Alors que Sharon a conforté son alliance avec les travaillistes autour du retrait de Gaza, le Likoud était au bord d’une scission. En Palestine la tension interne commence à prendre la forme d’affrontements armés.
Tout ceci nécessite de rappeler la responsabilité d’Israël dans le cycle de violence comme choix stratégique, l’objectif politique central de Sharon étant d’empêcher la naissance d’un Etat palestinien souverain, de coloniser la Cisjordanie et d’empêcher toute négociation politique. La condamnation de cette politique est nécessaire et nous l’avons clairement exprimée.
Ceci ne nous dispense pas de nous interroger sur la stratégie politique du Hamas quand il attaque au hasard à partir de Gaza le territoire israélien, quand il exécute à l’irakienne un otage israélien montré en vidéo avant d’être tué et quand il annonce qu’il s’agit du début d’une longue série de prises d’otages.
Je crois que l’on peut avancer quelques remarques. D’abord ce qui a été fait à l’otage israélien Nuriel, industriel de la colonie de Pisgat Zeev enlevé à Jérusalem, (exécution précédée d’un film macabre) est totalement contraire aux règles les plus élémentaires du droit et des droits humains. De même que nous condamnons l’Autorité palestinienne lorsqu’elle exécute des Palestiniens accusés de collaboration, nous devons condamner Hamas pour cette « justice sommaire ».
D’autre part, il y a eu le défilé militarisé du Hamas et il est vite apparu que l’explosion meurtrière qui est survenue à cette occasion a été la conséquence d’une négligence coupable des organisateurs. Immédiatement le Hamas, au lieu de reconnaître son erreur, a donné l’ordre de lancer ses Qassam sur Sdérot, c’est-à-dire en territoire israélien et visant la population civile, ce qui, contrairement à la lutte armée dans les territoires occupés, est contraire au règles du droit international mais qui de plus ne pouvait que déclencher une réaction massive et brutale israélienne contre la population civile palestinienne. Ainsi, il a donné à Ariel Sharon un prétexte recherché pour reprendre ou accentuer les bombardements, les arrestations et les assassinats ciblés. Hamas ne pouvait pas ne pas savoir et prévoir que la riposte israélienne frapperait durement ses cadres militants et la population palestinienne.
Du même coup, Hamas, comme souvent dans le passé, a fait irruption dans la campagne pré-électorale israélienne, Sharon faisant immédiatement une manifestation de force par une riposte militaire d’une grande violence, ce qui lui a permis de gagner la majorité du Likoud alors qu’il était considéré comme perdant et de le ressouder derrière lui.
Ainsi le comportement du Hamas apparaît problématique. Pourtant il semble qu’il ait abandonné ses précédentes positions « radicales » nationalistes-religieuses (installation d’un Etat islamique sur toute la Palestine historique) pour s’intégrer dans le processus démocratique-électoral et qu’il ait admis la possibilité d’un Etat palestinien à côté d’Israël sur les frontières de 67.
La population palestinienne nourrit à ce sujet, selon les sondages récents, des sentiments ambivalents. D’un côté elle condamne majoritairement une stratégie qui la livre à la terreur israélienne ; de l’autre, l’absence de perspective politique l’incite à douter de la validité de la stratégie politique de l’ANP. Celle-ci est par ailleurs accusée de n’être pas capable de protéger la population face aux risques que lui fait courir la concurrence des groupes armés et de ne pas mettre en œuvre un véritable système judiciaire efficace.
En l’état des choses, les pratiques actuelles du Hamas paraissent lourdes de dangers. On peut les caractériser comme une forme d’aventurisme militaire qui renforce la droite extrême en Israël et a des conséquences très graves aussi pour la population palestinienne elle-même. Certains voient dans les déclarations de Mahmoud Zahar, le chef du Hamas à Gaza, comme une reconnaissance de responsabilité lorsqu’il dit : « nous demandons à nos groupes militaires d’arrêter leurs opérations (lancement de fusées à partir de Gaza) contre l’ennemi (Israël). Nous demandons à nos gens de protéger ceux qui ont les armes de la résistance qui ne seront utilisées que face à l’occupation. Nous répétons notre engagement de mettre fin à toutes les parades militaires. » Pour le moment, ce qu’a fait Hamas a porté un coup à l’image du mouvement national et par conséquent à la solidarité internationale qui doit se développer autour de lui.