Les pays appartenant à la zone paneuromed [1] ont signé les uns avec les autres et avec l’Union européenne divers accords commerciaux. S’y ajoutent une multitude de protocoles bilatéraux concernant les « règles d’origine », soit les règles déterminant l’origine des produits entrant sur le territoire de l’UE. Le Conseil européen ayant décidé de remplacer ces protocoles par une convention régionale unique, le Parlement a adopté une résolution dans laquelle il soutient cette initiative tout en soulevant un certain nombre de problèmes, essentiellement liés au cas israélien.
Le premier concerne « la mise en œuvre par Israël de l’accord d’association conclu avec l’UE dans les territoires occupés (qui) a entraîné une application inadéquate du droit de l’Union » (H). En effet, le régime tarifaire privilégié accordé en vertu de cet accord n’est pas applicable aux produits fabriqués dans « les colonies de peuplement… illégales au regard du droit international (F) » mais seulement aux opérations de production se déroulant sur « le territoire de l’Etat d’Israël, reconnu par la communauté internationale » (L).
D’où la nécessité de disposer d’un mécanisme permettant d’opérer la distinction de manière simple, fiable et efficace. Or, l’arrangement technique bilatéral conclu avec Israël ne fonctionne pas de manière satisfaisante, en plus de n’être pas contraignant. En particulier, les procédures prévues « ne prévoient pas de communication du résultat des distinctions opérées par les autorités israéliennes et les exportateurs » aux autorités douanières » (15).
Cette absence de coopération complique le travail de ces dernières, responsables de la vérification sur le terrain de l’origine des produits. « Malgré tous leurs efforts, les autorités douanières ne sont pas en mesure de vérifier et de contrôler ni toutes les preuves de l’origine ni le contenu de tous les envois provenant d’Israël » (N). A cette capacité insuffisante, s’ajoute une sensibilisation limitée à la nécessité de respecter l’esprit de l’arrêt rendu, le 25 février 2010, par la Cour européenne de justice dans l’affaire Brita [2].
La moitié des considérations (9 sur 20, numérotées de A à S) [3] sur lesquelles les parlementaires fondent leur prise de position concerne les problèmes que l’on vient d’évoquer.
Les éléments positifs
- Prise en compte de la volonté des citoyens : « Considérant que les citoyens européens ont clairement fait part de leur volonté en ce qui concerne les produits provenant des territoires palestiniens occupés » (I).
- condamnation des pratiques abusives des entreprises israéliennes qui exportent des produits fabriqués dans les colonies en trompant les autorités douanières sur l’origine des produits : Le Parlement « s’inquiète vivement des pratiques utilisées par certaines entreprises qui persistent à tirer parti des dispositions de l’accord d’association UE-Israël en exportant des bien produits dans les territoires occupés ; déplore cette pratique et estime qu’elle est contraire aux politiques internationales de l’Union et représente une utilisation abusive des vastes possibilités qu’offre l’accès préférentiel légitime au marché intérieur de l’Union ». (10)
- demande d’établissement d’une liste noire de ces entreprises, avec communication aux Etats membres : Le Parlement « demande dès lors à la Commission de dresser une liste noire des entreprises qui continuent à recourir à cette pratique et d’en informer les Etats membres » (10)
- demande de remplacement du mécanisme actuel d’arrangement technique avec Israël par un mécanisme plus satisfaisant : Le Parlement « appelle la Commission à coopérer avec les autorités douanières des Etats membres pour trouver une solution visant à faire de cet arrangement technique un mécanisme simple, efficace et fiable » (15).
- Souhait de voir les Etats membres et la Commission jouer un rôle plus important : « La commission devrait prendre l’initiative en coordonnant les efforts consentis à l’échelle de l’Union » et les Etats membres devraient « s’assurer que leurs autorités douanières appliquent effectivement l’arrangement technique et respectent l’esprit de l’arrêt rendu par la Cour de justice » (17).
Aspects négatifs : absence de sanctions
Mis à part l’établissement d’une liste noire des entreprises israéliennes qui contreviennent à l’accord d’association (en passant, cette liste devrait être rendue publique et pas seulement communiquée aux Etats membres), les parlementaires ne réclament pas l’application de sanctions à l’égard de l’Etat d’Israël.
Cela, nonobstant le rappel du caractère illégal des colonies et l’espoir qu’ils placent dans l’avènement des nouvelles démocraties arabes :
Le Parlement « espère que les nouvelles démocraties qui vont voir le jour dans la région au lendemain du Printemps arabe vont promouvoir les droits de l’homme et les droits sociaux et renforcer le dialogue politique, de manière à créer un environnement plus favorable aux échanges intra-régionaux dès lors que le manque d’échanges était une des conséquences des politiques mises en œuvre par les régimes dictatoriaux antérieurs… » (4)
Quid des anciennes démocraties ? La colonisation et l’occupation israéliennes qui se poursuivent – en s’intensifiant – depuis plus de 40 ans maintenant sont-elles plus favorables au développement économique et social d’une population que les régimes dictatoriaux que les parlementaires européens condamnent implicitement ? Israël ne viole-t-il pas quotidiennement l’ensemble des droits et libertés fondamentales des Palestiniens ? Enfin, l’accord d’association UE-Israël n’est-il pas subordonné au respect des droits de l’homme par Israël ?
En conclusion,
Une résolution insuffisante. Mais, le constat sur l’actuel régime des règles d’origine et l’efficacité de la nouvelle convention à résoudre les problèmes posés confirment la légitimité de notre action de boycott des produits fabriqués dans les colonies et de notre demande d’embargo total sur ces produits [4].
En effet, les parlementaires utilisent bien le terme « utilisation abusive » lorsqu’ils dénoncent les pratiques de certaines sociétés israéliennes. Abusive pourquoi ? Parce que les entreprises fautives tentent d’exporter leurs produits vers les Etats membres de l’UE en les présentant comme fabriqués en Israël alors qu’ils le sont dans les colonies. Elles le font en essayant de tromper les autorités douanières.
Les parlementaires ne mentionnent pas la duperie à l’égard des consommateurs. Mais, si les services douaniers sont abusés par les documents administratifs présentés par les importateurs, les consommateurs sont également trompés par les mentions "origine Israël" affichées frauduleusement sur ces produits.
Pour en savoir plus :
[Texte de la résolution du Parlement européen-> http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0060+0+DOC+XML+V0//FR
Analyse détaillée de la résolution du Parlement européen concernant la nouvelle Convention régionale sur les règles d’origine proposée par le Conseil européen :