Tout à coup, il n’est plus si horrible d’être antisémite. Soudain, il est devenu excusable de haïr les musulmans et les Arabes et d’“aimer Israël”. Les droites juive et israélienne ont décrété une large amnistie aux amants antisémites d’Israël. Et ce sont ces derniers qui vont bientôt exercer le pouvoir à Washington.
Qu’on se le tienne pour dit : comme la pornographie, l’antisémitisme est désormais une question de géographie et de prix. Les antisémites américains de droite ne sont plus considérés comme antisémites.
La définition a été remise à jour : à partir de maintenant, les antisémites ne se trouvent qu’à gauche. Roger Waters [ancien leader du groupe Pink Floyd et partisan du boycott d’Israël] est un antisémite. Steve Bannon, ce raciste et antisémite qui vient d’être nommé stratège en chef de la Maison-Blanche, est un ami d’Israël.
Blanchiment d’un antisémite avoué
Ces militants juifs et israéliens qui retournaient ciel et terre à la recherche du moindre signe d’antisémitisme (amende pour mauvais stationnement infligée à un Juif, cambriolage d’un domicile juif, etc.) sont maintenant embarqués dans une opération de blanchissement d’un antisémite avoué. Soudain, le mal antisémite n’est plus un problème.
Alan Dershowitz [avocat et universitaire juif américain], l’un des plus efficaces propagandistes en ce domaine, est déjà sorti du bois pour défendre Steve Bannon. Dans une tribune publiée dans Ha’Aretz, Dershowitz a eu le cran d’écrire que l’homme dont la femme ne veut pas que ses enfants aillent à l’école avec des Juifs n’est pas antisémite.
Après tout, un ancien assistant de recherche de Dershowitz, un Juif orthodoxe qui allait travailler plus tard avec Bannon, lui a assuré qu’il n’avait décelé aucun signe d’antisémitisme chez Bannon. Et soudain, ce genre d’explication est suffisant pour Dershowitz. Soudain, il est devenu possible de séparer le racisme de l’antisémitisme.
L’aube d’un nouveau jour
L’ambassadeur d’Israël à Washington, Ron Dermer, s’est hâté de se joindre à la fête. Le week-end dernier, il a déclaré qu’il était impatient de travailler avec Bannon. Oui, l’un des nôtres [un Israélien] est impatient de travailler avec ce raciste. Après tout, ils seront d’accord sur tout : il n’y a pas de peuple palestinien, il n’y a pas d’occupation, l’implantation de Yitzhar [colonie de peuplement proche de Naplouse] doit rester pour toujours et les gauchistes sont des traîtres.
Pour Ron Dermer, ce chantre de l’avant-poste illégal d’Amona [en Cisjordanie], cet ami du Tea Party [néoconservateurs américains] et ce boycotteur de J Street [le mouvement juif américain de gauche], cet homme qui, dans toute relation bilatérale normale, aurait été déclaré persona non grata aux États-Unis, les nominations annoncées par Trump sont l’aube d’un nouveau jour.
Dermer se sentira à l’aise avec Frank Gaffney, un autre haïsseur des musulmans en passe d’obtenir une place de choix dans la nouvelle administration et de partager le bonheur de travailler avec Bannon. Et Mike Huckabee [leader républicain américain] est exactement sa tasse de thé. Dermer, après tout, a reçu le Freedom Flame Award du Center for Security Policy, un groupe haineux qui brandit fièrement la bannière de l’islamophobie.
Les racistes, ces amis d’Israël
Ces racistes et leurs semblables sont les meilleurs amis d’Israël aux États-Unis. Ils sont rejoints par les racistes de la droite européenne. Si l’on met de côté les sentiments de culpabilité qui prévalent encore [en Europe] envers la Shoah, ces gens sont les seuls amis sur qui Israël peut compter.
Dès lors que l’amitié pour Israël ne sera plus jugée que sur la base du soutien à l’occupation, Israël n’aura plus pour amis que des racistes et des ultranationalistes. Cela devrait susciter un scandale en Israël : dites-nous qui sont vos amis et nous vous dirons qui vous êtes.
Ces racistes adorent Israël parce que notre gouvernement accomplit leurs rêves : opprimer les Arabes, injurier les musulmans, les déposséder, les expulser, les tuer, démolir leurs maisons et fouler leur honneur aux pieds. Cette bande d’ordures aimerait tant se comporter comme nous le faisons. Mais pour l’instant, cela n’est possible qu’en Israël, lumière des Nations en ce domaine. Où est le temps où les Juifs d’Afrique du Sud étaient jetés en prison avec Nelson Mandela ? De nos jours, les militants juifs d’Amérique soutiennent un autre type de dirigeants : des racistes et des antisémites.
Le sionnisme, “une antithèse du judaïsme”
L’auteure palestino-américaine Susan Abulhawa a écrit ceci sur Facebook :
Les Palestiniens appellent le suprémaciste blanc Steve Bannon un antisémite, tandis que l’AIPAC [lobby américain pro israélien] et Dershowitz pensent qu’il n’est pas si méchant. N’est-ce pas la preuve que le sionisme est une expression du suprématisme blanc et une antithèse du judaïsme ?”
L’été dernier, Abulhawa a été expulsée par le pont d’Allenby [sur le Jourdain]. Comment ne pas lui donner raison ? Les États-Unis et Israël partagent désormais les mêmes valeurs. Et malheur à qui en exprimera un sentiment de honte.