La crise politique et sécuritaire des dix derniers jours, qui a commencé par l’escalade de la tension autour du Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées) à Jérusalem et qui s’est poursuivie par un grave incident à l’Ambassade israélienne en Jordanie, une sorte de rediffusion en avance rapide des deux grands traumatismes du Premier Ministre Benjamin Netanyahu au cours de son premier mandat : les émeutes qui ont suivi l’ouverture du tunnel du Mur des lamentations en septembre 1996 et la tentative d’assassinat, à Amman, du haut dirigeant du Hamas, Khaled Meshal, un an après.
Comme le dit le proverbe, l’histoire ne se répète pas, mais elle bégaie. Ces deux crises dans les années 1990 ont gravement compromis la sécurité nationale d’Israël, son statut international et l’image de Netanyahu dans l’opinion publique israélienne. Les deux dernières crises sont susceptibles de produire le même effet.
Netanyahu a très bien compris le caractère instable du Mont du Temple ( l’Esplanade des Mosquées) il y a une semaine, mais a été entraîné dans la crise à cause de la crainte de ses rivaux politiques de droite. Ce n’est que la fusillade de l’ambassade à Amman, et le fait que le garde de sécurité israélien qui a été attaqué devienne un possible otage, qui ont conduit Netanyahu à prendre conscience qu’il était en train de faire face à une “tempête parfaite, [1] et que la distance vers une perte totale du contrôle de la situation était très courte et que le moment était venu de mettre un terme à ceci.
Déjà à la réunion du Conseil des ministres samedi soir, quand il a parlé au téléphone à l’Ambassadeur israélien, Einat Schlein, à Amman, et au garde de sécurité blessé, et quand il a reçu les rapports des services de renseignement, Netanyahu a compris que chaque minute qui prolongeait la crise ne faisait que rendre plus difficile, plus coûteux d’y mettre fin. Si cela n’avait appartenu qu’à lui, il aurait conclu « un marché » ce soir-là avec le Roi de Jordanie, Abdullah, mais malheureusement à ce moment-là Abdullah était en voyage par avion de Hawaï à Los Angeles et ne pouvait pas être joint par téléphone.
Le lundi matin, Netanyahu a envoyé à Amman le chef du service de sécurité du Shin Bet, Nadav Argaman, pour rencontrer son homologue jordanien et pour parvenir à une solution rapide. Deux conclusions sont apparues à l’issue des entretiens avec les Jordaniens. La première a été que les hautes personnalités du royaume veulent que les détecteurs de métaux du Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées) soient jetés dans les poubelles de l’histoire. La seconde a été que les Jordaniens se sont rendus compte que le garde de sécurité israélien avait été entièrement fondé à tirer sur son agresseur et à le tuer, mais qu’ils devaient pouvoir protéger leur honneur avant de le laisser aller. Même si les deux crises n’étaient pas clairement liées, “le marché” était évident pour tous.
La leçon stratégique à tirer des évènements des derniers jours est tout à fait élémentaire. Aussi longtemps qu’Israël contrôlera le Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées), le chef du gouvernement d’Israël devra réfléchir deux fois, trois fois, une centaine de fois, avant de bouger devant ce baril de poudre. Le pire cas de figure est celui où des actions précipitées sur le Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées) mènent à une nouvelle intifada et à des milliers de morts. Dans un cas de figure moins grave, de telles actions mènent à quelques jours de violence et d’effusion de sang réciproque, à des dommages politiques et à des dommages à l’image d’Israël et à un zigzag gênant pour le premier ministre et pour le conseil des ministres.
Aujourd’hui il est évident que si Netanyahu et quelques membres impétueux du gouvernement avaient su comment les choses allaient tourner, les détecteurs de métaux n’auraient jamais été installés. Ils ont appris la semaine dernière non seulement qu’une erreur de calcul est chèrement payée, mais aussi qu’au Moyen-Orient les problèmes habituellement arrivent en groupes . L’installation de détecteurs de métaux au Mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées) en tant que mesure tactique a entraîné une escalade à Jérusalem, en Cisjordanie et a même débordé pour devenir une crise stratégique qui a menacé d’endommager gravement l’accord de paix avec la Jordanie.
Le cabinet de sécurité a décidé tard lundi soir que les détecteurs de métaux seront retirés. Netanyahu et ses ministres, qui se sont battus comme des lions pour ceux-ci, diront à la population qu’une bien meilleure, et “incroyable,” solution technologique a été trouvée. Si la situation sur le terrain s’apaise, la crise sera rapidement oubliée. Malheureusement, il y a des risques que personne dans le gouvernement n’essaiera de trouver une solution stratégique à long terme qui empêchera la prochaine crise.
(traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers)