Prévu pour cet été, le renouvellement
du conseil législatif palestinien
n’aura finalement lieu qu’en
janvier 2006. Et le congrès du Fatah, qui
devait aussi se tenir à l’été, se déroulera
plus tard. A quelques mois du scrutin,
Ariel Sharon a décidé de s’y inviter. En
distribuant bons et mauvais points et en
étalant ses exigences : pas question que
le Hamas se présente. L’objectif de telles
prétentions ostentatoires est multiple.
D’abord, trouver un nouvel alibi pour
refuser la négociation politique. Ensuite,
(notamment par ce « coup de pub » au
Hamas) affaiblir Abou Mazen. Et tenter
de diviser. Enfin, conjurer l’évolution
en cours du mouvement islamique, qui
s’inscrit aujourd’hui dans le système
politique palestinien.
Car tel est l’un des enjeux de ces élections.
Robert Malley, ancien conseiller
de William Clinton lors des négociations
de Camp David, et le chercheur
Hussein Agha [1] soulignent la perte de
crédit du Fatah en quête de redéfinition,
et la montée en puissance du mouvement
de la résistance islamique. D’un
côté, rappellent-il, un mouvement séculier
et nationaliste, qui soutient l’Institution
étatique mais qui, précisément, en fait
les frais -en particulier depuis le décès
de Yasser Arafat qui en était le symbole
et le ciment-, qui subit les contrecoups
politiques de l’échec d’Oslo et qui souffre
d’une réputation de corruption de certains
de ses cadres. Avec de lourdes interrogations
: comment concilier les exigences
d’un mouvement de libération
nationale et les contours d’un parti politique,
de gouvernement ? Comment articuler
la participation à un pouvoir aux
prérogatives restreintes dans un territoire
toujours occupé et le soutien aux aspirations
d’un peuple dispersé ? Comment
concilier les aspirations de ses
diverses générations ? Comment affermir
son unité malmenée ?
De l’autre, un mouvement islamique et
radical qui, ne participant pas au pouvoir,
se targue de n’être pas impliqué
dans la corruption. Créé en 1987 lors de
la première Intifada, opposé au processus
de négociation, prônant la lutte armée,
d’abord contre les colons et les soldats,
puis n’hésitant pas à mener des campagnes
d’attentats en Israël, le Hamas a
su en même temps, bénéficiant de fonds
extérieurs importants, développer une
politique caritative à l’efficacité reconnue.
Il entend démontrer son influence
lors des législatives ; mais sans participer
au pouvoir central. Il en réfute la
légitimité liée aux négociations d’Oslo,
et ne souhaite pas être associé à l’impasse
du processus politique. En clair, son succès
va d’une certaine façon de paire avec
le désenchantement politique, estiment
Robert Malley et Hussein Agha.
Société à bout de souffle
Si le Hamas a, ainsi, décliné les offres
de participation à un gouvernement
d’unité nationale, son intégration au système
n’en demeure pas moins un enjeu.
Dans la période, il s’est engagé à éviter
à partir de fin septembre les démonstrations
armées dans les rues de Gaza ;
pour autant, il rejette toute perspective
de restitution des armes tant que ne sera
libérée la Palestine.
La scène politique palestinienne ne saurait
cependant se résumer à une bipolarisation
entre ces deux formations.
L’élection présidentielle de janvier dernier
a montré qu’il existe d’autres courants,
et le score réalisé par Mustapha
Barghouti manifeste l’audience de qui
se revendique de la « société civile ».
En soi, c’est un indicateur non négligeable
des aspirations démocratiques
de la société.
Une société par ailleurs à bout de souffle.
Notamment économique. De plus, l’évolution
de l’Intifada, face à la violence
du déploiement militaire israélien, a
laissé aux armes une place qui inquiète
les défenseurs des droits humains ou de
la démocratie. Le Dr Eyyad Sarraj, psychiatre
à Gaza, met en garde contre les
risques de développement de « féodalités
armées » dans la bande de Gaza. Il
alerte face aux dérives qui ont conduit
jusqu’à des enlèvements de militants
d’ONG étrangères : fruits d’une marge
de la société, ils n’en restent pas moins
des symptômes de crise.
Les associations de défense des droits
humains ont aussi fermement condamné
l’assassinat de Moussa Arafat, ce 7 septembre,
par des milices armées, ainsi
que la vacuité des forces de sécurité qui
soit n’ont su le protéger, soit se sont laissées
aller à des règlements de compte, qui
menacent de se poursuivre. Ancien commandant
de la Sûreté générale pour la
bande de Gaza et conseiller militaire de
l’Autorité palestinienne, Moussa Arafat
était notamment accusé d’abus de pouvoir
et de corruption. L’attaque a été
revendiquée par Abou Abir, porte-parole
des Comités de résistance populaire, lesquels
ont cependant désavoué le meurtre.
Les associations de défense des droits
humains, elles, soulignent que celui-ci
n’aurait pu avoir lieu si la Justice fonctionnait,
jugeant - et le cas échéant
condamnant- ceux qui sont accusés de corruption.
Qu’en sera-t-il de l’avenir de la trêve unilatérale
que l’ANP a négociée avec
l’ensemble des forces palestiniennes ?
Rien n’indique que la direction israélienne
renonce à un cycle de violence
dont elle a tout à gagner pour prolonger
la situation d’occupation et renvoyer sine
die toute perspective de négociation. Les
assassinats ciblés de quatre dirigeants du
Jihad islamique, durant le retrait de Gaza,
alimentant de nouveau une rhétorique et
des actes de vengeance meurtrière, témoignent
de la pérennité de cette stratégie.
au détriment des deux sociétés.
Isabelle Avran, le 15 septembre 2005