Dépaysement garanti pour une poignée d’enfants. Jusqu’au lundi 16 juillet, dix jeunes Palestiniens sont hébergés dans des familles de Gennevilliers. Une opération identique est organisée dans d’autres villes du réseau Barghouti, du nom de l’homme politique palestinien emprisonné à vie en Israël pour cinq meurtres -qu’il nie avoir commis. Âgés de 11 à 14 ans, ces gamins ont un point commun : leur père ou un membre de leur proche famille est emprisonné en Israël.
Après un week-end dans leur foyer d’accueil, ils se sont retrouvés au club ados Jean-Vigo pour un premier contact avec les jeunes Gennevillois, avec qui ils peuvent échanger en arabe. Ce mardi soir, ils seront officiellement reçus en mairie. Jeudi, c’est la journée de rassemblement pour la centaine de jeunes qui ont fait le voyage et séjournent dans la région : expédition à La Courneuve-plage le matin et escapade parisienne avec rassemblement à 14 heures devant le Mur de la Paix, sur le Champ de Mars. « Ils vont aussi au Parc Astérix vendredi », ajoute un animateur.
« En France, les enfants peuvent grandir normalement, pas nous »
D’ici là, ils prennent leurs marques. Aucun d’eux n’a fait partie du groupe venu il y a deux ans. Raghd, 13 ans, a trois frères en prison. Pour elle, la vie qu’elle découvre en France est simple. « Je veux vivre ce que vit n’importe quel enfant, lâche la jeune fille. Ici, on peut sortir, bouger. Là-bas, on risque une balle. » « En France, les enfants peuvent grandir normalement, pas nous, ajoute Remas. J’ai 14 ans et mon père est en prison depuis toujours. Je ne l’ai plus vu depuis l’âge de deux ans. C’est dur… »
Les regards sont à la fois graves et saturés de curiosité. Un jeune arbore un T-shirt qui se passe de commentaire : le slogan Palestine libre surmonte sur le drapeau palestinien orné du portrait du Che Guevara. Quand ils prennent la parole, l’évidence saute aux yeux, ces enfants ont mûri vite, très vite. « C’est beau la France, lance Naim, 13 ans. J’espère qu’un jour en Palestine, on aura la même liberté. On nous a retiré le droit de grandir et de vivre comme d’autres enfants. Ici, il y a plein de choses pour nous. Là-bas, on est obligé de jouer dans la rue… »
« Le but est de confronter nos jeunes à une autre réalité »
Dans une salle du Club ados, une partie de Uno bat son plein. Chaïma, 14 ans, de Gennevilliers, n’a pas attendu le planning des activités pour faire connaissance avec les nouveaux venus. « Le premier contact s’est fait tout seul, très naturellement, commente l’adolescente. J’ai envie d’en apprendre plus sur eux, sur ce qu’ils vivent, leur quotidien. Je pense que ces quelques jours avec eux peuvent nous faire grandir… »
« On a envie que leur séjour ici leur permette de respirer un peu, que cela les apaise », explique à son tour Farah. « Moi, j’ai envie de découvrir leur culture, leurs habitudes, ce qu’ils mangent aussi. Et surtout qu’ils repartent avec un bon souvenir de la France. », poursuit Manel.
« Le but est de confronter nos jeunes à une autre réalité, précise Ridha Guessoum, chargé des relations internationales à Gennevilliers. On parle bien d’ouverture aux autres, mais pas question de les faire culpabiliser ».
Le réseau Marwan Marghouti
Le réseau Barghouti est constitué d’une trentaine de villes qui ont élevé Marwan Barghouti (ou un autre prisonnier politique) au rang de citoyen d’honneur.
Marwan Barghouti est un homme politique palestinien, aujourd’hui âgé de 59 ans. A 15 ans, il rejoint le Fatah de Yasser Arafat. Très actif, notamment pendant la seconde Intifada, il est arrêté en 2002. Ce diplômé en sciences politiques qui n’a jamais caché son soutien à la lutte armée tout en se déclarant opposé aux attentats aveugles, est condamné en 2004 à la prison à vie pour cinq meurtres qu’il nie avoir commis. Il est incarcéré dans une prison de haute sécurité.
Le réseau Barghouti est né en France en 2009, un an après que la ville de Stains l’a fait citoyen d’honneur de la ville, tout comme Gennevilliers quelques années plus tard. Le réseau Barghouti compte les villes d’Aubervilliers, Stains, Bondy et La Courneuve en Seine-Saint-Denis, de Gennevilliers, de Valenton, Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, Bezons dans le Val-d’Oise et de La Verrière (Yvelines).
Le réseau comprend aussi Creil et Montataire dans l’Oise, Chalettes-sur-Loing (Loiret), Allonnes (Sarthe), Brignoles (Var), Coulounieix-Chamiers et Trelissac dans la Dordogne, Avion et Grenay dans le Pas-de-Calais, Douchy-les-Mines, Fourmies et Haveluy dans le Nord, Elne (Pyrénées-Orientales), Unieux (Loire) ainsi que Vandœuvre et Villerupt en Meurthe-et-Moselle.