Vincent Lemire est historien, maître de conférences à l’université Paris-Est / Marne-la-Vallée, directeur du projet européen « Open-Jerusalem ». Il vient de publier avec Katell Berthelot, Julien Loiseau et Yann Potin Jérusalem. Histoire d’une ville-monde (Champs-Flammarion).
Comment expliquer la très vive réaction de Netanyahou au discours de John Kerry qui n’énonce guère plus que ce que dit l’ONU depuis des décennies ? Est-ce un signe de fébrilité ?
C’est même un signe de faiblesse, totalement contre-productif. De même qu’il avait largement contribué à amplifier la polémique en critiquant les résolutions de l’Unesco sur Jérusalem en avril et en octobre derniers, Netanyahou crée de la tension et de la visibilité autour de ce discours, il met en scène l’isolement diplomatique croissant d’Israël, alors qu’il aurait pu se contenter d’un bref communiqué ironique sur le « testament diplomatique » d’une administration Obama sur le départ, puisque, effectivement, les paramètres posés par Kerry ne sont pas nouveaux.
Mais, selon moi, ce discours a quand même une portée historique, précisément parce qu’il est testamentaire. C’est un discours qui s’autorise à être vrai, sincère, avec une liberté de ton et de parole assez rare en diplomatie. Justement parce qu’il est sur le départ, Kerry peut se permettre de dire ses quatre vérités aux Israéliens, d’employer par exemple le mot de nakba, et d’essayer de sauver la possibilité d’une paix juste et durable, même si cette possibilité est infime.