Pendant que de violents affrontements continuent de déchirer la Syrie et l’Irak, des millions de personnes déplacées pâtissent toujours des conflits au Liban, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Les ressources hydriques et les systèmes vieillissants d’alimentation en eau approchent du point de rupture, selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) rendu public le 25 mars 2015, ce qui augure d’une crise humanitaire sans précédent dans toute la région.
• L’eau « humanitaire » est-elle potable ?
• Quand l’eau tue
• L’eau dans les pays en guerre
• L’environnement, entre guerre et paix
• Un enjeu vital pour la Palestine
Extrait ci dessous pour le chapitre Palestine
Pour lire l’article complet,
cliquez ici
Faute d’infrastructures adaptées, de nombreux pays ne parvenaient pas, jusqu’à la récente phase de conflits généralisés, à répondre correctement aux besoins en eau de populations urbaines toujours plus nombreuses, et à la demande croissante de denrées alimentaires. Mais aujourd’hui, avec 7,6 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie et 3,8 millions de Syriens réfugiés dans les pays voisins et, par ailleurs, 2,5 millions de personnes déplacées en raison des combats en Irak, la situation est plus critique encore, comme en atteste l’explosion des demandes d’asile dans les pays riches.
Des précipitations historiquement faibles, le tarissement des aquifères, la surexploitation de ressources limitées et les effets dévastateurs des conflits rendent l’accès à l’eau de plus en plus difficile dans la région. Pire encore, pour des raisons militaires ou politiques, les belligérants détruisent les infrastructures ou interrompent délibérément l’approvisionnement en eau et en électricité. La destruction d’une centrale électrique, comme cela s’est produit à chaque opération israélienne contre la bande de Gaza, peut ainsi avoir un impact très lourd sur le traitement des eaux usées, la disponibilité et la qualité de l’eau, ou le fonctionnement des structures de santé.
Dans bien des cas, les eaux usées ne sont pas traitées correctement et constituent une grave menace pour la santé de populations déjà vulnérables. Par ailleurs, et pour le seul cas de la Syrie, les responsables locaux estiment qu’en 2014, les fuites provoquées dans le réseau par les dégâts dus au conflit ont entraîné la perte de quelques 60 % de la quantité d’eau pompée.
Or la communauté humanitaire, comme le reconnaît le CICR, n’est pas en capacité de répondre aux besoins des populations en venant se substituer aux services, ou en offrant des solutions de fortune. En 2014, l’action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au Proche-Orient a cependant permis à 9,5 millions de personnes d’avoir accès à l’eau après des réparations d’urgence ou la réhabilitation de systèmes d’approvisionnement, 600 000 personnes ont reçu de l’eau acheminée par camions-citernes ou distribuée en bouteilles, et 1,1 million ont bénéficié des améliorations apportées aux installations de stockage ou de distribution d’eau.
Un enjeu vital pour la Palestine
La guerre de l’eau entre Israël et la Palestine est au cœur du conflit actuel. Israël contrôle tout le système de l’eau des territoires occupés, et y organise un partage délibérément inégal des ressources, dont plus de 75 % sont détournées, notamment au profit des colonies. La consommation moyenne en eau par habitant d’un Israélien est ainsi cinq fois plus importante que celle d’un Palestinien. Outre le rationnement, les Palestiniens sont aussi constamment victimes des destructions de puits, de canalisations d’eau et d’assainissement, par l’armée israélienne.
La surexploitation des puits dans la bande de Gaza a entraîné une pollution et une salinité qui y rendent l’eau impropre à la consommation domestique. Le contingentement de l’eau imposé par Israël rend ainsi tout développement impossible dans les territoires occupés, menaçant la survie des Palestiniens et source de graves problèmes sanitaires. De très nombreuses villes et villages palestiniens souffrent ainsi d’un important déficit en eau, en raison du bouclage des territoires occupés, des réoccupations incessantes des villes, des fermetures à répétition des check-points. Avec, pour conséquences, l’impossibilité pour ces villes de se fournir en pièces de rechange pour les pompages, et pour les villages non reliés au réseau de disposer d’un approvisionnement régulier en citernes…
Les colons israéliens empêchent, par leurs attaques chroniques, l’approvisionnement des citernes auprès des sources habituelles (point d’accès au réseau) des Palestiniens. Avec l’appui ouvert de l’armée, ils détournent à leur profit l’eau du réseau, provoquant des coupures dans les villages palestiniens, dont ils détruisent même parfois les canalisations qui les alimentent.
Par ailleurs, les très nombreux puits forés à proximité des villes et villages palestiniens au bénéfice des colonies israéliennes, pèsent non seulement sur la quantité d’eau disponible, mais aussi sur sa qualité. Dans la bande de Gaza, les puits israéliens, trop profonds, ont provoqué l’infiltration d’eau de mer dans la nappe phréatique, augmentant considérablement la teneur en sel et en nitrate des eaux palestiniennes.
La bande de Gaza est écologiquement morte. Dans le sud de la bande, les gens boivent une eau croupie, impropre même à l’agriculture, à cause d’une quantité élevée de nitrate. En raison des coupures incessantes du réseau, et de ces problèmes, le prix de l’eau acheminée en citernes n’a cessé de monter. Une famille palestinienne dépense ainsi jusqu’à 15 à 20 % de son revenu pour s’alimenter en eau, ce qui engendre des difficultés énormes pour satisfaire les besoins vitaux. Beaucoup de pompes ne marchent plus, faute de ressources en fuel. Et les soldats israéliens tirent fréquemment sur les citernes placées sur les toits des habitations situées près des check-points. L’impact sanitaire est catastrophique.
Dans les hôpitaux palestiniens, la situation n’est gère plus reluisante. La pénurie d’eau, qualitative et quantitative, favorise en amont la propagation des maladies et empêche en aval leur traitement efficace. Le simple contact avec de l’eau polluée a accru, ces dernières années, la fréquence des maladies infectieuses : diarrhées, infections du tube digestif et des intestins. L’insuffisance en eau provoque, quant à elle, carences et déshydratation.
L’eau, stockée dans des réservoirs, stagne et devient impropre à la consommation. Dans de nombreux cas, les familles palestiniennes lavent tous leurs ustensiles domestiques dans un unique récipient et sont incapables d’assurer une hygiène appropriée à leurs enfants.
Et pourtant, Israël et les territoires ne manquent pas d’eau, expliquait Amira Hass, dans un article provoquant, titré « C’est comme ça qu’Israël exporte de l’eau vers la Suisse », relayant l’analyse de Clemens Messerschmidt, un hydrogéologue allemand qui fait un sort à plusieurs mythes, et agace aussi bien Israéliens et Palestiniens : « A Jérusalem, tombent davantage de précipitations qu’à Berlin, et à Ramallah plus qu’à Paris. Le problème, c‘est le gaspillage. Par exemple, lorsqu’on utilise l’eau pour cultiver des fleurs qu’on exporte vers l’Europe. »
Aujourd’hui, la guerre de l’eau se poursuit, et prend même une forme nouvelle après le refus récent des autorités israéliennes de connecter une nouvelle ville palestinienne, dont la construction vient de s’achever, au pipeline qui pourrait l’alimenter…
Peu avant, une douzaine d’experts et de « blogueurs influents » français dans le domaine de l’eau étaient invités par le B’nai B’rith France et The Face of Israël à découvrir du 24 au 29 janvier 2015 les « pôles d’excellence » israéliens dans le domaine de l’eau et de l’agriculture durable.
Une invitation qui nous a été adressée, et à laquelle nous n’avons pas donné suite.