Une lettre ouverte émanant de 35 Israéliens éminents, parmi lesquels des universitaires spécialistes de l’histoire juive et des lauréats du Prix d’Israël [1], a été publiée mardi par les médias autrichiens, pour appeler à faire la distinction entre la légitime critique d’Israël, « aussi dure quelle puisse paraître », et l’antisémitisme.
La lettre a été publiée avant une rencontre internationale à Vienne sur l’antisémitisme et l’antisionisme en Europe.
Cette semaine la manifestation, « L’ Europe au-delà de l’antisémitisme et de l’antisionisme : protéger la vie des Juifs en Europe », se tient sous l’égide du Chancelier d’Autriche Sebastian Kurz. Son homologue israélien, Benyamin Netanyahu, devait y prendre part mais est resté en Israël pour faire face au conflit à l’intérieur de la coalition de gouvernement.
« Nous embrassons et soutenons pleinement la lutte sans concession (de l’Union Européenne) contre l’antisémitisme. La montée de l’antisémitisme nous inquiète. Ainsi que l’histoire nous l’enseigne, il a souvent été le signe de désastres futurs pour toute l’humanité, » déclare la lettre.
« Toutefois, l’UE défend aussi les droits humains et doit les protéger avec autant de force qu’elle combat l’antisémitisme. Cette lutte contre l’antisémitisme ne doit pas être un moyen utilisé pour réprimer la critique légitime de l’occupation et des graves violations par Israël des droits humains des Palestiniens ».
Les signataires accusent Netanyahu de laisser supposer une équivalence entre les critiques hostiles à Israël et l’antisémitisme. La déclaration officielle faite par la conférence remarque aussi que l’antisémitisme s’exprime souvent à travers des critiques disproportionnées d’Israël, mais la lettre met aussi en garde sur le fait qu’une telle approche pourrait « fournir à Israël l’immunité contre les critiques pour ses violations graves et généralisées des droits humains et du droit international ».
Les signataires ne sont pas d’accord avec la prétendue « assimilation », faite par la déclaration, de l’antisionisme à l’antisémitisme. « Le sionisme, comme tous les autres mouvements juifs modernes au 20 ème siècle, a été sévèrement contesté par beaucoup de Juifs, ainsi que par des non-Juifs qui n’étaient pas antisémites », écrivent-ils. « Beaucoup de victimes de l’Holocauste s’opposaient au sionisme. D’autre part, beaucoup d’antisémites soutenaient le sionisme. Il est inepte et déplacé d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme. »
Parmi les signataires il y a Moshe Zimmerman, professeur émérite à l’Université Hébraïque [2] et ancien directeur du Centre Koebner d’Histoire Allemande de l’université ; Zeev Sternhell, professeur émérite de sciences politiques à l’Université Hébraïque et chroniqueur actuel à Haaretz ; le sculpteur Dani Karavan ; Miki Kratsman, ancien président de la section de photographie à l’Académie Bezalel des Arts et du Stylisme ; Jose Brunner, professeur émérite à l’Université de Tel Aviv et ancien directeur de l’Institut Minerve d’Histoire Allemande ; Alon Confino, professeur des Etudes de l’Holocauste à l’Université du Massachusetts à Amherst ; et le styliste graphique David Tartakover.
(Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers
Image : Cartoon Latuff/MiddleEastMonitor