Emporte-t-il avec lui une certaine idée d’une droite intraitable et d’Etat juif arc-bouté contre toute forme d’Etat palestinien ? Assurément quand on relit le discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de la conférence de Madrid, en octobre 1991. Rappelons qu’à l’époque, le premier ministre israélien avait tout fait pour éviter de se retrouver dans le cadre d’une réunion internationale, en pleine intifada, avec la crainte de subir la pression des Etats-Unis après leur intervention en Irak, quelques mois plus tôt.
"Nous considérons que le but des négociations bilatérales est de signer des traités entre Israël et ses voisins ainsi que de parvenir à un accord portant sur des arrangements intérimaires d’auto-gouvernement avec les Arabes palestiniens." Yitzak Shamir, à aucun passage de son discours, n’emploie le terme de Palestiniens comme substantif.
Pour le premier ministre israélien d’alors, pas question donc de reconnaître au bout d’un processus un éventuel Etat palestinien, tout au plus une autonomie "arrangée et intérimaire". Une fois au moins, son lointain successeur, Benyamin Nétanyahou a évoqué au contraire le principe des deux Etats, en juin 2009, sous conditions :
"On ne peut s’attendre à ce que nous acceptions par avance le principe d’un Etat palestinien sans garanties de démilitarisation de cet Etat."
Il y a ce qui change, et il y a aussi ce qui ne change pas. La revendication d’un lien spécifique à la terre de l’ancienne Palestine mandataire en fait partie, avec les paroles prononcées en 1991 que ne renierait pas M. Nétanyahou 21 ans plus tard :
"Nous sommes le seul peuple qui a vécu sur la terre d’Israël sans interruption depuis plus de quatre mille ans ; nous sommes le seul peuple, à l’exception de l’éphémère Royaume des croisés, à avoir exercé une souveraineté indépendante sur cette terre ; nous sommes le seul peuple à avoir consacré Jérusalem comme capitale ; nous sommes le seul peuple dont les Lieux saints ne se trouvent que sur la terre d’Israël. Aucun peuple n’a exprimé son attachement à sa terre avec autant d’intensité et de constance que nous (...) Pour les autres, ce n’était pas une terre attractive. Personne n’en a voulu."
Il y a aussi les lignes rouges tracées :
"Nous savons que nos partenaires aux négociations vont formuler des exigences territoriales à l’égard d’Israël. Cependant, comme le démontre clairement l’analyse de la longue histoire du conflit, sa nature n’est pas territoriale. Ce conflit faisait rage bien avant qu’Israël ait acquis la Judée, la Samarie, Gaza et le Golan dans une guerre défensive. Il n’y avait pas l’ombre d’une reconnaissance d’Israël avant cette guerre de 1967, quand les territoires en question n’étaient pas sous le contrôle d’Israël (...) Il serait regrettable que les négociations se fixent en premier lieu et exclusivement sur la question territoriale. C’est la voie la plus rapide pour se retrouver dans une impasse. Ce dont nous avons besoin, en premier lieu et avant tout, c’est d’instaurer la confiance, d’écarter le danger d’une confrontation et de développer les relations dans autant de domaines que possible."
Pas question pour Yitzak Shamir, en 1991, de partir du principe du retour aux frontières de 1967 comme base de négociations. M. Nétanyahou, tout aussi rétif à l’idée de grand raout international -Nicolas Sarkozy a pu le vérifier à ses dépens- ne dit pas autre chose aujourd’hui. Négociations longues et difficiles, horizon incertain,le discours de clôture prononcé quelques jours plus tard vaut le détour pour ce qu’il dit de l’état d’esprit ambiant.
Au fait, M. Nétanyahou était présent aux côtés de M. Shamir en octobre 1991 (voir le cliché ci-dessus où on reconnaît également un fringant Amr Moussa), d’autres photos très réussies le rappellent...