Point d’information sur le texte sur l’antisémitisme dit "Working definition"
En 2004, lors de l’élaboration de sa première étude globale sur l’antisémitisme en Europe, l’EUMC (European Monitoring Centre on Racism and Xenophobia) constate qu’il n’existe pas de définition commune de l’antisémitisme au sein des différents Etats-membres de l’Union européenne. Par conséquent, l’EUMC, en collaboration avec l’OSCE (Organization for Security and Co-operation in Europe) et des ONG spécialisées en la matière, rédige une définition unique et détaillée dont l’objet est de « fournir un guide pratique permettant d’identifier les incidents, de collecter les données et de soutenir la mise en oeuvre et le renforcement de la législation traitant de l’antisémitisme. »
Ce texte est depuis porté par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance)qui poursuit un lobbying intense auprès des Etats et des institutions de la société civile, y compris syndicats et partis politiques, pour que cette définition soit partagée par tous. Le texte est constitué d’une définition « non légalement contraignante et opérationnelle de l’antisémitisme [1] » , définition creuse et dénuée de sens, adoptée par certains Etats européens, mais qui ne vaut que par des exemples qui doivent « l’éclairer », exemples qui assimilent clairement à de l’antisémitisme toute critique de l’État et du gouvernement d’Israël. Ce texte est donc une atteinte à la liberté d’expression, et il affaiblit en outre le combat contre tous les racismes. La Constitution de la République, universaliste, n’introduit d’ailleurs aucune distinction entre les racismes. Cette définition, ainsi dite « Israëlo-Centrée » est combattue par l’AFPS auprès des élus et des autorités (Elysée et MEAE) ainsi qu’au niveau européen à travers la CECP (Coordination Européenne des Comités et associations de soutien au peuple Palestinien).-Pour plus d’information, voir les annexes.
1/ Intervention de Ray Sirotkin : « Pourquoi Jeremy Corbyn représenterait-il un changement radical dans la politique menée par la Grande-Bretagne en Palestine depuis le début du XXème siècle ? »
Dans la 1ère partie de son intervention intitulée « Israël création britannique », RS a rappelé quelques faits :
Juifs/antisémitisme/sionisme : dans une société britannique où l’antisémitisme a une longue histoire, il n’y a pas d’unité de la communauté juive : les syndicalistes et les pauvres s’engagent alors dans les mouvements de gauche, les riches s’intègrent à l’élite britannique et soutiennent la Grande-Bretagne en tant que puissance impérialiste.
Israël est en effet, clairement un projet impérialiste qui naît après la chute de l’empire ottoman. Les juifs sont globalement peu intéressés par le mouvement sioniste et le projet de colonisation est peu soutenu jusqu’en 1945. Même après 45, le nombre de colons britanniques était faible comparé aux juifs d’Europe orientale. Ces derniers, dont un certain nombre préférerait émigrer vers le Royaume-Uni, les USA ou le Canada, sont encouragés à partir pour Israël.
Le projet britannique est double : réduire la population juive au Royaume-Uni et établir une colonie qui réponde aux besoins de la puissance impérialiste qu’est la Grande-Bretagne, notamment en aidant les juifs à s’accaparer les terres agricoles avec l’aide des banques britanniques et du Fonds National Juif. Aujourd’hui nous assistons à la continuation de cette situation à ceci près que la puissance impérialiste n’est plus la Grande-Bretagne mais les USA.
RS s’est ensuite attaché à dresser le portrait politique de Jeremy Corbyn à travers ses prises de position et ses combats qui expliquent la haine qu’il suscite depuis longtemps dans le monde politique.
Jeremy Corbyn est membre du Parlement depuis 1983. Ses engagements ont toujours été marqués par l’internationalisme, l’anticolonialisme, la lutte pour le désarmement nucléaire et pour la paix.
A l’international , il a depuis toujours pris des positions très minoritaires y compris dans son camp :
• en 1966 Il s’est opposé à la location par la Grande-Bretagne aux USA de l’archipel de Diego Garcia (qui a entraîné vers l’Île Maurice, le déplacement forcé de la population qui n’a toujours pas eu de droit au retour ! [2])
• En 2003, dans un discours célèbre, il a pris position contre la guerre en Irak et a prédit un désastre politique [3]
• En 2011, il est l’un des 9 parlementaires travaillistes à s’opposer à l’intervention en Libye.
• Il a récemment pris position contre les ventes d’armes par la Grande-Bretagne à l’Arabie Saoudite (1 milliard de dollars en 2017)
Ces positions contrastent avec celles de l’aile droite du parti travailliste, qui, à l’instar de T. Blair et de G. Brown est toujours prête à la guerre pour défendre les intérêts britanniques dont Israël fait partie.
J. Corbyn refuse de servir les intérêts militaires britanniques.
Dans la question irlandaise , il a suscité la haine en osant se rapprocher de Jerry Adams en 1989 - rappelons que les troubles ont débuté en 1969 - pour ouvrir la voie aux discussions. Et même si l’histoire lui a donné raison avec le Good Friday Agreement qui scelle la paix en 1998, il est toujours détesté pour avoir parlé et donné la parole aux Républicains irlandais.
Parmi ses autres combats, on peut citer également son engagement depuis 50 ans en Amérique latine, sa lutte contre l’apartheid en Afrique du sud.
Enfin, il est un militant de la « Palestine Solidarity Campaign » (PSC) et appartient au groupe « Labour Friends of Palestine » qui réunit 130 députés du Labour Party.
L’ascension de Jeremy Corbyn dans le parti travailliste
Quand Ed Miliband démissionne de la tête du Labour après la défaite électorale de 2015, 4 candidats sont en lice. Personne ne croit à la victoire de Jeremy Corbyn à l’intérieur de son parti. Mais Corbyn l’emporte grâce aux voix des membres du parti qui soutenaient tous ses prises de position anti-austérité, contre la majorité des députés Labour.
Tout est actuellement bon pour abattre J. Corbyn et déstabiliser le parti travailliste dont la victoire est possible aux prochaines élections, en particulier les accusations d’antisémitisme fondées sur les relations entre Jeremy Corbyn et des organisations pro-palestiniennes. On assiste à une alliance entre les Conservateurs, l’aile droite du Labour et le parti réactionnaire DUP (Parti Unioniste Démocratique) contre J. Corbyn. Ces forces politiques ont en commun le soutien à Israël (mais se soucient peu des juifs).
Jeremy Corbyn peut-il devenir Premier ministre ?
Ray pense que oui car les Conservateurs sont très impopulaires mais que tout est fait pour l’en empêcher, dont la campagne sur son pseudo-antisémitisme. Cependant cette campagne ne semble pas affaiblir sa popularité qui lui vient de ses positions anti-austérité.
Ses positions sur la Palestine
Le parti travailliste est très divisé. Les pro-Palestiniens sont à peu près aussi nombreux que les pro-Israéliens mais ces derniers sont puissants.
Ex. : Emily Thornberry qui pourrait devenir ministre des Affaires étrangères, apparient aux Amis travaillistes d’Israël et condamne BDS. Elle a cependant condamné aussi les massacres de Gaza. A cause de ces massacres, d’autres députés ont démissionné du groupe Amis travaillistes d’Israël.
Mais Jeremy Corbyn est très clair sur son soutien à la Palestine :
une motion pour les droits des Palestiniens a été votée
il a promis la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Mais tout dépend également de ce qui se passe dans le reste de l’Europe.
2/ Intervention de Leah Levane : « Quelles conséquences les accusations d’antisémitisme lancées contre Jeremy Corbyn ont-elles sur la position du parti travailliste vis-à-vis de la question palestinienne ? »
La campagne actuelle est concertée, mensongère et violente. Elle est dirigée contre Jeremy Corbyn et les membres de l’aile gauche du parti. Avant l’élection de Corbyn, le parti comptait environ 160 000 membres, il en compte aujourd’hui 560 000 et les intentions de vote pour le Labour continuent d’augmenter, malgré les attaques. L’attaque la plus violente est celle pour antisémitisme. Elle a donné lieu à une grande manifestation officiellement contre l’antisémitisme, en réalité contre Jeremy Corbyn, suivie le lendemain d’une contre-manifestation des pro-Corbyn qui ont été copieusement insultés. L’accusation d’antisémitisme permet aussi de faire passer à l’arrière-plan les questions sociales et politiques. C’est aussi le cas des médias qui ramènent toujours tout à la question de l’antisémitisme.
Leah fait une parenthèse sur la définition de l’antisémitisme promue par l’IHRA pour insister sur le paradoxe qu’il y a, pour des juifs dont la tradition est celle du questionnement,du commentaire et de l’interprétation, à vouloir imposer ce texte à tous sans discussion. Cette définition serait-elle plus sacrée que la Torah ? demande-t-elle.
La création du mouvement Jewish Voice for Labour . Très importante pour soutenir ouvertement la politique « radicale » de J. Corbyn et l’aile gauche du Labour. En effet, beaucoup de gens ont du mal à comprendre qu’il puisse exister des juifs anti-establishment. Cela participe d’une pensée raciste qui veut faire des juifs une communauté homogène.
A l’intérieur du parti , les membres qui ont été exclus ne l’ont pas été directement pour antisémitisme - il n’y a pas de véritables preuves - mais ils l’ont été sous le prétexte que les attaques qui les visaient jetaient le discrédit sur le parti.
Leah revient sur le cas emblématique de sa collègue et amie Jackie Walker [4] , noire et juive, née d’un père juif russe et d’une mère jamaïcaine, l’une des fondatrices de Jewish Voice for Labour. En 2016 elle a été accusée d’antisémitisme par Israel Advocacy Movement. Les médias ont tronqué ses propos et continuent de la présenter comme antisémite. Elle fut exclue du Labour avant d’être réintégrée. Voir dans la partie Labour Party de la page Wikipedia citée en note.
Quelles sont les conséquences de cet état de fait ?
• Le labour a perdu les élections en 2017
• La classe dirigeante a très peur de l’accession au pouvoir de Jeremy Corbyn
• Il y a une perte d’espoir pour ceux qui attendent cette arrivée au pouvoir de la gauche et un risque de voir monter l’extrême-droite
« Que faire ? » Travailler et essayer d’élaborer une stratégie, ce qui est rendu difficile pat l’ampleur de la tâche et la multiplicité des batailles à mener :
• pour les politiques de gauche
• contre les ventes d’armes
• pour la paix
• pour le droit des Palestiniens
• contre toutes les formes de racisme
• contre l’amalgame « sionisme » / « judaïsme » et « antisionisme » (idéologie qu’on peut discuter) / « antisémitisme » (forme de racisme, qui est un délit et non une simple opinion)
• pour le soutien des personnes exclues du parti
Leah ajoute que, s’il y a de grandes tensions sur la question Israélo-palestinienne au niveau des élus et des appareils du parti, la majorité des adhérents du parti travailliste sont favorables à la cause palestinienne.
3/ Questions du public
Quel est l’impact de la campagne autour de l’antisémitisme, par rapport aux autres attaques contre J.Corbyn ?
• Ray estime qu’il est relativement faible sur la popularité de J.C. Le but de la campagne est plutôt de déstabiliser le parti.
• Leah estime que cette campagne vise à mettre en doute les capacités et la stature de J.C. comme toutes les autres attaques.
• Pour Nathalie Levallois, les attaques ont eu plutôt l’effet inverse de celui recherché à l’intérieur du parti travailliste. En effet, pour la 1ère fois depuis 1983 il y a eu un débat sur la Palestine avec des drapeaux palestiniens dans la salle.
Y a-t-il un risque de scission à l’intérieur du parti travailliste sur la question Israël-Palestine, ou de départ des militants pro-Palestiniens ?
• Ray pense que s’il y a scission, ce sera autour de la politique d’austérité.
• Leah ajoute que s’il y avait scission ce serait au niveau des députés et non au niveau des membres du parti. Mais la question de la Palestine n’est pas du tout centrale.
Question sur la position de l’Europe au moment où les Américains sont récusés par les Palestiniens.
• Ray : les pressions israéliennes se font sentir à tous les niveaux. Ainsi Martin Schultz fait pression pour que Véronique de Kayser ne soit pas candidate aux élections.
Deux questions sur la position des médias, presse écrite et BBC, et l’argumentaire utilisé par le clan pro-israélien dans les médias :
• Leah : L’importante question de l’holocauste est trop souvent soulevée par rapport à la Palestine. Il est extrêmement important de comprendre que de nombreux Juifs portent une profonde crainte de la possibilité d’un autre Holocauste ou d’une résurgence de l’antisémitisme soumise par le pouvoir ; mais cette compréhension doit être séparée de la question de la justice pour les Palestiniens. Il est douloureux de voir, trop souvent que les Palestiniens sont présentés comme des terroristes. Elle épingle particulièrement le Guardian qui, alors que ses journalistes sont capables de faire des enquêtes très sérieuses et documentées, ne le fait pas sur ce sujet.
• Ray ajoute que les médias britanniques sont aux mains de 5 familles qui mentent. Il donne un exemple d’interprétation malhonnête à partir d’une phrase de Corbyn : "We have to include our friends from Hamas if we want to make peace", « friends » étant un terme diplomatique désignant des partenaires dans le contexte de pourparlers de paix. Les commentaires des médias ont immédiatement été : Corbyn est pro-Hamas et soutient des terroristes !
• Leah renvoie à une étude académique sur le site de Jewish Voice for Labour qui épingle les mensonges et distorsions des médias : les deux plus gros viennent du Guardian et de la BBC.
Que pensez-vous de l’opinion de Norman Finkelstein qui pense que Jeremy Corbyn a eu tort de s’excuser suite aux accusations d’antisémitisme et des 12 concessions qu’il a faites ?
• Leah n’est pas toujours d’accord avec N. Finkelstein mais elle est d’accord sur le fait que Jeremy Corbyn s’est trop excusé. Elle ajoute que J. Corbyn, qui est toujours désireux de comprendre, s’en rend compte maintenant et que ses excuses ne diminuent en rien les attaques. J.C. commence à se tourner vers Jewish Voice for Labour.
• Nathalie Levallois ajoute que beaucoup de ses partisans pensent qu’il a eu tort mais il a maintenant bien compris qu’Israël est derrière les attaques.
Jeremy Corbyn a-t-il reçu le soutien d’autres partis de gauche européens ?
• Jean-Luc Mélenchon était présent au dernier congrès du parti travailliste.