Ramallah, le 30 mars 2020
Deux ans ont passé sans que justice soit rendue à ces enfants palestiniens tués ou estropiés pendant les manifestations hebdomadaires dans la Bande de Gaza, malgré des preuves bien établies de crimes de guerre perpétrés par les forces israéliennes.
Depuis le 30 mars 2018, les forces israéliennes ont tué au moins 49 enfants palestiniens dans le cadre des manifestations près de la frontière qui isole Gaza du reste du monde, selon les preuves rassemblées par Defense for Children International-Palestine.
Pendant la même période, les forces israéliennes ont tué 32 autres enfants en Cisjordanie occupée.
Dans la très large majorité de ces 81 cas, ces enfants ne représentaient aucune menace directe, ni vitale, au moment de leur mort.
DCIP a enregistré que 359 enfants palestiniens ont, depuis le 30 mars 2018, été blessés par les forces israéliennes pendant les manifestations près de la barrière qui entoure Gaza, parmi lesquels 270 (75 %) ont été blessés par des tirs israéliens à balles réelles.
Des informations de l’ONU dûment vérifiées montrent qu’au moins 714 enfants palestiniens ont été blessés, durant la seule année 2018, par des tirs à balles réelles dans les Territoires Palestiniens Occupés, dont 629 enfants dans la Bande de Gaza, selon un groupe de travail dirigé par l’ UNICEF surveillant les graves infractions à l’encontre des enfants pendant le conflit armé.
« L’impunité systématique a permis à Israël de continuer ses pratiques oppressives à Gaza où les enfants demeurent sans aucun doute des cibles », a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur à DCIP du Programme d’établissement des Responsabilités.
L’échec de la communauté internationale à considérer les forces israéliennes comme responsables, donc tenues de rendre des comptes, de graves infractions à l’encontre des enfants palestiniens a prodigué aux forces israéliennes une impunité tacite pour cibler de plus en plus les enfants palestiniens.
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Les manifestations civiles de masse, connues sous le nom de « Grande Marche du Retour », ont commencé dans la Bande de Gaza le 30 mars 2018. Les manifestants réclamaient la fin du bouclage par Israël de la Bande de Gaza, qui date de presque de 13 ans maintenant, et protestaient contre l’impossibilité pour les réfugiés palestiniens de revenir sur les propriétés perdues pendant les événements intervenus au moment de la création de l’état d’Israël en 1948. Environ 70 % des habitants actuels de la Bande de Gaza sont enregistrés comme réfugiés palestiniens, selon l’UNRWA (UN Relief and Works Agency - Office de Secours et de Travaux des Nations Unies).
Des blessures à vie infligées aux enfants
Sur les 359 enfants blessés par les forces israéliennes, 63 (18 %) étaient âgés de 0 à 12 ans, 163 (45 %) avaient entre 13 et 15 ans et 133 (37 %) avaient de 16 à 17 ans. Les enfants ont subi des blessures à la tête dans 16 % des cas tandis que dans la majorité des cas (53 %), les enfants ont subi des blessures dans le bas du corps, selon les renseignements recueillis par DCIP.
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Beaucoup d’enfants ont subi une blessure à vie, comme Mohammad H., 13 ans, et Mohammad M., 17 ans.
« (Ma jambe) pendait et saignait fortement comme une fontaine », rappelle Mohammad M. « Je criais aux autres de venir me secourir. Ils essayaient de s’approcher de moi, mais les soldats israéliens tiraient sur eux ».
« Des jeunes gens et des ambulanciers m’ont rapidement entouré. Les ambulanciers m’ont fait un pansement à la jambe droite qui avait presque été sectionnée et qui était encore attachée par un petit morceau de peau. Elle saignait abondamment », se souvient Mohammad H. « Je me suis réveillé dans une unité de soins intensifs, en pensant que les médecins m’avaient réparé la jambe parce que je la sentais encore. Je ne savais pas qu’elle avait été coupée à la suite de la blessure. »
L’usage d’une force excessive déclenche une enquête internationale
En raison d’un usage apparent d’une force excessive par les forces israéliennes en 2018, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a été convoqué en session spéciale à Genève, le 18 mai 2018, et a adopté une résolution créant une commission d’enquête internationale indépendante pour travailler sur toutes les violations présumées du droit international dans les TPO, au cours des manifestations de masse qui ont commencé le 30 mars 2018.
En janvier 2019, DCIP et le Centre Juridique des Droits de l’Homme et de la Justice en matière de genre (DHJG) à l’Ecole de l’Université de la Ville de New York (UVNY) ont soumis à cette commission un rapport exposant en détails les assassinats d’enfants palestiniens par les forces israéliennes pendant les marches du retour dans la Bande de Gaza, un comportement équivalant à des crimes de guerre.
Quand la commission a rendu ses conclusions le 18 mars 2019, elle a estimé qu’il existait des motifs raisonnables pour penser que les forces israéliennes avaient perpétré des violations des droits humains et du droit humanitaire internationaux au cours de leur riposte aux manifestations de la Grande Marche du Retour.
Santiago Canton, président de la commission, a déclaré que « certaines de ces violations pouvaient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, et devaient immédiatement faire l’objet d’une enquête par Israël ».
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers