« ’Iman’ en arabe signifie ’foi’. C’est difficile de deviner pourquoi les parents d’Iman al-Hams lui ont donné ce nom, peut être croyaient-ils en leur capacité à persévérer et à être capables de vivre et de se développer malgré l’occupation, l’exil et la déchéance. Cette croyance a été enterrée avec Iman à Rafah. »
Selon les témoignages de soldats appartenant à la même compagnie donnés au quotidien populaire Yedioth Aharonoth, un soldat dans une tour de guet a identifié Iman et a prévenu son commandant en criant : « ne tirez pas, c’est une petite fille ».
Le commandant de la compagnie, témoignent les soldats, « s’est approché d’elle, lui a tiré deux balles dans la tête, est revenu vers son secteur, puis s’est retourné vers elle, a mis son arme sur automatique et a vidé tout son chargeur sur elle » [1].
Les témoins ont corroboré les déclarations des soldats, disant que Iman a été tuée à presque 70 mètres des positions de l’armée israélienne. Après qu’une balle l’ait atteinte à la jambe, Iman qui portait son uniforme de l’école, est tombée. Puis, disent-ils, l’officier s’est approché d’elle, a vu qu’elle saignait, mais il lui a quand même tiré deux balles dans la tête afin de « confirmer la mort », un euphémisme israélien qui consiste à exécuter un Palestinien blessé. Une enquête superficielle de l’armée a plus tard déclaré que le commandant avait eu une conduite « non éthique », et comme de coutume, l’a suspendu seulement à cause de « ses mauvaise relations avec ses subordonnés ». [2]
En un éclair, Israël a prouvé encore une fois au monde qu’il n’est pas seulement inébranlable dans sa violation permanente et flagrante de la loi internationale, mais qu’il est également incapable d’adhérer aux principes les plus fondamentaux du comportement moral.
Trois autres enfants, presque du même âge qu’Iman, ont été tués ces dernières semaines alors qu’ils étaient en classe dans des écoles dirigées par les Nations Unies.
Ils n’ont pas été pris dans des tirs croisés. Ils n’ont pas été pris par erreur pour des adultes. Ils ont été tués et cela fait partie du plan manifeste d’Israël de punir collectivement les civils palestiniens pour des actes de résistances commis à partir de leurs localités dans le but de provoquer des frictions internes et du ressentiment vis-à-vis des mouvements de résistance.
Pendant les dernières incursions atroces sur Jabalya par exemple, officiellement pour empêcher des tirs de roquettes rudimentaires Qassam, les forces israéliennes ont détruit des maisons, des vergers, l’infrastructure, les canalisations d’eau et d’électricité d’une manière que les Nations Unies ont qualifiée « d’injustifiée » et « d’aveugle ». Et de crainte que les gens n’aient pas compris le message, des tracts ont été jetés par hélicoptères sur le Nord de la Bande de Gaza, avertissant les Palestiniens que « le terrorisme vous pousse encore plus vers une vie de misère et de pauvreté » [3] Et les tracts ont oublié de mentionner que les "enfants aussi seront traqués ".
Mais pourquoi, quelqu’un pourrait-il rétorquer, devrions nous juger Israël sur cet seul incident, aussi horrible soit-il ? Un regard rapide sur les dossiers israéliens récents des ciblages intentionnels d’enfants palestiniens donnerait une réponse convaincante. Le fait que plus de six cents vingt enfants palestiniens aient été tués par Israël ces quatre dernières années montrerait que l’assassinat d’Iman n’était pas une aberration mais la règle.
Un coup d’oeil sur l’utilisation du langage peut être l’indicateur le plus juste pour apprécier l’effondrement moral d’une sociét ; ce langage révèle le degré de racisme qui a saisi Israël. Les exutoires des média, des politiciens et même des intellectuels se sont accordés pour stigmatiser les enfants palestiniens durant toute l’Intifada, en tant « qu’ennemis », « animaux », « harcelant les attaquants » et « terroristes ».
Le motif principal derrière cette déshumanisation en parlant des enfants, est la croyance qui prévaut dans l’opinion générale en Israël que les Palestiniens représentent, plus que toute autre chose, un danger imminent dont il faut s’occuper.
Ils incarnent un peuple né avec une prédisposition au terrorisme, comme s’il était atteint d’un mystérieux désordre génétique. Un enfant est donc un terroriste en devenir, une bombe à retardement. Des études faites par des démographes israéliens reconnus trahissent souvent cette attitude.
Même certains officiels de l’armée sont scandalisés par les tueries délibérées. Le journal Ha’aretz a cité un officier supérieur disant : « Personne ne pourra me convaincre que nous n’avons pas tué inutilement des douzaines d’enfants » [4]. Ce sont plutôt des centaines d’enfants. Certains des exemples les plus révélateurs aideront à prouver cette déclaration.
Lors de la première année de l’Intifada, plusieurs organisations des droits humains dont les « Physicians for Human Rights » basés à Boston, ont mis en évidence un modèle montrant que des tireurs d’élite israéliens visaient les yeux ou les genoux des enfants palestiniens dans « l’intention claire de les blesser ».
Le professeur d’université de Tel Aviv, Tanya Reinhart, écrit : « Une pratique habituelle consiste à tirer droit dans l’œil avec des balles de métal recouvertes de caoutchouc -un petit jeu de soldats bien entraînés, qui demande un maximum de précision » [5]. Ces snipers ne voyaient évidemment pas au-delà de leur petite cible brillante, le visage, la personne, l’enfant humain, et ils les ont atteint avec « professionnalisme ».
Un journaliste du New York Times a passé deux semaines à surveiller à un « flashpoint » à Gaza, les « clashes » entre les enfants palestiniens munis de pierres et de lance-pierres et l’armé israélienne avec ses tanks et son équipement de précision. Il a écrit : « Aucun soldat israélien n’a jamais semblé être en danger mortel pendant tout le temps de ma présence à Karni. Et aucun soldat ni colon n’a jamais été blessé. Pendant cette période, au moins 11 enfants palestiniens ont été tués en plein jour » [6] par des balles réelles.
Des enfants palestiniens ont été mortellement blessés lors d’incidents mineurs de jets de pierres par des tireurs embusqués israéliens entraînés professionnellement qui ne tirent que pour « atteindre la tête ». Car si un tireur embusqué tire, « il tire certainement dans l’optique de tuer » comme cela est apparu à travers l’interview de la journaliste de Ha’aretz, Amira Hass [7], auprès d’un tireur embusqué de tendance de gauche pendant les premières périodes de la présente Intifada. « Ardeur à tirer », manque de retenu, « s’ennuyer » ou même « être fatigué » étaient parmi les excuses principales qu’il a donné pour justifier la politique de son armée : tirer pour tuer.
Tout en parlant de nombreux exemples d’enfants palestiniens morts ou gravement blessés, Hass a demandé au tireur embusqué si lui et ses collègues avaient volontairement ciblé des enfants. Niant vigoureusement cette accusation, il a souligné : « Vous ne tirez pas pour tuer sur un enfant de 12 ans ou moins…Mais douze et au-dessus de douze, c’est permis. Ce n’est plus un enfant…Douze et plus, vous avez le droit de tirer. C’est ce que notre commandant nous dit » .
Le journaliste vétéran Chris Hedges est allé encore plus loin, en montrant comment les troupes israéliennes insultent systématiquement et provoquent les enfants palestiniens jouant dans les dunes au Sud de Gaza afin de leur tirer dessus. Il a écrit dans le Harper Magazine [8] :« Les garçons (dont la plupart n’ont pas plus que 10 ou 11 ans) s’élancent en petits groupes le long des dunes inclinées vers la barrière électrique qui sépare le camp de la colonie juive.
Ils lancent des pierres vers les deux jeeps blindées avec hauts parleurs qui sont garées en haut de la dune…Une grenade à percussion explose. Les garçons… se dispersent, courant maladroitement à travers le sable lourd. Ils descendent se mettant hors de vue derrière un monticule de sable qui est devant moi. Les tirs ne font pas de bruit. Les soldats tirent avec des silencieux. Les balles des armes M-16 pénètrent encore et encore dans les corps frêles des enfants. Plus tard, à l’hôpital, je vois la destruction : les ventres ouverts et lacérés, les trous béants aux torses et aux membres. »
« Hier à cet endroit même, les Israéliens ont touché huit enfants… six avaient moins de 18 ans ; l’un d’eux avait 12 ans…On a tiré sur des enfants dans d’autres conflits que j’ai couverts : des escadrons de la mort les abattaient au Salvador et au Guatemala, des mères avec leurs bébés étaient alignées et massacrées en Algérie, et des snipers serbes visaient des enfants et les regardaient s’effondrer sur les pavés de Sarajevo.
Mais jamais auparavant je n’ai vu des soldats attirer des enfants comme des souris dans une trappe pour les assassiner sur place ».
Une autre analyse de la tuerie d’enfants palestiniens, est celle dont parle Gideon Levi : une autre forme de mort lente : le siège de type médiéval.
Quand une fillette de 10 ans du village d’El-Sawiya près de Naplouse a commencé à ressentir de violentes douleurs à l’abdomen, son père a essayé de l’emmener à l’hôpital le plus proche à Naplouse. Mais le siège israélien sans merci avait bloqué toutes les routes possibles pour sortir du village. Ella est morte au matin d’une péritonite qui aurait facilement pu être soignée dans n’importe quel hôpital. [9]
Que ce soit aux check-points, dans leurs salles de classe, dans leurs salons ou dans les rues, les enfants palestiniens ont perdu toute immunité dont ils auraient pu bénéficier sous une occupation qui avait auparavant été particulièrement sensible à son image auprès de l’opinion occidentale. Hélas, cela se passait avant le 9/11.
Depuis lors, avec « l’israélisation » de la politique étrangère des Etats Unis, surtout au Moyen Orient, les Israéliens ont senti qu’ils avaient « une aubaine », ainsi Netanyahu définissait-il les crimes du 9/11 lors de sa réaction publique.
En effet, Israël s’est petit à petit rapproché du modèle colonial français en Algérie et du modèle de l’apartheid en Afrique du Sud tout en bénéficiant de la protection sans faille du nouvel empire et d’une attitude hypocrite et accommodante de la plupart des gouvernements européens qui continuent à traiter Israël comme un partenaire privilégié et un poste avancé de l’Occident au Proche Orient. A cause de cette collusion honteuse, les enfants palestiniens ne sont plus épargnés par les pires crimes d’Israël commis dans une impunité révoltante.
Quand une nation tolère, et même encourage (en n’enquêtant pas correctement sur les tueries et en ne punissant pas les acteurs), l’assassinat de sang-froid et délibéré d’un enfant sans défense sous prétexte de sécurité, cette nation ne perd pas seulement toute revendication à une morale qu’elle aurait eu dans le passé, mais elle tue également tout argument restant quant à son mérite à continuer à exister, en étant un état raciste et colonial qui se place au-dessus de la loi.
C’est de la responsabilité de l’humanité en général et de l’occident en particulier, d’imposer des sanctions et des boycotts à Israël semblables à ceux imposés dans le passé à l’Afrique du Sud afin de forcer Israël à plier aux règles de la loi internationale et aux principes moraux universels toujours en évolution.
’Iman’ en arabe signifie ’foi’. C’est difficile de deviner pourquoi les parents d’Iman al-Hams lui ont donné ce nom, peut être croyaient-ils en leur capacité à persévérer et à être capables de vivre et de se développer malgré l’occupation, l’exil et la déchéance. Cette croyance a été enterrée avec Iman à Rafah.
Avec l’occupation, il n’y a pas de place pour une paix réelle, pour le progrès, pour une vie décente ou pour tout sentiment de sécurité.
Les enfants palestiniens méritent de vivre, méritent la liberté, la dignité et l’espoir.
Et tout au moins, ils ne méritent pas d’être exécutés par « la seule démocratie » de la région.