Surprise, cet après-midi-là, sur une plage publique du pays. Mégaphone en main et haut perchée dans la cabine des maîtres-nageurs, Miri Regev, la très Likoud ministre de la Culture, s’adresse à la foule des baigneurs : « Bonjour à tous ! Je suis venue vous dire que nous sommes là, sur la plage, avec notre studio ambulant. De là où je me trouve, je vois de nombreuses voix flottantes, et cela m’inquiète. Allez du côté des choses sûres. À droite toujours ! » Il lui est pourtant interdit d’utiliser des fonds publics à seule fin de propagande électorale, mais, en ce moment, ce qui compte, c’est la pêche aux voix.
Comment faire campagne dans la torpeur de l’été ? Le studio ambulant de la ministre est une réponse parfaite au casse-tête des partis politiques. Il permet de s’éloigner des politiciens et des débats tonitruants à la télé et sur les réseaux sociaux. Bleu-Blanc, la formation rivale du Likoud, avait eu une autre idée : installer de grands panneaux à l’aéroport Ben-Gourion. Mais, devant le refus des responsables aéroportuaires, les dirigeants de ce parti n’ont pas baissé les bras : ils ont choisi Chypre, l’une des destinations les plus prisées des Israéliens. À Larnaca, les voyageurs venus d’Israël ont donc eu la surprise de voir de grands panneaux électoraux avec, en hébreu, ce simple slogan : « Israël avant tout. Votez Bleu-Blanc ! »
Des pratiques très « disruptives » qui égayent une campagne classique avec ses petites phrases assassines entre camps opposés, mais aussi à l’intérieur des blocs. Derniers exemples en date : le chef du Parti travailliste, Amir Peretz, qui a fait alliance, rappelons-le, avec Gesher – droite sociale – d’Orly Levy-Abecassis, est attaqué sur sa gauche, où on affirme déjà que, après les élections, il trahira et s’alliera avec le Likoud de Netanyahou.
Au sein du bloc de droite, on assiste à un tir nourri entre l’ex-ministre de la Justice Ayelet Shaked, aujourd’hui la dirigeante de Yemina (« À droite » en français), et Miri Regev. Toutes deux se traitent mutuellement d’opportunistes. Shaked accuse Regev d’avoir empêché son entrée au Likoud, il y a quelques mois, après son échec électoral, en avril dernier. Pas en reste, Miri a répondu : « C’est Netanyahou qui n’a pas voulu d’elle au Likoud, car il n’avait pas confiance. »
Soufflé
Et pourtant ! On a bien cru, ces derniers jours, que s’en était fini de la torpeur estivale en raison de deux « affaires » potentiellement explosives. D’abord, ce scoop publié par le quotidien indépendant Haaretz : Ayelet Shaked (encore elle) aurait dépêché des émissaires chargés d’offrir au Premier ministre une sorte de marché gagnant-gagnant : en échange d’une bonne place sur la liste Likoud – ce qui permettrait, en cas de victoire, à Mme Shaked de retrouver son poste de ministre de la Justice –, M. Netanyahou bénéficierait de l’immunité dans les trois affaires de corruption dont il est accusé. Pour mieux faire valoir le bien-fondé du marché, les émissaires auraient même laissé entendre que le conseiller juridique du gouvernement, Avichaï Mandelblit, qui est aussi le procureur général, était « dans la poche » d’Ayelet Shaked. Petit rappel : c’est ce même M. Mandelblit qui entend mettre Benyamin Netanyahou en examen. La décision définitive devrait être prise après une audience avec les avocats du Premier ministre au début de mois d’octobre.
Les protagonistes, Mme Shaked et M. Netanyahou, ont démenti. Les appels de la gauche pour l’ouverture d’une enquête en bonne et due forme dans ce qui paraît être une tentative de corruption sont restés sans effet. Et le soufflé de retomber aussi vite qu’il était monté.