Harcèlements, contraintes en tout genre, limitations de mouvements, confiscations ou destructions de matériel, arrestations et violences révèlent, quotidiennement, la volonté des autorités israéliennes de museler l’information.
Bien entendu, journalistes et médias palestiniens sont les premiers et les plus lourdement touchés mais les rapports de « Reporters sans Frontières » (RSF) révèlent que professionnels et titres étrangers ou israéliens sont également visés.
- Naplouse, avril 2003.
- Le père de l’enfant travaillait pour Reuters. Il a été tué par balles alors qu’il était
nettement identifiable, son camescope professionnel sur l’épaule.
Obstacles à la libre expression : la censure, très dure, est organisée par l’armée et le risque d’incarcération des journalistes palestiniens est permanent. En Israël, les méthodes varient quelque peu : c’est le renvoi d’un animateur radio ayant critiqué les actions dans les Territoires Occupés, c’est la publication d’une brochure destinée aux médias : on ne dira pas « victimes » mais « morts », les colonies seront appelées « localités » ou « bourgades »… Les médias étrangers n’échappent pas aux pressions : ainsi, CNN qui avait parlé, en 2002, de « terrorisme d’Etat » se voit menacée d’être privée de l’utilisation du satellite israélien, au bénéfice de Fox News. La BBC, passant un documentaire sur Sabra et Chatila, est accusée de « véhiculer des propos anti-israéliens et d’encourager le terrorisme ».
Enormes difficultés, aussi, pour se déplacer, bien sûr poussées à l’extrême pour les Palestiniens. Le président du syndicat des Journalistes Palestiniens a son bureau à Jérusalem et ne peut s’y rendre qu’en utilisant des voies de contournement au risque d’être arrêté. Un Palestinien mettra deux heures à atteindre un endroit alors que les journalistes israéliens ou internationaux feront le trajet en quinze minutes et certains lieux leur sont carrément interdits tels que Jérusalem ou Israël. Mais tout n’est pas rose, non plus, pour les étrangers : ce sont des refus d’accréditation, parfois des retenues à l’aéroport avec renvoi dans le pays d’origine. Tous, étrangers ou israéliens, peuvent se voir refuser le passage de barrages militaires, l’entrée dans des villes ou des camps de réfugiés, déclarés zones militaires interdites. L’exemple du camp de réfugiés de Jénine, en avril 2002, est bien connu. Il y eut aussi Bethlehem, Naplouse… villes fermées pendant les « incursions » militaires.
Il y a les difficultés matérielles, énormes pour les Palestiniens : de nombreuses infrastructures ont été détruites et le manque de moyens financiers empêche le remplacement de ce qui a disparu ou de ce qui est obsolète. De plus, les annonceurs se font rares du fait de la crise économique sévère. En 2002, dix radios et chaînes de télévision privées ont été ravagées pendant l’occupation de Ramallah et les pertes sont estimées à 700 000 dollars. Caméras brisées, cassettes confisquées, matériel d’enregistrement mis hors d’usage ou récupéré… tout se voit, tant dans les bureaux des médias que sur le terrain, surtout à l’égard des professionnels palestiniens mais aussi vis-à-vis de journalistes d’autres nationalités.
Ce sont, enfin, les agressions physiques : coups, humiliations, retenues arbitraires, arrestations et détentions administratives, pendant plusieurs mois parfois, blessures par balles et mort. Ce sont, là aussi, les Palestiniens les plus atteints. Mais Israéliens et étrangers ne sont pas à l’abri et c’est un journaliste américain de la chaîne de télévision ABC qui se plaint en ces termes : « il est dur de travailler quand on devient une cible ».
« Reporters sans Frontières » confirme les blessés par balles et les morts. Les versions des « accidents » divergent régulièrement : pour l’armée, il y avait « affrontement en cours » et « balle perdue »… alors que les journalistes blessés ou les témoins d’assassinats font souvent état d’actes délibérément ciblés sur le journaliste ou son véhicule, excluant hasard ou malchance. Lorsque la pression médiatique internationale l’y oblige, l’armée fait « une enquête bâclée et sans suite », selon RSF. Entre septembre 2000 et juillet 2003, « Reporters sans Frontières » dénombre cinq morts et décrit des dizaines d’agressions. L’une d’entre elles, est très significative de la dégradation de la situation : à Tulkarem, sous couvre-feu, un journaliste et un photographe du journal israélien Haaretz ont essuyé des tirs alors qu’ils se déplaçaient à bord d’un taxi immatriculé en Israël.
En Palestine, c’est quotidiennement et par tous les moyens que les journalistes sont empêchés de travailler.