Droit d’auteur ou droit du public consommateur ? Parce qu’elle soutient le mouvement BDS, Boycott Désinvestissement Sanctions, qui s’en prend régulièrement aux exactions d’Israël, les jurés du prix Sachs entendent la sanctionner, en lui refusant le prix que son ouvrage lui avait fait obtenir, rapporte Der Spiegel.
Le groupe Boycott, désinvestissement et sanctions est une campagne internationale encourageant à exercer toutes les pressions possibles sur Israël pour obtenir une cohabitation respectueuse avec les Palestiniens. Or, ces dernières années, de plus en plus d’auteurs ont refusé la vente de leur ouvrage sur le territoire — sans officiellement afficher un soutien à BDS.
Nelly Sachs, de confession juive, née en Allemagne, fut poètesse et dramaturge, et remporta un prix Nobel de littérature. Le prix qui porte son nom, doté de 15 000 € salue un auteur qui se fait le champion de la tolérance, du respect et de la réconciliation entre les peuples. Il est remis tous les deux ans.
Parmi les lauréats, on retrouve Margaret Atwood, Rafik Schami, Christa Wolf ou encore Milan Kundera. Si l’ouvrage de Kamila Shamsie avait reçu la récompense en ce qu’il « construit des ponts entre les sociétés », son autrice, elle, a choisi de se ranger du côté de BDS, et comme sanction contre Israël, de refuser la commercialisation de ses livres. Une position qu’avait tenue en 2012 Alice Walker, refusant que La couleur pourpre ne paraisse en Israël : pour elle, la situation du pays était celle « d’un État d’apartheid ».
La loi, l’antisémitisme et les convictions
Comment l’œuvre peut-elle plaider pour une coexistence pacifique, alors que l’autrice attise un conflit, s’interroge donc le jury ? Et de poser l’éternelle question : le prix juge-t-il l’œuvre ou les actes de son créateur ? Kamila Shamsie, dès que les jurés ont évoqué ce possible retrait du prix, a renouvelé son engagement vis-à-vis de BDS - invitant, désinvolte, le jury à chercher un autre lauréat.
Problème : en Allemagne, des textes luttant contre l’antisémitisme ont été adoptés, et le soutien à BDS pose de réels problèmes juridiques. Certes ce n’est pas BDS qui est récompensé mais la seule adhésion de l’autrice pourrait avoir des conséquences sur la ville : la loi sanctionnant l’antisémitisme, adopté en mars dernier, a-t-elle été violée avec la récipiendaire de cette récompense ?
Dénoncer la politique d’occupation illégitime - sans aucune base juridique - entraînant la création de nouvelles colonies serait passible d’une accusation d’antisémitisme ? Le problème vient de ce que BDS entreprend un constant boycott des produits israéliens, au seul prétexte qu’ils le soient. Et quand bien même Israël a durci le ton plus encore, devant un État juif à part entière, l’excès dans lequel plonge BDS finit par devenir préoccupant. Mais là encore, les choses sont toujours plus subtiles qu’on ne le pense.
Le jury promet « qu’à aucun moment de la décision, les jurés n’avaient connaissance du soutien de Kamila Shamsie à la campagne BDS », et la ville indique qu’une nouvelle reunion est prévue, pour de possibles délibérations. Et réponse dans les prochains jours.
Shamsie avait l’an passé remporté le prix féminin de la fiction 2018, pour son livre Home Fire, paru chez Riverhead Books – la réécriture de l’Antigone de Sophocle, mais au sein d’une famille musulmane, vivant au Royaume-Uni…