COMPTE RENDU DU VOYAGE D’EVRY PALESTINE
Nous revenons d’une mission d’une semaine dans la Bande de Gaza, qui s’est déroulée du 4 au 12 mai. Nous étions un groupe de 18 participants, 17 d’Evry Palestine et la secrétaire générale du CICUP qui s’est jointe à notre mission pour réactiver les liens de son organisation avec les universités de la Bande de Gaza.
Arrivés par Rafah, nous avons pu constater la situation dans la Bande de Gaza : d’un côté un semblant de vie normale, plus de voitures et moins de véhicules à âne qu’il y a quatre ans, de nouveaux commerces, le nettoyage des décombres et des travaux de reconstruction en œuvre après les bombardements de novembre ; des étudiants dynamiques, pour certains d’entre eux passionnés par la langue française, qui nous ont accompagnés dans tous nos déplacements ; et en même temps le siège et l’enfermement toujours bien présents, l’interdiction de se rendre en Cisjordanie, le manque quotidien d’eau et d’électricité, la pollution des terres et des nappes phréatiques, la pauvreté et la surpopulation effrayantes dans certains secteurs du camp de réfugiés, un territoire enfermé, surpeuplé, tout simplement non viable à plus ou moins court terme.
Notre premier objectif était de réactiver le jumelage entre le camp de réfugiés de Khan Younis et la ville d’Evry, initié en 1999 à l’initiative d’Evry Palestine, que nous portons aujourd’hui au niveau de notre association, tout en sollicitant, mais sans l’attendre pour agir, un réveil de la municipalité d’Evry.
En 2009, nous avions constaté que le comité populaire des réfugiés était empêché de fonctionner par les autorités locales, et que ses membres vivaient constamment dans la crainte d’être arrêtés. Aujourd’hui, le comité populaire des réfugiés du camp de Khan Younis a retrouvé les moyens de fonctionner, il a des locaux et un compte bancaire, il est actif et nous a présenté les partenaires et projets associatifs qu’il soutient. L’OLP, et principalement le Fatah, retrouvent un rôle reconnu à travers la défense des réfugiés (75% de la population de la Bande de Gaza) et de leur droit au retour, thème particulièrement présent en ces jours de commémoration de la Nakba. Ces comités populaires dirigés en majorité par le Fatah coexistent avec d’autres comités dirigés par le Hamas que nous n’avons pas rencontrés. En revanche, nous avons tenu à rencontrer, en présence de nos partenaires, le maire de la ville de Khan Younis, désigné par les autorités Hamas de Gaza, qui a centré son discours sur la mission de la municipalité qui est de fournir des services à la population dans un contexte particulièrement difficile, et dont les employés nous a-t-il dit, Fatah et Hamas sont représentatifs des pluralités politiques rencontrées également au sein de chaque famille palestinienne.
Nous avons été invités par de nombreux autres responsables de comités populaires de réfugiés des camps de la Bande de Gaza ; tous ont pu, à des degrés divers, retrouver une activité, et ceux qui sont jumelés avec une ville française (dont le camp de Rafah avec Saint-Denis) espèrent que les relations seront au plus vite rétablies avec ces villes.
Notre mission suivait de quelques semaines le démarrage de notre projet d’animation pour les enfants autour d’une ludothèque, qui a pu effectivement commencer début avril dans des locaux en plein centre du camp de réfugiés. Ce projet, qui bénéficie d’un financement du Conseil Général de l’Essonne, a reçu au cours de notre mission le soutien du Consulat Général de France, venu sur place confirmer sa promesse de contribution. Beaucoup reste à faire pour développer ce projet, nous faisons appel aux comités locaux qui le souhaitent de s’y associer et d’y contribuer, nous pourrons en parler avec ceux qui l’envisagent.
Notre deuxième objectif était plus largement militant. Parmi les points marquants de nos rencontres, des rencontres avec le PARC sur les projets agricoles, le PCHR sur la situation des droits de l’Homme, des associations de défense des droits des femmes qui soutiennent aussi les ex détenues.
Quatre d’entre nous ont passé une matinée sur la défense des prisonniers, avec l’appui efficace de l’association locale El Wedad qui a organisé une rencontre avec les familles de deux des prisonniers parrainés, ainsi qu’une rencontre au ministère des prisonniers ou sont venues , devant une assistance nombreuse, témoigner une ex prisonnière et des familles de prisonniers. Nous avons pu constater que de jeunes prisonniers purgent des peines jusqu’à 14 ans de prison pour avoir tenté de franchir la frontière pour étudier à l’étranger. Et confirmé à quel point la question des prisonniers est aujourd’hui au cœur du combat des Palestiniens.
La rencontre avec les pêcheurs que nous avons pu organiser avec l’aide de militants internationaux nous a particulièrement marqués : aucun argument "sécuritaire" ne peut excuser les crimes que commet la marine israélienne en attaquant les pêcheurs, en les humiliant, les emprisonnant, les mutilant, en détruisant leur outil de travail et en les empêchant d’exercer leur métier. Punition collective « pour détruire cette économie en brisant la volonté de résistance des pêcheurs ».
Au moment de notre visite, la zone de pêche restait limitée à la distance totalement ridicule de 3 miles nautiques en pleine saison de pêche à la sardine, en violation de l’accord qui avait autorisé 6 miles lors de la trêve conclue après la dernière offensive israélienne de novembre.
Au moins 12 miles seraient nécessaires pour une réelle activité de pêche côtière et ne pas épuiser totalement cette ressource déjà éprouvée (les pêcheurs évoquent une durée de 10 ans pour reconstituer cette ressource si le blocus maritime était aujourd’hui levé).
Nous avons également pu rencontrer un des animateurs du projet Gaza Ark, dont nous aurons l’occasion de reparler à l’AFPS : le "bateau pour Gaza" dans l’autre sens, le sens du droit des Palestiniens à exporter leur production, droit aujourd’hui bafoué et pourtant indispensable à leur économie.
Au niveau agricole, les paysans continuent, malgré les accords de la trêve de novembre, à être attaqués dans une large zone tampon ; avec beaucoup de difficultés, des cultures de blé ont pu être réalisées plus près de la frontière qu’auparavant, mais les attaques et incursions se répètent régulièrement dans cette zone fertile qui pourrait pourtant contribuer à une relative sécurité alimentaire pour la population si elle n’était pas interdite d’accès.
L’occupation israélienne est omniprésente par le blocus, l’enfermement, les intrusions, mais le peuple palestinien de Gaza est toujours accueillant, chaleureux envers les internationaux qu’ils ne voient que trop peu. Un peuple debout, délaissé par la « communauté internationale » qui a besoin plus que jamais de notre solidarité. Nous revenons avec la volonté d’agir contre le blocus et les différentes formes de l’occupation ; de témoigner collectivement de ce que nous avons perçu de la réalité de Gaza ; et de consacrer, à cette thématique, un grand moment de nos prochaines Huit Heures pour la Palestine.
Les militant-e-s d’Evry Palestine qui ont participé à ce voyage seront heureux de partager avec vous leurs impressions en marge des travaux de notre congrès.
Bertrand Heilbronn, Dominique Pallarès pour le Bureau d’Evry Palestine