autorisations d’entrée à ceux qui appellent à un boycott d’Israël. En juin, la direction de la population a publié une nouvelle règlementation qui autorise à bloquer l’entrée en Israël de personnes, si elles ont appelé à boycotter le pays.
Il y a trois semaines, la direction a aussi rendu publics des critères qui précisent que l’entrée serait refusée aux principaux militants des organisations qui soutiennent le boycott ou qui travaillent activement et de façon continue à en faire la promotion. Les critères établissent que le fait qu’une organisation soit anti-israélienne ou pro-palestinienne, ou qu’elle ait un programme critique envers le gouvernement d’Israël, n’est pas en soi une raison de refuser l’entrée en Israël.
A la fin de juillet, au moment où les nouveaux critères ont été publiés, « Haaretz » a rapporté que la direction de la population avait refusé l’entrée à cinq militants américains membres d’associations soutenant le BDS [1]. Israël a fourni à l’avance à la compagnie aérienne allemande des précisions sur les militants et a déclaré qu’il ne les autoriserait pas à entrer en Israël. La compagnie aérienne les a empêchés d’embarquer dans l’avion à l’Aéroport International de Dulles près de Washington, mais a autorisé les autres membres de la délégation à s’envoler vers Israël. La direction a déclaré que « ceux-là étaient des militants importants qui faisaient la promotion de boycotts à l’encontre d’Israël."
Le jour même, l’avocat Eitay Mack a déposé une requête au titre de la Loi sur la Liberté de l’Information pour pouvoir recevoir toutes ces listes de militants du BDS. “Après examen par les organismes professionnels, je tiens à vous répondre qu’il n’y a pas de « listes noires », a déclaré Mali Dudian, responsable des questions relatives à la Loi sur la Liberté de l’Information à la Direction de la Population, quelques jours après. Elle a déclaré que la direction agit conformément au droits et aux instructions des ministres concernés, Erdan and Dery.
“Les critères pour empêcher l’entrée conformément à cette politique ont été publiés sur le site Internet de la Direction de la Population et de l’Immigration. En ce qui concerne les militants dont l’entrée en Israël a été refusée, le refus était fondée sur des renseignements explicites qui existaient au moment de l’incident qui les concernait,” a-t-elle ajouté.
Seconde requête
Mack a demandé à nouveau à la direction la liste des noms et a écrit que l’affirmation qu’il n’y a pas de « listes noires » est contradictoire avec la déclaration qui dit que le fait que l’entrée a été refusée, était fondé sur « une information spécifique. » Leur entrée n’a pas été bloquée quand ils sont arrivés à l’Aéroport International Ben-Gurion – c’est aux Etats-Unis qu’ils n’ont pas été autorisé à embarquer dans l’avion, a-t-il écrit en réponse.
Puisque les militants étaient des citoyens américains qui n’ont pas besoin d’avoir un visa à l’avance pour entrer en Israël, alors « on ne voit pas comment votre ministère a rassemblé les renseignements les concernant ou comment il a su de façon précise quand ils devaient embarquer dans l’avion, afin d’en informer à temps la compagnie aérienne », a écrit Mack. « Donc, sans aucun doute, c’est à tout le moins votre ministère qui a envoyé à l’avance une notification à ce sujet à la société aérienne. »
A cause du refus de transmettre toutes ces listes de militants du BDS, Mack, avec quatre autres militants des droits de l’homme, a déposé la semaine dernière une requête auprès du Tribunal de District de Jérusalem. Ils demandent au tribunal d’ordonner à la direction de la population de publier ces listes, ainsi que les procès verbaux des réunions et des décisions relatives à ces listes, la documentation rassemblée sur les personnes et les organisations, et la correspondance échangée sur la question avec des organismes étrangers, parmi lesquels les autres pays et les autres compagnies aériennes.
Le danger d’une pente glissante commence à exister à partir de l’existence de « listes noires » de militants internationaux qui exercent leur droit à la liberté d’expression,qui est encore légal dans les pays dont ils sont citoyens, déclare le mémoire déposé devant le tribunal. Ce danger comprend le fait de donner les listes à des organismes étrangers sans aucune transparence et sans que les personnes ou les organisations qui sont sur les listes ne le sachent, ont écrit les demandeurs.
« Un danger existe que l’existence de ’listes noires’ de militants internationaux ne serve aussi à établir de façon opaque et indirecte des ’listes noires’ de militants israéliens des droits de l’homme (par exemple, de militants israéliens qui sont en contact avec des militants internationaux), » déclare la requête.
La direction de la population doit encore répondre à la requête devant le tribunal.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS